L’annonce de l’introduction d’un 14e mois suscite des réactions mitigées parmi les travailleurs mauriciens. Si l’idée semble initialement séduire, des doutes subsistent quant à son application et à ses conséquences économiques. Le 14e mois, bien que généralement accueilli comme une mesure positive, soulève donc des interrogations sur son équité, sa durabilité et ses répercussions sur l’économie mauricienne.
Reshma, salariée dans une boite de communication : « Les personnes ayant déjà des salaires élevés n’ont pas besoin du 14e mois »
« Au départ, j’étais contente, mais avec du recul, je deviens réaliste. Je pense que ce sera versé soit par tranches, soit à moitié. Je prévois d’économiser 75 % et d’utiliser 25 % pour les festivités.
« Les personnes ayant déjà des salaires élevés n’ont pas besoin de ce 14e mois », souligne cette dernière. Cette perception renforce l’idée que cette mesure pourrait creuser davantage les inégalités.
« Tenez vos promesses pour ceux qui en ont réellement besoin. Les familles aisées comprendront si elles ne reçoivent pas ce 14e mois. Elles ont déjà le frigo bien rempli », conclut-elle.
Tatiana, employée d’une PME : « Pa vinn tir lavi dimoun kan fini donn sa »
« Ayant des projets pour l’année prochaine, cette mesure m’aidera beaucoup. Parmi mes priorités, je compte terminer mon prêt ou économiser pour pouvoir voyager. Cependant, j’ai des inquiétudes par rapport à cette mesure. Par le passé, nous avons souvent vu que l’on nous donne d’une main pour reprendre de l’autre.
Étant employée dans une petite entreprise, je suis consciente que ce sera difficile pour notre compagnie de s’aligner avec cette mesure. Le nouveau gouvernement devra respecter ses engagements, mais si la situation économique ne le permet pas, il vaudrait mieux éviter de s’endetter davantage. Les Mauriciens comprendront.
En ce qui concerne les PME, il est essentiel de leur offrir des aides pour que tous les employés, quels que soient leurs milieux, puissent bénéficier de ce 14e mois. Enfin, j’espère que cette mesure n’entraînera pas une hausse des prix. Il ne faudrait pas que, après avoir reçu cette aide, la vie devienne encore plus difficile pour les gens. « Pa vinn tir lavi dimoun kan fini donn sa ».
Michael, salarié, 31 ans : « Nos besoins réels ne sont pas d’avoir plus d’argent, mais que notre argent gagne en valeur »
« Cette annonce n’a été qu’une surenchère politique. Il n’y a pas eu de vrais motifs sociaux, et encore moins de calculs solides. » Pour cet interlocuteur, le nouveau gouvernement doit tenir sa promesse tout en s’assurant que tout le monde en tire profit. Toutefois, il reste sceptique quant à la vraie valeur monétaire de ce 14e mois. « L’inflation n’est toujours pas contrôlée, ce qui impacte fortement le pouvoir d’achat. »
Bien qu’il reconnaisse l’impact positif immédiat pour les familles, surtout en cette période festive, il souligne que cette mesure reste ponctuelle : « C’est un one-off qui, sur la durée, n’apportera pas grand-chose. Mes priorités sont de faire des économies, car mes savings ont beaucoup diminué ces derniers temps. »
Selon lui, le 14e mois ne fait qu’alimenter la consommation, ce qui pourrait accentuer l’inflation. « Donner plus d’argent, c’est aussi risquer une hausse des prix. Cela reste une mesure inflationniste, malheureusement. »
Il conclut en insistant sur la nécessité d’actions économiques durables , « Nos besoins réels ne sont pas d’avoir plus d’argent, mais que notre argent gagne en valeur. Il faut des mesures économiques fortes, la création et l’amélioration de nos industries pour construire une économie circulaire. »
Prisheela Motee, Présidente de Raise Brave Girls : « Les femmes des secteurs informels ou les PME pourraient ne pas avoir accès à cet avantage »
« Je salue l’annonce du 14e mois, qui représente une avancée positive pour alléger les pressions financières auxquelles de nombreux ménages sont confrontés. Cette initiative témoigne d’un engagement à améliorer le niveau de vie des travailleurs, en accord avec notre plaidoyer pour l’équité et l’égalité économique. »
Cette mesure a un fort potentiel pour améliorer la situation financière des familles, notamment celles dirigées par des femmes. « Pour les femmes, souvent responsables de la gestion financière des foyers, ce revenu supplémentaire pourrait transformer leur capacité à répondre aux besoins essentiels, à épargner ou à investir dans des opportunités pour le développement. Si les prix augmentent fortement, le pouvoir d’achat de ce revenu supplémentaire pourrait être compromis. Il est crucial que le gouvernement mette en place des mesures pour contrôler l’inflation et garantir que le 14e mois apporte une réelle valeur aux familles. »
Cette mesure suscite également des préoccupations quant à son accessibilité. « Les femmes travaillant dans les secteurs informels ou les petites entreprises pourraient ne pas avoir accès à cet avantage. Nous appelons à des politiques inclusives qui garantissent qu’aucun travailleur, en particulier les femmes, ne soit laissé pour compte.
