S. (42 ans) et J. (29 ans) vivent ensemble avec trois enfants entre quatre feuilles de tôle bien conservées, mais dans un état de pauvreté extrême. À Bois-Marchand, où ce couple de séropositifs vivent, les temps ont changé… Surtout depuis que le voisinage a découvert leur statut sérologique. Soutenue par des ONG oeuvrant dans la localité et avec l’aide de travailleurs sociaux engagés, la petite famille se bat contre les préjugés et discriminations. Leur but : vivre dignement en dépit de l’extrême pauvreté dans laquelle ils se retrouvent et donner l’exemple à ceux, souffrant de circonstances identiques, pour qu’ils relèvent la tête et sortent du gouffre…
Le quotidien de S., de J. et des trois enfants, qui vivent avec eux, est loin d’être un long fleuve tranquille… Il y a peu de temps – avant que les deux adultes ne découvrent qu’ils sont séropositifs – le voisinage les aidait ; en offrant un peu d’eau et de l’électricité, ouvrant les portes de leurs maisons à la petite famille ou encore en laissant les enfants regarder un peu la télé les après-midis… Mais depuis que J. est tombé gravement malade, et que les médecins l’ont informé qu’il est séropositif, les choses ont changé. Et aucun des deux n’est toxicomane.
Les portes accueillantes des voisins se sont solidement fermés du jour au lendemain, excluant davantage la petite famille qui vit un quotidien déjà pénible. « Même l’accès aux toilettes communes leur a été interdit ! » lancent Danny Philippe, responsable de l’ONG LEAD, et Dhiren Moher, activiste connu.
« La faute est compréhensible. Nous avons compris que les voisins agissent de la sorte envers S. et J. et leurs enfants car ils ignorent le sujet ; soit le VIH et les modes de transmission du virus. Ils ont peur parce qu’ils ne connaissent pas la maladie ni les traitements », soutient Danny Philippe.
Le cas de ce couple de Bois-Marchand n’est pas sans rappeler celui de la défunte Malini, première et unique Mauricienne à ce jour à avoir assumé et dévoilé son statut sérologique. Elle avait d’ailleurs été brutalement rejetée par ses proches et son voisinage.
Le responsable de LEAD explique que « les gens, en manque d’informations, ont peur d’être contaminés par le VIH en partageant les toilettes ou en se retrouvant dans le même espace que le couple. Il y a toujours un travail d’éducation à faire en ce sens ». Et d’ajouter : « Ce couple a été identifié. À cause de ces attitudes discriminatoires et stigmatisantes, de nombreuses personnes préfèrent vivre recluses et isolées. Préférant aussi taire leur maladie, plutôt que d’aller vers des centres de traitements et se faire aider. »
Sur ce point – souvent soulevé par Nicolas Ritter, directeur de PILS et premier Mauricien à avoir avoué vivre avec le virus –, Dhiren Moher, qui lui a emboîté le pas, rappelle que « nombre de séropositifs Mauriciens préfèrent mourir, physiquement. La pauvreté, voire l’extrême pauvreté, comme dans le cas de S. et J., avec leurs problèmes de voisinage, en témoigne. » À Danny Philippe d’ajouter : « Il est vrai que ces personnes suivent un traitement médical. Mais dans des conditions où ils n’ont rien à manger chez eux au quotidien, comment prendre des médicaments le ventre vide ? »
LEAD, avec le soutien des Éclaireurs de Bois-Marchand et de l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM), vient ainsi en aide quotidiennement à ce couple de séropositifs et à leur petite famille. Danny Philippe précise cependant que « l’obstacle le plus retors demeure l’ignorance ».
LEAD et d’autres organismes proposeront en ce sens une série de formation dans le quartier de Bois-Marchand dans les semaines à venir. « L’idée étant de véhiculer de l’information sur VIH, le profil du malade, les risques et modes de transmissions, les traitements, entre autres. » De cette manière, poursuit le travailleur social, « on aidera à faire reculer la stigmatisation ».
Pour l’heure, le couple vit dans la maisonnette qu’il a obtenue grâce au soutien du National Empowerment Fund (NEF). Les ONG présentes sur le terrain joignent leurs efforts pour aider cette famille à sortir de cette situation. Un travail de très longue haleine qui portera certainement ses fruits, estime Danny Philippe. Ce dernier se dit d’ailleurs convaincu que Bois-Marchand, « comme d’autres quartiers du pays, subissent les effets d’une stigmatisation directe car souvent des crimes et d’autres actes violents y sont perpétrés. Mais ces régions regorgent de personnes souhaitant se prendre en main et faire de leurs quartiers des lieux où il fait bon vivre. Nous avons le devoir de les aider dans cette démarche ».
REFUS DE LA PAUVRETÉ: La lutte quotidienne de S. et J., à Bois-Marchand
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