Quatre-Bornes : la ville des fleurs ou la hantise des inondations

La construction d’un “retention pond” à St-Jean, avec le flot d’eau terminant sa course dans Rivière-Sèche, en gestation

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Quatre-Bornes, au cœur de l’actualité depuis quelque temps compte tenu des grosses inondations qui ont affecté la ville au cours de ces deux dernières semaines, causant des dégâts inestimables au cimetière St-Jean, mais également à La Louise, Bassin, à l’avenue Colville, à Belle Rose et d’autres agglomérations, trop imperméabilisées et de moins en moins résilientes. Ces endroits ne sont pas en mesure de gérer ces flux et se retrouvent inondés de plus en plus fréquemment. À force de faire l’autruche, les politiques découvrent l’étendue des dégâts que peuvent causer des retards de 22 mois ou plus dans l’implémentation de systèmes de drainage dignes de ce nom.

Le 13 mars 2022, dans l’après-midi. Le pays, qui est sous le coup d’un avis de fortes pluies, découvre les images stupéfiantes de pompiers en pleine intervention pour évacuer les passagers d’autobus de la CNT pris au piège avec une soudaine montée des eaux près du cimetière St-Jean, à Quatre-Bornes. Du jamais vu avant l’aménagement des infrastructures en béton du projet Metro Express. On a eu droit à un remake le 8 novembre dernier, et malgré les dénégations du CEO de MEL, Dass Mootanah, le projet du métro n’est pas étranger à ce chamboulement. Requérant l’anonymat, un expert en urbaniste confie.
« On pourra parler de changement climatique ou autre, mais pour commencer, il faut apprendre à mieux connaître les parcours de l’eau dans la ville et les régions avoisinantes, puis intégrer ces contraintes aux documents de planification urbaine. Est-ce que ça été le cas avec l’aménagement des plateformes du métro à Quatre-Bornes, où l’eau dévale depuis Trianon et Phoenix ? J’en doute fort. Cela peut parfois mener à interdire des constructions sur certains espaces, ou construire sous conditions, sans bloquer l’eau. Cela ne veut pas dire qu’on rend le territoire mortifère. »

22 mois après le fâcheux épisode de l’autobus de la CNT à St-Jean, aucune mesure corrective, se traduisant par l’aménagent de drains ou de rétention d’eau, n’a été entreprise, jusqu’à que la catastrophe survenue au cimetière contraignent ceux qui nous gouvernent à sortir de leur léthargie. Répondant à une question du leader de l’opposition, mardi au Parlement, le ministre des Infrastructures nationales, Bobby Hurreeram, a soutenu qu’ « un projet a obtenu l’aval final le 6 novembre. Il concerne le rehaussement de la route avec du béton renforcé, la construction d’un mur de soutènement d’une longueur de 190 mètres, d’un drain d’une largeur et d’une hauteur de deux mètres, d’un autre drain le long de la route principale et, pour terminer, la construction d’un drain le long de la route principale jusqu’à Rivière-Sèche. Le contrat devrait être complété durant la première semaine de décembre, et les travaux sont prévus pour durer six mois. »
Sauf que, comme le souligne la conseillère du PMSD Myrella Sevathiane Dansant, « la mairie remue ciel et terre depuis le mois de février pour qu’on donne un coup d’accélérateur au projet dont Bobby Hurreeram parle aujourd’hui. Ils auront beau parler d’études ou de réalignement d’utilités publiques sur la route longeant le cimetière pour expliquer ce retard, il y a eu un je-m’en-foutisme criant dans cette affaire qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. » En quoi consiste le projet ? Week-End s’est rendu sur le site en compagnie du maire Dooshiant Ramluckhun pour se faire une idée dudit projet qui sera implémenté à St-Jean.

« L’élévation de la Old Moka Road sur 190 mètres, un retention pond en béton armé sera construit probablement sur le drain colonial situé autour de l’espace vert. En face, un autre drain de 570 mètres sera aménagé vers l’autoroute pour que l’eau termine sa course dans Rivière-Sèche, sise derrière le grand bâtiment de la MCB, à St-Jean », soutient le maire. Les explications fournies par Bobby Hurreeram et Dooshiant Ramluckhun semblent plus ou moins corroborer, mais reste à savoir s’il ne faudra pas attendre novembre 2024, à l’aube des législatives, pour que ne débute les travaux.

