Détentrice d’un LLb Hons (Mtius), d’un BSc (Hons) en sciences politiques (Mtius) et d’un MA Public Policy and Administration (Mtius), Prisheela Mottee s’intéresse à la cause des femmes, et plus particulièrement celle des jeunes filles. D’où l’idée de son association, la Raise Brave Girls. Ainsi, dit-elle, malgré la Children Act 2020, qui s’intéresse notamment au mariage des mineurs, l’absence d’éducation sexuelle « continue de demeurer un obstacle ».
Elle évoque aussi l’impact de la pandémie sur les femmes, le leadership au féminin ainsi que les refuges pour femmes battues, entre autres questions… Prisheela Mottee salue « les efforts » du ministère de la Femme, de la Famille, des Genres et de la Protection des enfants. Cependant, dit-elle, même si la Children Act 2020 « répond au problème du mariage des mineurs », et que la loi aborde de nombreux autres aspects, « l’éducation sexuelle demeure toujours une préoccupation, du fait que les grossesses précoces sont toujours d’actualité ». Elle rappelle à ce propos que, durant plusieurs années, « les féministes ont plaidé contre le mariage des enfants », dans le sillage de l’article 145 du Code civil mauricien, « qui n’était pas en accord avec le droit des enfants et les traités internationaux ».
C’est ainsi que son association, Raise Brave Girls, a commencé à plaider il y a cinq ans contre le mariage des enfants. L’année dernière, l’association avait d’ailleurs lancé une pétition en ligne à ce propos, laquelle a été signée par plus de 5 000 personnes, toutes se prononçant contre le mariage des enfants. « La place de l’enfant est à l’école. Il n’est en aucun cas en mesure de gérer un mariage à 16 ans. Cette loi donnera amplement le temps aux enfants de grandir et de s’émanciper. Mais nous devons aussi être réalistes : la loi amendée ne réduira peut-être pas les grossesses chez les adolescentes, car cet aspect nécessite que garçons et filles reçoivent une éducation sexuelle. »
Prisheela, qui dit suivre de près l’actualité, arbore aussi la question de l’impact du Covid qui, dit-elle, « n’est pas neutre sur le plan des genres », la pandémie ayant en effet affecté différemment les hommes et les femmes. « Nous ne devons pas être aveugles dans nos réponses à la pandémie. Sinon les femmes subiront un coût économique disproportionnellement plus élevé que les hommes. » Ainsi, pour Raise Brave Girls, « la » solution pour atteindre l’égalité des sexes « passe par une approche de budgétisation sensible aux genres ».
« L’écart entre les deux sexes s’est creusé avec la pandémie. Selon le rapport du PNUD sur l’impact socio-économique du Covid-19 en 2020, les violences basées sur le genre ont augmenté de 33%, dont 93% des cas sont perpétrés contre les femmes. On note aussi une baisse au niveau de l’emploi des femmes, les chiffres passant de 215 100 employées au premier trimestre 2020 à seulement 157 000 en mai 2020 », explique Prisheela Mottee. Cette dernière soutient ainsi que « les premières victimes de la pandémie sont les femmes, non seulement en ce qui concerne la violence domestique, en hausse, mais aussi sur le plan des pertes d’emplois ». Œuvrer pour une société égalitaire et de manière durable passe, dit-elle, par « une politique d’inclusion sociale, dans la société en général, mais aussi dans les entreprises ».
« Au niveau micro, autrement dit de la société, il est important de renforcer les programmes de sensibilisation et d’éducation sur l’égalité des sexes. Mais au niveau macro (entreprises privées), il est crucial de mettre en œuvre cette égalité, qui est un des objectifs fondamentaux des Nations Unies. » Dans le contexte pandémique, Prisheela estime tout aussi important de « s’impliquer dans la course économique en augmentant la productivité dans un environnement sûr et égalitaire ». Ce qui contribuera, selon elle, à « augmenter la performance clé de l’entreprise en éliminant toutes formes de conflits » entre les deux sexes, et ce, afin d’avoir « des relations industrielles harmonieuses ».
