Le président de la State and Other Employees Federation (SOEF), Radhakrishna Sadien, est d’avis qu’il ne faut pas faire à la va-vite le décompte des voix le même jour des élections générales. Un tel exercice entraînerait, selon lui, beaucoup d’inconvénients pour les employés en termes de sécurité et de disponibilité. Dans l’entretien qui suit, il souligne que si on va de l’avant avec une telle pratique, il faudra réviser à la hausse l’allocation accordée au personnel qui travaille pour la Commission électorale, et s’assurer que ce même personnel ait droit à de la nourriture au petit matin le jour du dépouillement. En l’absence d’un système de rotation, il prévoit que la fatigue pourrait contribuer à favoriser des erreurs marginales dans le comptage des bulletins de vote.
Quelles sont les retombées de la rencontre entre le commissaire électoral Irfan Rahman et la State and Other Employees Federation ?
Nous avons rencontré le commissaire électoral, Irfan Rahman, afin d’attirer son attention sur les inconvénients d’organiser le décompte des voix le jour du scrutin. Nous représentons au fait les intérêts des fonctionnaires qui travailleront lors des prochaines élections générales. Je peux comprendre les aspirations des politiciens pour organiser le counting le même jour, mais je pense que la Commission électorale doit s’assurer que toutes les précautions sont prises pour ne pas remettre en question sa crédibilité en tant qu’institution.
Il faut d’abord savoir que les fonctionnaires sont gouvernés par l’Official Secrets Act, et à ce titre, ils n’ont pas droit à l’erreur. Un fonctionnaire est normalement appelé à offrir un service impartial à la population. Il ne faut pas oublier également que les fonctionnaires qui travaillent pour les élections générales sont connus par le chef de cabinet. Toutes ces procédures incitent les fonctionnaires concernés à prendre les précautions appropriées lors de cet exercice.
D’après mes informations, ce sont environ 15 000 fonctionnaires qui seront mobilisés pour les prochaines élections générales. On assiste actuellement à un vieillissement de la population des fonctionnaires. Beaucoup de fonctionnaires qui ont de l’expérience sont partis à la retraite. Il y a aussi beaucoup de jeunes qui ont été recrutés. Cela demande de l’expérience pour être en charge d’une polling station.
Il faut que la personne connaisse bien les procédures nécessaires, sinon l’élection risque d’être faussée. Il faut savoir que la préparation pour une joute électorale démarre bien à l’avance avec une série de briefings avec les membres du personnel, une incursion sur le terrain pour vérifier le périmètre de 200 mètres autour des centres de vote. Il faut aussi préparer les salles de vote à la veille des élections. Et ceux qui vont travailler le jour des élections ne dorment pas assez, car il faut se rendre dans les postes de police vers 5h du matin pour prendre possession des bulletins de vote.
La question que l’on se pose est suivante : est-ce qu’un fonctionnaire qui est sur ses pieds depuis 4h30 du matin va pouvoir continuer à rester éveillé jusqu’aux résultats aux petites heures du lendemain ?Et que se passera-t-il lorsqu’il y aura des contestations ? Combien de fonctionnaires seront disposés à travailler dans de telles conditions ? Un fonctionnaire qui travaille pour les élections doit apporter avec lui sa nourriture, car il n’a pas le droit de sortir. Mais que fait ce fonctionnaire quand il est appelé à travailler toute la nuit ? Et comment il fera pour rentrer chez lui lorsque le comptage prendra fin aux petites heures du matin ?
La majorité des membres du personnel de la fonction publique est composée des femmes de nos jours, et c’est là où la sécurité pose problème. Est-ce que les femmes fonctionnaires seront disposées à circuler à des heures tardives et surtout lorsque l’île est mouvementée ? Avec le système actuel, les fonctionnaires ont la possibilité de se reposer la nuit et de revenir ensuite tôt le matin le lendemain pour démarrer le counting dans les meilleures conditions. Aussi, si le comptage s’effectue dans les centres de vote, il y a toujours le risque que des agents des politiciens informent le public des premiers résultats avant même que le Returning Officer ne les annonce.
Nous avons vécu ce scénario dans le passé. Le public a tendance à exercer des pressions avec des agitations, des pétarades, et une telle situation n’aide pas le personnel qui est sous pression. Ainsi, avec la fatigue, le risque de faire des erreurs devient imminent. Maintenant, si on applique le shift system, il sera difficile de mettre en place les responsabilités lorsqu’il y a une contestation. De plus, si l’on adopte le shift système lors du décompte des voix, cet exercice coûtera beaucoup plus cher pour la Commission électorale. Il serait donc plus prudent d’effectuer le counting pour des élections générales après 2025, et en même temps surveiller de près le rôle de la MBC TV dans une campagne électorale pour que les élections soient free and fair.
