- Les Pharmacy Owners propose le « hold-on » devant la colère des consommateurs, furieux de ce coup de massue
- Le remboursement de cette redevance par les assurances en question
Alors que la flambée ahurissante des prix des produits de consommation de base abasourdit les Mauriciens et plombe le budget des ménages davantage, voilà que le consommateur est écorché à nouveau. Cette fois, ce sont les pharmaciens qui plongent la main dans la poche des malades avec la réclamation d’un professional fee diversement commenté depuis ce week-end. Ce règlement, gazetted depuis décembre dernier, imposant des frais de Rs 100 pour les services ou conseils du pharmacien, devrait entrer en vigueur incessamment. Le Pharmacy Council serait en train de finaliser les guidelines auxquels devra obligatoirement se conformer tout registered pharmacist réclamant, dans un proche avenir, un tel fee à ses clients. Si les pharmaciens sont satisfaits, d’autres acteurs du secteur estiment cette mesure déraisonnable dans le contexte économique actuel où les familles sont en souffrance financière. L’Association of Pharmacy Owners appelle le Pharmacy Council à “hold-on” l’entrée en vigueur d’une telle mesure et invite à la discussion avec tous les stakeholders, avant toute décision. Les consommateurs, étonnés et furieux, se demandent si ces frais additionnels pour le compte des pharmaciens figureront sur les factures et s’ils pourront en faire une réclamation de remboursement auprès de leur assurance.
La quasi-totalité des membres de cette profession affichent un large sourire car ils attendent cette mesure depuis plusieurs années. En effet, le Pharmacy Council peaufine actuellement les derniers guidelines pour l’entrée en vigueur d’un professional fee de Rs 100 payable au pharmacien pour une prescription relative à des Scheduled Pharmaceutical Products, soit listés comme Dangerous Drugs, et les antibiotiques. Le consommateur devra aussi débourser pour d’autres prescriptions, mais les pharmaciens ne toucheront que 10% de la facture totale, la somme lui revenant ne devant, toutefois, pas dépasser Rs 100. Il est aussi question de facturer les conseils d’un pharmacien pour une somme ne dépassant pas Rs 100. Des mesures qui, pour l’heure, restent assez floues pour le public consommateur, mais qui soulèvent un véritable tollé. D’autant qu’on ne sait pas encore si la personne qui vient avec une prescription devra débourser Rs 100 additionnels si elle demande un conseil relatif aux médicaments au pharmacien.
Satisfaction de l’Union des Pharmaciens
Les pharmaciens, eux, sont ravis de la mise en application de leur demande. Ils font ressortir que cette réclamation existe dans d’autres pays du monde et qu’elle figure dans le Code of Practice des pharmaciens, en vigueur récemment. C’est ce que souligne Siddique Khodabocus, de l’Union des Pharmaciens, qui accueille favorablement l’entrée en application de cette nouvelle mesure.
« It’s a measure longly due », dit-il. Cela fait plus de vingt ans que cette mesure est à la table des discussions, dit-il, ajoutant que « les pharmaciens ont milité auprès de différentes instances pour cela. » Pour justifier cette mesure, il explique qu’ « un pharmacien est un professionnel de Santé qui donne un service professionnel. On ne peut pas s’attendre à ce que ce service soit gratuit, comme cela a été le cas depuis trop longtemps ». Par service, il cite la dispensation en fonction du dosage à préparer, l’âge du patient à prendre en considération, les contre-indications en fonction des autres pathologies du patient… « Cela prend du temps à un pharmacien pour préparer une commande », souligne Siddique Khodabocus.
Et d’insister que « si demain il y a une erreur, c’est le pharmacien qui est tenu responsable. » Qui plus est, indique le président de l’Union des Pharmaciens, « nous sommes tenus de travailler 40 heures et sommes responsables de la pharmacie, de l’ouverture à la fermeture.
Ce sont d’énormes responsabilités sur nos épaules ». Par ailleurs, dit-il, « nos conseils ne sont pas des phrases en l’air. Nous sommes en mesure, en fonction des prescriptions, de différencier entre des pathologies graves et des pathologies moins graves. C’est un véritable travail. Pas juste une question de distribution », dit-il, estimant qu’avec ce professional fee qui sera requis des clients, « c’est le travail du professionnel qui est reconnu et rémunéré. » Pour répondre aux critiques de ceux qui trouvent cette mesure injustifiée et qui se disent incapables d’honorer les frais pour le travail du pharmacien, Siddique Khodabocus avance qu’ « il y a les hôpitaux publics où même les médicaments sont gratuits. »
Les personnes âgées les plus lésées
Les consommateurs sont, toutefois, étonnés et furieux de ce nouveau coup de massue, arrivant comme une bombe. « On n’a jamais entendu parler de cela. Rs 100 peuvent paraître dérisoires pour certains, mais ce sont des frais additionnels qui pèseront lourd dans le panier des familles. Alors qu’au niveau des pharmaciens, le compte en une journée sera par milliers de roupies », pestent les patients.