Nous exhortons le gouvernement à : Veiller à ce que tous les travailleurs, en particulier les femmes dans les secteurs informels, bénéficient de cette initiative.
Introduire des programmes favorisant l’alphabétisation financière pour permettre aux familles de tirer pleinement parti de ce revenu supplémentaire.
Se concentrer sur des mesures à long terme pour autonomiser économiquement les femmes, telles que des opportunités de microfinance et un soutien aux entrepreneuses.
Surveiller et contrôler activement l’inflation pour éviter l’érosion du pouvoir d’achat »
Adrien Coosnapa, 29 ans, salariée : « Les Mauriciens ont besoin de bien plus qu’une récompense pour avoir “bien voté” »
« Lors de son annonce par l’ancien Premier ministre, je l’ai perçu comme une ultime mesure désespérée pour rester au pouvoir, une tentative d’acheter les Mauriciens une dernière fois. Une stratégie visant à tenter le tout pour le tout afin de remporter ces élections. L’annonce similaire faite par l’alliance du Changement était donc logique, d’un point de vue pragmatique.
Une entrée d’argent n’est jamais une mauvaise chose. Cependant, ce petit “cadeau” ne résout pas les problèmes plus profonds auxquels nous faisons face dans une société toujours fondée sur une échelle capitaliste. Les effets inflationnistes sont inévitables, étant donné le flux qui s’apprête à être réinjecté dans l’économie. Cependant, nous sommes sur cette pente inflationniste depuis quelques années maintenant. Les mesures correctrices doivent être mises en place, qu’il y ait un 14ᵉ mois ou non.
Cette mesure profitera à tous, mais pas de manière équitable. « Le CEO aura, sans aucun doute, un plus joli ruban à poser sur sa pile de cash. Le Mauricien au bas de l’échelle ressentira un grand soulagement. Cependant, tout cela reste relatif. Il y a de bien plus grandes inégalités à corriger dans notre système.
Le 14ᵉ mois ne répond pas, selon lui, aux besoins réels des familles mauriciennes. « Il faut fondamentalement s’interroger sur l’atrocité qu’est le capitalisme et sur la manière dont cela limite l’expérience humaine. Les Mauriciens ont besoin de bien plus qu’une récompense pour avoir “bien voté”. »
Il insiste sur la nécessité d’une véritable transformation politique, « Il faut une véritable rupture. Il est essentiel que nos élus incarnent réellement ce pour quoi ils ont été choisis : le changement. Plus de dynasties, plus de jeux communaux. Pas de népotisme ni de proximités politiques excessivement avantageuses. »
Prisilla, maman de 4 enfants
« J’ai été choquée par cette annonce, mais pas surprise. Les partis politiques utilisent souvent des promesses électorales pour amadouer la population. Cette mesure, bien qu’elle me permette d’économiser, risque de provoquer une baisse du pouvoir d’achat en raison de l’augmentation des prix. Les commerçants, confrontés à des coûts plus élevés liés à la main-d’œuvre, pourraient répercuter ces hausses sur les consommateurs. »
Selon elle, cette initiative sera surtout avantageuse pour les travailleurs percevant des salaires situés au-delà de Rs 40 000, laissant potentiellement de côté les plus vulnérables.
Yohann Lanfray, coach en finances personnelles : « Assurez-vous de couvrir les besoins essentiels »
« Le 14ᵉ mois peut représenter une hausse superficielle du pouvoir d’achat dans l’économie mauricienne. Cependant, à mon sens, cela présente un risque d’inflation à court terme, qui pourrait se prolonger sur le long terme.
Je m’interroge sur l’impact réel de cette mesure sur les petits entrepreneurs, qui pourraient ne pas en bénéficier autant que les employés. J’émets également des réserves sur la logistique nécessaire pour la mise en œuvre de cette initiative dans un délai aussi court. Assurer une distribution juste et équitable à tous les bénéficiaires sera un défi de taille.
D’un point de vue général, je ne considère pas que répondre aux « besoins réels » équivaut simplement à fournir de l’argent, que ce soit au niveau familial ou individuel. Le fait que cette mesure ait été annoncée durant la campagne électorale, et non dans le cadre d’une analyse du PRB, de mesures budgétaires ou de négociations tripartites, il est clair que le 14ᵉ mois ne répond pas aux besoins réels des familles mauriciennes
Mon message au gouvernement est clair, il faut faire preuve de plus de responsabilité. Plutôt que de stimuler uniquement le pouvoir d’achat et la consommation, il serait préférable de favoriser l’épanouissement des Mauriciens à travers la croissance économique et une augmentation de la production ».
Quels sont vos conseils pour bien gérer cette somme de fin d’année ?
Pour ceux qui bénéficieront de cette rentrée d’argent, je recommande d’appliquer les principes de la responsabilité financière. Voici les priorités à respecter dans la gestion de cette somme :
- Consommation des nécessités courantes : Assurez-vous de couvrir les besoins essentiels.
- Remboursement des dettes lourdes : Allégez votre fardeau financier.
- Épargne : Constituez une réserve pour les imprévus.
- Investissement concret : Placez une partie de l’argent dans des projets durables ou des actifs.
- Consommation « autre » : Utilisez le reste pour des dépenses ou des loisirs.