«Une attention particulière doit aussi être accordée à la performance énergétique des bâtiments pour réussir la transition énergétique. » C’est ce que fait ressortir Kurt Trime, Auditeur énergétique Certifié et Ingénieur diplômé en Énergie, dans cet entretien, en ajoutant qu’ « il est important que la population soit consciente de l’importance d’une consommation raisonnée de l’énergie. »
l En quoi consiste l’audit énergétique? Dans un contexte de transition énergétique et de changement climatique, ce processus est-il un outil privilégié pour réduire des émissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie ?
L’audit énergétique est un état des lieux détaillé visant à mesurer et comprendre la performance énergétique d’un ou de plusieurs bâtiments, afin d’orienter les propriétaires/ gestionnaires sur les stratégies à adopter pour réaliser des économies en terme d’énergie. À Maurice, le secteur du bâtiment contribue à plus de 60% de l’énergie consommé et a, donc,un impa ct significatif dans les rejets de CO2. C’est la raison pour laquelle il y a un besoin grandissant pour la maîtrise de l’énergie et, surtout, sur la performance énergétique des bâtiments.
l Alors que les températures continuent de s’affoler, le CEB est contraint de puiser massivement dans ses réserves énergétiques comme les turbines à gaz, pour répondre à la demande croissante. Selon vous, comment cette consommation d’électricité estivale pourrait-elle impacter sur le réseau électrique au niveau national ?
Selon les données météorologiques, les températures maximales enregistrées depuis le début de la période estivale à Maurice oscillent entre 32 ̊ C et 34 ̊ C. À des températures extérieures aussi élevées, il y aura une augmentation de la demande en climatisation, tant dans les bâtiments résidentiels que dans les bâtiments commerciaux. Cela s’explique par le fait que la plage de température correspondante à la zone de confort intérieur est comprise entre 22 ̊ C et 24 ̊ C et cet écart de température de 10 ̊ C par rapport à l’air extérieur en été engendre des gains de chaleur dans les bâtiments. Par conséquent, une demande supplémentaire en puissance électrique s’impose pour faire tourner, d’une part, les compresseurs des climatiseurs des bâtiments climatisés et, d’autre part, les ventilateurs/brasseurs d’air, afin d’assurer un minimum de confort pour les occupants. Qui dit augmentation de la consommation d’électricité dit nécessairement coût additionnel de la facture d’électricité.
l La climatisation est l’un des postes qui fait le plus monter la demande en électricité dans le bâtiment depuis quelques années. Un motif d’inquiétude d’autant que cette électricité est produite à partir de combustibles fossiles , c.à d., toutes les ressources énergétiques naturelles non renouvelables, telles que le charbon, le gaz naturel et le pétrole.
La part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de Maurice a varié entre 18 et 22% durant ces dernières années, donnant ainsi lieu à une émission de CO2 d’environ 0.955 kg pour chaque kWh d’énergie électrique produit. D’où la nécessité de privilégier la transition énergique en vue de réduire le facteur d’émission de CO2 à Maurice.
l Il est dit que nous allons devoir nous passer des énergies à combustibles fossiles parce qu’elles sont épuisables. Quelle est l’alternative la plus efficace ?
Opter pour les énergies renouvelables – comme alternative aux énergies fossiles – demeure, certes, une stratégie prépondérante pour la décarbonisation des bâtiments, sauf qu’il faut aussi tenir en compte la nature intermittente des énergies renouvelables. Leur production dépend grandement des conditions météorologiques et de l’alternance des cycles jour/nuit. Cela étant, le facteur déterminant reste, bien évidemment, le coût associé, car cela requiert des investissements initiaux (CAPEX) additionnels.
l Comment mettre en œuvre des actions pratiques pour réaliser des économies d’énergie ?
Hormis les changements requis au niveau des systèmes de production et de distribution, une attention particulière doit aussi être accordée à la performance énergétique des bâtiments pour réussir une transition énergétique. La conception des bâtiments à basse consommation repose, d’une part, sur l’efficacité énergétique des systèmes MEP (Mechanical, Electrical and Plumbing) et, d’autre part, sur la conception durable de l’enveloppe du bâtiment. Une approche avec des mesures passives (ventilation naturelle, salles traversantes ou encore protections solaires), une bonne isolation des toitures et une bande de végétation réduisent significativement les besoins en climatisation. La climatisation représente généralement entre 30 et 60% de la consommation des bâtiments traditionnels. L’ingénieur MEP a un rôle important à jouer, afin de rendre les bâtiments le moins énergivore possible à travers l’ingénierie durable.
Pour ce faire, il importe d’identifier les postes de consommation électrique prépondérants, qui contribuent de façon significative sur la facture d’électricité. Compte tenu de la part importante de la climatisation, un choix judicieux s’impose, donc, sur le type d’équipement de climatisation pour les projets. Par exemple, favoriser des systèmes de climatisation, avec des coefficients de performances (EER) supérieurs à 3, constitue une des mesures à être prise en compte dans l’ingénierie durable. Pour information, le coefficient de performances (EER) d’un climatiseur est le ratio entre l’énergie électrique consommé par l’appareil et la puissance en froid délivrée. Ajouté à cela, l’utilisation des moteur/compresseurs à Vitesse variable, des dispositifs de correction de puissance (Power Factor corrector) et des systèmes de récupération de chaleur sont d’autres mesures visant à améliorer la performance énergétique dans le secteur du bâtiment. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’importance est attachée aux audits énergétiques, qui nous permettent de comparer les ratios énergétiques de différents types d’usages par rapport aux exigences des réglementations énergétiques.
l Il est aussi nécessaire de se pencher sur une approche sociétale, se traduisant par une sensibilisation de la population à la consommation raisonnée de l’énergie. Sauf que ce n’est clairement pas une mince affaire !
Chacun d’entre nous avons un rôle à jouer pour optimiser notre consommation d’énergie et, donc, il est important que la population soit, d’une part, consciente de son importance et, d’autre part, informée sur l’approche à adopter pour une bonne performance énergétique des bâtiments. Avoir recours à l’ingénierie durable durant la phase pré-construction pourrait, ainsi, aider à revoir la façon de construire les bâtiments, afin de les rendre davantage adéquats pour le climat tropical et, de ce fait, moins énergivores.
Propos recueillis par
ANDY SERVIABLE