Le maire souligne par ailleurs que « la reconstruction du mur d’enceinte du cimetière St-Jean, estimée à environ Rs 7 millions, démarrera dans les jours à venir. Ce projet sera financé par la Land Drainage Authority. Pour parer à toute éventualité, en attendant, le ministre Kavy Ramano a pris contact avec la firme Gamma Construction Ltd, qui a accepté de livrer et de poser des sacs de sable plus grands, agissant comme une barrière contre la pénétration d’eau dans le cimetière. »

La Louise : toujours la même rengaine

À chaque inondation ou flash floods, c’est toujours la même rengaine à La Louise, voire plus loin à Candos. Ils sont excédés et inquiets. Les commerçants, à bout de nerfs, déplorent une situation qui n’évolue pas à cause de l’inefficacité des canalisations. C’était le branle-bas de combat durant de ces deux dernières semaines. Des gens avec de l’eau jusqu’aux cuisses tentant tant bien que mal de se frayer un chemin jusqu’à leurs commerces, où les coulées de boue étaient heureusement relativement limitées.
Certains commerçants avaient néanmoins tiré les leçons des précédentes inondations en relevant leurs commerces. « Comment a-t-on pu en arriver là ? Ça fait 30 ans que je travaille ici et je n’ai jamais été témoin de telles scènes », soutient un habitant. La colère des locataires du site a désormais atteint son point d’ébullition, car ils encourent d’énormes pertes financières compte tenu de ces aléas à répétition. « En 30 minutes, une sorte de rivière s’est formée et a inondé mon commerce. Mes réserves sont à jeter », se désespère le propriétaire des lieux. Les nerfs lâchent. En plus des dégâts, il redoute que la perte d’exploitation ne soit pas prise en compte par l’assurance. Heureusement, la solidarité est de mise et les commerçants voisins sont venus l’aider à pomper l’eau.
Une première explication se trouve dans les facteurs suivants : une imperméabilisation importante des sols, un mauvais drainage des eaux pluviales, un territoire mal préparé et une population insuffisamment informée et formée. Les drains sont souvent bouchés ou insuffisamment dimensionnés, quand ils ne sont pas tout simplement absents. Les pluies sont importantes, mais c’est avant tout l’urbanisation et l’action de l’homme qui sont responsables de la situation.

La différence entre une inondation normale et des flash floods

Une inondation normale peut inonder des maisons, des zones de toutes sortes, dans un certain temps précis qui peut aller de quelques minutes à quelques heures. En revanche, des flash floods peuvent attaquer une zone complètement soudainement, presque comme un tsunami. Cependant, une fois que l’eau s’est écrasée sur son chemin, elle restera dans la zone pendant un certain temps avant de s’écouler à nouveau. C’est la nature de la crue éclair qui demeure difficile à prévoir et à prévenir, à moins qu’il n’y ait déjà des mesures en place spécifiquement pour lutter contre une telle inondation. Les crues éclair se produisent également en raison de causes hydrogéologiques. Le problème, bien sûr, est que cette catastrophe peut emporter des choses et des personnes si rapidement qu’un véhicule de secours ne peuvent même pas arriver à temps pour les sauver. Nul besoin d’épiloguer sur le triste épisode du samedi 30 mars 2013 à Port-Louis et la flash flood meurtrière qui avait plongé tout un pays dans une profonde tristesse.

Réservoir : le statu quo

C’est le statu quo concernant le taux de remplissage des sept réservoirs de l’île, comptabilisé vendredi, affichant 68,6% contre 68,4% il y a une semaine. Il est important de souligner qu’à la même période en 2022, le niveau était nettement inférieur (55,6%) et ne laissait présager rien de bon. Reste à savoir si Dame nature, qui semble bien capricieuse ces derniers temps, continuera de temps à autre à nous apporter un peu de son précieux liquide principalement dans les zones où se situent les réserves d’eau du pays. Mare-aux-Vacoas affiche un taux de remplissage de 67,1%, contre 60,1% à la même période l’année dernière. Le niveau de La Nicolière connaît une régression de 5% par rapport à la semaine dernière. De 60,2%, il passe à 55,4%. À Piton du Milieu, le niveau d’eau est de 70,9%, contre 60,6% en 2022. Le taux de remplissage de La Ferme est de 49,8%. C’est Midlands Dam (80,1%) qui présente le plus fort taux de remplissage, contre 56,5% le 17 novembre 2022.

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