En décembre 2022, l’enseignant Vishal Joyram avait entamé une grève de la faim pour réclamer la révision à la baisse des prix de l’essence et du diesel. Cette action – qui avait généré alors de nombreux soutiens –, s’est arrêtée au 22e jour, pour des raisons de santé. Le Mauricien l’a sollicité au sujet des récentes annonces faites à la veille des prochaines élections générales par le gouvernement sortant quant à la baisse du prix des produits pétroliers.
Les prix de l’essence et du diesel à la pompe sont devenus un argument de campagne. Comment réagissez-vous à ce développement?
Disons un grand merci à Missie Moustass pour avoir sorti les bandes sonores appropriées. Je n’approuve certainement pas la méthode mais cela nous a permis d’entrevoir une possible ingérence politique dans le calcul des prix de l’essence et du diesel. Si cela n’en tenait qu’à moi, je nommerais volontiers ce Missie Moustass, Maharaja ou Empereur. En 2022, j’avais dénoncé une mauvaise gestion à la State Trading Corporation, une opacité sur le fonctionnement du Petroleum Pricing Committee (PPC) et des chiffres douteux rendus publics.
Le 14 mai 2022, lorsque le prix de l’essence fut révisé à Rs 74.10, le Brent était à 133,18 USD et le brut à 123,80 USD WTI. En novembre lors de ma grève, les prix respectifs étaient de 83,18 USD et 76,55 USD. Cela représente une baisse de presque 40 %. Les Mauriciens ne pouvaient pas continuer à payer le taux élevé. Le PPC aurait dû baisser le prix en septembre 2022, chose qui n’a pas été faite.
Si les conversations tenues dans les bandes sonores ne sont pas générées par l’intelligence artificielle, la référence faite à une baisse de Rs 7.40 représente une baisse de 10%, imposée par les Regulations du PPM (Petroleum Pricing Mechanism). Cela aurait dû être le minimum puisque la baisse à l’international se chiffrait autour de 40%.
Il faut également comprendre que les autorités ont modifié à plusieurs reprises les Regulations afin de ne pas faire passer cette baisse aux consommateurs. Parallèlement, la STC refusait de nous communiquer le prix auquel on payait réellement pour ces produits pétroliers. On devait se contenter d’un prix de référence qui ne reflétait pas la référence Platts à l’international.
Le ministre des Finances sortant a annoncé l’abolition de l’Excise Duty et la baisse de la TVA sur les produits pétroliers. Qu’en pensez-vous?
J’affirme : il ne fallait pas aller jusqu’à l’abolition de l’Excise Duty et la baisse la TVA pour réviser les prix à la baisse. Les calculs étaient déjà faux au départ. Il fallait juste prendre dans le calcul, le prix d’achat réel par bateau et non pas la référence non-fondée qui est utilisée. D’autre part, les autorités avaient depuis longtemps la possibilité d’acheter ces produits à des prix bien plus compétitifs. Je vous laisse deviner pourquoi l’achat à des prix élevés a été favorisé.
Ces mesures suffiront-elles pour soulager les consommateurs, selon vous?
Certainement pas ! Il faut contrôler l’inflation et pour cela il faut relancer l’économie, encourager l’investissement et accroître le PIB afin de stabiliser la roupie. Le défi est grand. Il ne faut pas ignorer le trou que l’appréciation de la roupie engendra dans les réserves de la banque centrale. Rappelons-nous que le surplus imaginaire dans nos réserves, qui fut généré par la dépréciation de la roupie, a été transféré dans le Special Reserve Fund. Harmoniser tout cela serait un vrai casse-tête chinois.
Comment s’assurer à l’avenir que le prix du carburant à Maurice reflète la tendance sur le marché mondial?
Il faut compter sur le bon sens du gouvernement, légiférer sur le fonctionnement du PPC et ne pas le limiter aux Regulations. Il est important également d’avoir des personnes indépendantes sur le board du PPC. Espérons que nous verrons ces changements dans un proche avenir.