Motus et bouche cousue du ministère au sujet du TVET Sector
Les formateurs MITD dans l’expectative alors qu’ils doivent accueillir une première promotion émanant du NCE en janvier prochain
La réforme éducative enclenchée en 2017 comprend en principe un volet sur la formation professionnelle et technique. L’une des options après le National Certificate of Education (NCE) étant justement de poursuivre le parcours dans un centre dédié au Technical and Vocational Education and Training (TVET). Même si cela n’est pas précisé dans le document de la réforme, il est sous-entendu que les plus concernés par ce parcours sont les étudiants de la filière de l’Extended Programme (EP). Or, alors que le premier groupe d’élèves d’EP prendront part pour la première fois au NCE cette année, il n’y a eu aucune communication officielle jusqu’ici sur ce qui leur sera proposé comme alternative à partir de janvier prochain.
Ces jours-ci, les recteurs des collèges régionaux sont appelés à distribuer les fiches à remplir pour des admissions dans des académies l’année prochaine. Les élèves les plus brillants se lanceront ainsi dans la course en vue de poursuivre leurs études dans un de ces « centres d’excellence », pour reprendre les mots de la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun.
Mais à l’autre bout de la chaîne, les étudiants de l’EP sont toujours dans l’attente. Concrètement, quelles seront les options qui leur seront proposées ? Personne n’a de réponse concrète dans la conjoncture.
Ce que l’on sait, c’est qu’un Skills Development Authority Bill a été voté à l’Assemblée nationale en 2019. Le but étant de mettre en place une autorité régulatrice pour s’assurer de la qualité de l’enseignement et des diplômes dans la filière professionnelle et technique. L’Institute of Technical Education and Technology Bill a aussi été voté l’année dernière. De même, le ministère de l’Éducation a repris six des 22 centres MITD sous sa tutelle pour ce projet, à savoir ceux de Piton, Port-Louis, Ébène, Beau-Vallon (en construction), Le Chou (Rodrigues) ainsi que le Lycée Sir Guy Forget. Ceux-ci seront ainsi regroupés sous l’Institute of Technical Education and Technology. Mais dans le concret, que va-t-on proposer aux jeunes de la filière TVET ?
Hemant Kumar Madhow, de la MITD Employees Union, dit être lui aussi dans le flou total. « Jusqu’ici, on ne nous a rien dit concernant la rentrée 2023. Nous ne savons pas s’il y aura de nouveaux cours ou si on va continuer avec le même cursus. Ce que je peux dire, c’est que nous sommes prêts à collaborer et disposés à apporter notre aide pour une vraie réforme dans ce secteur », laisse-t-il entendre.
Ce dernier regrette ainsi que jusqu’ici, la réforme de l’éducation enclenchée se soit limitée qu’au domaine académique. « Toute réforme requiert une analyse en profondeur. Il faut savoir quels sont les besoins économiques du pays, quelle est la demande du marché et quelles sont les compétences disponibles. Cela mérite d’être discuté. J’espère qu’on ne va pas faire un one-man-show et venir nous imposer des choses par la suite », ajoute-t-il avec force.
Le syndicaliste regrette également que la formation professionnelle et technique ne soit pas valorisée au même titre que la formation académique. « Le manque de considération ne fera que faire perdurer cette idée que la formation technique, c’est pour ceux qui échouent. Or, les Skilled Workers ont toute leur importance dans notre société. Allez voir ceux qui sont recrutés au Canada ou en Australie. Ils sont mieux payés que ceux qui ont une éducation purement académique », indique-t-il.
Déstigmatiser le secteur
Hemant Kumar Madhow plaide pour que la formation technique soit un vrai choix pour les candidats du NCE, et non pas un dernier recours. « Il faut déstigmatiser ce secteur. La formation professionnelle ne doit pas être un soin palliatif pour un problème pédagogique. Si un jeune choisit la formation technique par désespoir, je ne crois pas qu’on aura des résultats. De même, cela demeure préoccupant de voir arriver le nombre de jeunes qui ne maîtrisent pas les functional literacy and numeracy», précise-t-il.
Shailendre Makhan, président de l’Union of Staff of MITD, confirme l’absence de direction et de visibilité actuellement en ce qui concerne les projets pour le secteur du TVET à partir de l’année prochaine. « Valeur du jour, on a scindé les centres du MITD en trois. Certains sont sous la responsabilité du ministère du Travail, l’école hôtelière est sous la responsabilité du ministère du Tourisme et ceux qui sont restés avec le ministère de l’Éducation passeront sous l’Institute of Technical Education and Technology. Mais pour l’heure, nous ne savons pas comment vont fonctionner ces centres et ce qu’ils vont proposer », confie-t-il.