Une proposition a été faite pour avoir recours aux employés des corps parapublics pour pallier le manque de personnel au cas où le décompte se ferait le jour des élections générales. Quel est votre avis à ce sujet ?
J’ai dit qu’il y a beaucoup de précautions à prendre lors d’une joute électorale. Des fois, certains électeurs ont besoin d’une assistance pour voter. Il faut donc que les fonctionnaires qui les assistent à accomplir leurs devoirs civiques soient crédibles. Je ne dis pas que tous les employés ne sont pas crédibles, mais nous savons tous comment le recrutement se fait dans certaines institutions. Il y a des précautions à prendre pour ne pas ouvrir la porte à l’invalidation d’une élection. Je maintiens qu’il faut avoir recours aux fonctionnaires pour organiser les élections, parce qu’ils sont régis par l’Official Secrets Act. L’aspect de confidentialité de l’électeur doit être respecté.
Le réajustement dans la grille salariale se fait toujours attendre avec l’application du salaire minimum. Quel est votre regard sur ce problème ?
Le salaire minimum a été revu en 2022. Il a été revu en 2023 et a été appliqué en 2024. L’application du salaire minimum a créé une distorsion dans les grilles salariales des employés qui sont couverts par le Pay Research Bureau et le National Remuneration Board.
Il faut savoir qu’à ce jour, une personne qui commence à travailler touche plus de Rs 15 000 et que son salaire correspond à peu près au salaire de ceux qui ont travaillé pendant plusieurs années. Et cela est démotivant pour ceux qui comptent plusieurs années de service. Le PRB et le NRB doivent donc prendre des mesures administratives pour réajuster cette distorsion salariale.
Je note aussi que le secteur privé fait aussi partie du National Wage Consultative Council. Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, a annoncé que le rapport sur le réajustement salarial sera publié en mars. Selon moi, le rapport de Beejaye Appanah sur le réajustement salarial a déjà été soumis au gouvernement. Je pense que le gros problème avec ce rapport est son implication financière. Et tout cas, il y a une grande impatience chez la classe laborieuse, car l’écart salarial entre les anciens et les nouveaux employés a été réduit, et une grande frustration a vu le jour.
Pour moi, ce réajustement salarial doit prendre effet à partir de 2022. Ce réajustement salarial est important, car nous constatons qu’il y a un exode des travailleurs vers l’étranger. Et en sus de cela, nous avons le problème du vieillissement de la population. Il faut donc retenir les compétences et motiver les travailleurs.
Qu’attendez-vous du prochain budget ?
Je sais que le ministère des Finances est réfractaire à la création de nouveaux postes dans la fonction publique, mais je maintiens qu’il y a des postes qui sont laissés vacants à plusieurs niveaux. Dans le secteur de la santé, par exemple, avec l’émergence de la dengue et la leptospirose, il y a un manque d’inspecteurs sanitaires, de sprayermen, de roden controller, etc. À ce jour, le ministère de la Santé doit avoir recours à des sprayermen dans d’autres ministères pour faire ce travail. En sus de cela, il y a un manque de superviseurs, et cela pose un problème d’efficacité sur le terrain. Le bétonnage de l’île n’arrange pas les choses avec le changement climatique.
D’autre part, on continue à importer de l’ail et l’oignon, ainsi que d’autres légumes. Car il n’y a pas de sécurité alimentaire. Il y a aussi un personnel réduit qui travaille dans les casernes de sapeurs-pompiers. De nos jours, ces derniers ne s’occupent pas uniquement du problème d’incendie, ils sont aussi appelés à faire des sauvetages, pomper l’eau lors des inondations, et c’est pourquoi il faut faire des recrutements dans ce secteur.
Je lance donc un appel pour qu’on recrute plus d’employés dans ce secteur ainsi que dans les collectivités locales pour le ramassage d’ordures. Le gouvernement devrait aussi réviser à la hausse les taxes imposées sur les grandes compagnies. Et il faut aller de l’avant avec un Profiteering Court et augmenter les amendes pour les commerçants malhonnêtes qui pratiquent des prix abusifs sur les produits de base.
Propos recueillis par
Jean-Denis Permal