D’autant qu’actuellement, vu la hausse des prix des produits de consommation, « dimoun pe bizin ser ceintir ». Outre les familles à faibles revenus, les personnes âgées seront pénalisées. « Ek sa Rs 9,000 pension là, là aussi pe bizin paye docter, paye medsine par quantité ek aster pou bizin paye pharmacien. Ki pou rester? », déplorent les pensionnaires. Surtout que le contexte économique engendre aussi d’autres maux et que « pe bizin ale dépenser kot doter acoz stress… Aster pou bizin paye pharmaciens! » Les personnes âgées demandent le plus souvent conseil auprès des pharmaciens « pou enn oui, pou enn non ».
D’autres observateurs rappellent, par ailleurs, que les pharmacies sont les entreprises qui n’ont pas été affectées par la crise sanitaire. Bien au contraire. « Il n’y a pas eu de perte d’emploi. Les pharmacies ont travaillé comme des moulins à vent depuis le Covid.
Des interrogations quant au timing
Ce sont les consommateurs qui non seulement sont affligés par la maladie, le Covid ou bien d’autres pathologies, mais qui, en raison de la crise, doivent aussi subir lourdement la crise financière », déplorent plusieurs consommateurs. D’autres s’insurgent que les conseils d’un pharmacien deviennent payants. « C’est comme vous demandez au receveur d’autobus de vous indiquer le prochain arrêt et qu’il vous réclame Rs 10 additionnelles pour vous l’indiquer. C’est le travail du pharmacien de préparer les commandes.
Les conseils vont de pair. C’est la bonne pratique. Pourquoi une rémunération additionnelle? Surtout que les pharmaciens sont des employés comme tout le monde et qu’ils reçoivent un salaire », font ressortir nombre de malades qui s’interrogent aussi si les pharmaciens incluront ce déboursement additionnel sur la facture et s’ils pourront le déclarer à l’assurance pour les réclamations de remboursement. Ils se demandent aussi comment faire la différence entre le pharmacien pour qui ils devront régler la note et les employés qui servent simplement les médicaments. À cette question, Siddique Khodabocus laisse entendre que le Pharmacy Council a prévu des badges qui révèlent le statut des pharmaciens, ce qui ne prêtera pas à confusion.
On note aussi dans le secteur pharmaceutique et de la Santé en général, des divergences de points de vue sur la question avec plusieurs interrogations quant au timing de l’entrée en vigueur de cette nouvelle mesure. Ceux qui font ouvertement part de leurs réserves à ce sujet mettent en avant la cherté du coût de la vie. Certains professionnels, comme les propriétaires de pharmacies mais aussi les médecins, sont d’avis qu’il faudrait, dans le contexte actuel, tenant compte des difficultés éprouvées par nombre de famille en raison de la crise financière, hold-on cette mesure et entamer de nouvelles discussions avec tous les stakeholders.
Arvind Mayaram, président de la Pharmacy Owners of Mauritius (POM) Association, estime que cette mesure pèsera lourd dans le panier du patient déjà affligé par la maladie et affecté financièrement avec les frais médicaux et la situation économique actuelle. Après consultations avec quelques membres de POM, il avance que l’association est d’avis qu’il faut freiner l’entrée en application de cette mesure pour laquelle les sondages sont défavorables. Le public ne sera pas réceptif à une telle mesure imposée, dit-il.
Plusieurs professionnels de la Santé partagent le même avis, faisant ressortir que les pharmaciens sont des exécutants. « Le patient est déjà au courant, à travers les explications qu’il aura reçues de son médecin traitant, des dosages et autres indications quant aux médicaments qui lui sont prescrits », rappelle le Dr Ishaaq Jowahir, médecin chevronné. La Private Medical Pratitionners Association (PMPA) abonde dans le même sens faisant ressortir qu’avec la cherté du prix des médicaments sur le marché, il n’est pas évident pour les familles de dépenser pour un service offert par la pharmacie.
Soulignons aussi que les prochaines élections du Pharmacy Council devraient se tenir le 23 avril prochain et que le Nomination Day a déjà été fixé au 3 avril. Est-ce que cette mesure sera un atout pour les membres de l’équipe sortante du Pharmacy Council? Certains pharmaciens, tout en ne contestant pas ce fee, estiment plus raisonnable d’attendre l’arrivée d’un nouveau Board du Pharmacy Council pour aller de l’avant avec une telle mesure, si décidée. À bon entendeur, salut!