Il affirme avoir essayé d’en savoir plus auprès de sa hiérarchie, mais personne ne semble être au courant de ce qui est prévu au programme. Selon les plans de la réforme, les centres de formation technique offriront des cours allant jusqu’au NTC5 ou Diploma. De même, l’option de passer le School Certificate Technical est aussi au programme. Mais là encore, il n’y a aucune indication sur les institutions qui offriront ce parcours.
Shailendre Makhan ajoute qu’en l’absence d’informations sur l’avenir des centres MITD, on ne peut élaborer de nouveaux cours. « Pour le moment, je peux dire que c’est le statu quo. Nous ne pouvons faire quoi que ce soit pour innover, car nous ne savons pas ce qu’a prévu l’Institute of Technical Education and Technology. Nous ne savons même pas si nous allons continuer à travailler dans ces centres ou si l’on va recruter d’autres personnes. Pour le moment, la seule assurance que nous avons du ministre Soodesh Callichurn, c’est que nous n’allons pas perdre notre travail », se contente-t-il d’affirmer.
Et au niveau des collèges régionaux, comment prépare-t-on les étudiants pour entrer dans la filière professionnelle et technique ? « Il n’y a aucun plan », dit sans détour le recteur d’un collège régional, ajoutant que « pour le moment, nous savons qu’il faut distribuer les fiches pour les académies, mais on ne nous a rien communiqué concernant la formation professionnelle et technique. »
Il souhaite ainsi que le ministère dévoile ses plans à ce sujet afin de pouvoir conseiller les étudiants et leurs parents. « Nous ne savons pas encore comment cela va se faire. Est-ce nous qui devrons diriger les étudiants concernés vers un centre professionnel ? Est-ce que c’est le MES qui attribuera un centre, comme c’est le cas pour le PSAC ? Ou encore, est-ce que les parents devront entreprendre leurs propres démarches pour avoir un centre ? Nous n’en savons rien. J’espère qu’on ne va pas venir nous mettre cela sur le dos au dernier moment », se demande-t-il.
Le syndicaliste confie au passage ses inquiétudes concernant les étudiants de l’EP inscrits à l’épreuve du NCE de cette année. « Il y a eu un taux d’échec frôlant les 90% lors des derniers Mock Exams. C’est inquiétant, surtout qu’ils ne pourront pas se situer sur le National Qualifications Framework », dit-il. Le PSAC représente en effet le niveau 1 du NQF, et le NCE, le niveau 2. « Si l’enfant échoue deux fois, cela risque d’être dramatique. »
En attendant que le ministère de l’Éducation dévoile ses plans, tout est en suspens dans les centres MITD. Les acteurs du secteur souhaitent qu’ils ne soient pas mis devant les faits accomplis à la veille de la rentrée 2023.
L’exemple du Collège Technique St Gabriel
Le Collège Technique St Gabriel est un pionnier en matière de formation professionnelle et technique à Maurice. Pour développer davantage cette filière, l’institution a présenté un projet au gouvernement en vue d’être converti en lycée professionnel et technique, proposant un BAC Pro à ses élèves. L’idée étant de rehausser les offres de formation dans ce domaine.
Toutefois, en dépit d’une décision favorable du conseil des ministres à ce sujet, le CTSG est toujours en attente d’une formule de subvention de l’État afin de concrétiser ce nouveau projet. La conversion du collège, qui a un riche parcours de 47 ans, en lycée professionnel et technique devait justement cadrer avec la réforme pour le secteur du TVET. Mais une fois encore, l’attente devient de plus en plus longue.
À plusieurs reprises, le cardinal Maurice Piat a plaidé pour que les jeunes fréquentant le CTSG aient aussi le droit à l’éducation gratuite, au même titre que leurs camarades fréquentant les centres MITD ou les collèges d’État et privés subventionnés.
Recrutement des Supply Teachers
Le ministère de l’Éducation procède actuellement au recrutement des Supply Teachers pour le secondaire. Ce poste est réservé à ceux âgés de moins de 65 ans et qui possèdent une qualification dans la matière à enseigner.
Cet exercice, qui se renouvelle chaque année, permet ainsi au ministère de pallier le manque d’enseignants dans certains établissements. Généralement, les Supply Teachers sont affectés dans plus d’un collège à la fois. Le recrutement en cours se fait dans toutes les filières, dont sciences, économie, langues, kreol morisien et langues asiatiques, ainsi que pour les cours non académiques, comme la musique.
Le salaire est de Rs 18 650, 21 850 et 27 400, dépendant de la qualification de l’enseignant. Les formulaires d’inscriptions sont disponibles sur le site du ministère de l’Éducation. Ils doivent être envoyés au Senior Chief Executive du ministère au plus tard le 8 septembre, accompagné d’une copie des diplômes.