Objectif 2030
En ce qui concerne la gestion et le leadership, hommes et femmes ne sont pas traités sur le même pied d’égalité, estime-t-elle. Aussi la présidente de Raise Brave Girls estime-t-elle que « les autorités et les entreprises doivent avoir une politique claire en matière d’égalité des genres », afin de renforcer le rôle de l’organisation, de se fixer des objectifs et de faire des recommandations. « Nous devons avancer vers 2030 pour atteindre le 5e Objectif de développement durable quant à l’égalité des sexes. Les congés parentaux devraient par exemple faire partie des nouvelles normes et les parents devraient pouvoir les avoir à tour de rôle. On ne peut créer de barrières pour la nouvelle génération de parents en catégorisant les congés de maternité et de paternité. » Elle poursuit : « Les entreprises devraient proposer non seulement des salles de lactation pour les nouveau-nés, mais aussi des pouponnières jusqu’à trois ans. »
Prisheela Mottee aborde aussi la question de la « budgétisation », dépendante du genre, et qui, selon elle, « vise simplement à offrir des ressources en réponse aux capacités, contraintes et besoins des femmes, des hommes, des filles et des garçons ». Elle développe : « Les principales étapes de la budgétisation sensible au genre peuvent être mises en œuvre par une analyse des problèmes dans le contexte local, puis comparée avec les pays développés. Il faudrait aussi restructurer le budget annuel et inclure l’égalité des sexes dans le processus budgétaire. »
Activités de leadership pour les enfants
La directrice de Raise Brave Girls croit également que le plan de leadership devrait être implanté « dès le plus jeune âge ». Raison pour laquelle l’association a parrainé l’école gouvernementale de Petite-Rivière, dit-elle, non seulement en offrant des fournitures scolaires, mais aussi en proposant des activités pédagogiques créatives. Prisheela Mottee estime ainsi « important » que l’enfant dispose d’équipements nécessaires « pour pouvoir jouer, mais aussi s’exprimer, à travers des activités, tout en développant ses capacités de leadership ».
« Il y a deux ans, dit-elle, nous avons installé des activités de comptage à travers des courses en ligne et des jeux physiques, qui ont été un succès. L’année dernière, les enfants ont participé à une activité de dessins. C’était impressionnant de voir le point de vue encourageant des garçons sur la réussite des filles, et voir qu’il y a là du positif. »
La vision de Raise Brave Girls pour 2022 est de poursuivre sa quête vers l’égalité des sexes. Notamment avec les congés menstruels, et pour lesquels l’association a plaidé lors du budget 2021/22, afin qu’ils soient introduits dans la loi. Elle explique ainsi que, selon les études de l’American Academy of Family Physicians, la dysménorrhée (douleurs menstruelles extrêmes) « est une expérience courante ».
Elle continue : « Si le congé de maternité peut être accordé, tout comme le temps libre pour l’allaitement, alors nous pourrions aussi prendre en compte les problèmes de santé liés aux menstruations. »
Sur un autre volet, Prisheela Mottee estime qu’il faudrait revoir les refuges (shelters) pour femmes battues. Pour elle, « la violence envers les femmes affecte à la fois l’individu et la société », ce qui représente un « obstacle » à l’égalité des sexes et au développement. «
Les femmes et les jeunes filles sont les premières victimes de violences. Selon l’Institut européen pour l’égalité des genres, chaque année, l’économie perd des centaines de milliards du fait de la violence à l’égard des femmes. »
Rappelant que le Covid a « un impact direct sur les femmes », davantage victimes de violences, elle estime que « le shelter est une installation indispensable pour assurer leur sécurité », mais aussi celle des enfants en détresse et maltraités. « Or, Maurice a un schéma et une architecture traditionnels pour les abris qui, selon nous, ne sont plus adaptés aux besoins des victimes en termes d’espaces et de fonctionnalités. »
Raise Brave Girls propose ainsi de son côté de mettre en place « un logement multi-unités », de sorte de « créer un sentiment de chez soi et de sécurité » pour les femmes dans le besoin, et ce, « sans que cela ne ressemble à une prison ». Sa directrice ajoute : « Un abri doit procurer un sentiment de calme et de sécurité. Les architectes de Goldreich ont créé un miracle, un foyer comme chez soi. Nous proposons au gouvernement de mettre en œuvre le modèle d’abri pour femmes d’Israël de Goldreich et d’injecter des fonds. » Elle termine en partageant sa philosophie, calquée sur celle de Margaret Thatcher : « If you want something said, ask a man; if you want something done, ask a woman ! »
L’écriture pour passion
La présidente de Raise Brave Girls est également avide d’écriture, en témoigne son recueil de poèmes, Emoi enn perle, écrit en kreol morisyen. L’ouvrage dépeint les émotions d’un voyageur dans le contexte local en mettant en relation la nature et l’humain à travers un voyage intérieur.
Pour son recueil, Prisheela dit s’être inspirée de ses rencontres avec des étrangers lorsque, à un moment donné, elle travaillait à Vieux-Grand-Port. « C’était un long voyage en bus et en “taxi train”. J’ai eu grâce à cela le privilège de rencontrer des âmes bénies, d’écouter leurs histoires et des expériences diverses », dit-elle. Quant à la langue choisie, le kreol, elle croit fermement que celle-ci « fait partie de l’identité mauricienne » et que « lorsque nous l’accepterons, nous serons en symbiose avec notre culture ».