Polémiques dans l’église – Mgr Jean Michaël Durhône :« Le Père Grégoire nous a donné la garantie qu’il organisait un concert spirituel »

Quelques sujets troublent ces jours-ci à la fois vos ouailles et les Mauriciens en général, Monseigneur. Commençons par le désormais fameux concert « spirituel » que le Père Grégoire va organiser en septembre…

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— Remettons les choses dans leur contexte. Depuis le début de l’année, le Père Grégoire a contacté la cellule de communications de l’Évêché, qui est chargée d’établir le calendrier des manifestations de l’année, pour l’informer qu’il voulait organiser un concert. Il voulait le faire en août, mais ce n’était pas possible, parce que nous avions des ordinations prévues et la date du 29 septembre a été finalement retenue. Il avait précisé que le concert spirituel était organisé pour financer les activités de la Congrégation des Spiritains dont il fait partie. Le Père Grégoire est connu pour ses CD contenant des chansons qu’il a composées et interprétées sur la foi. Le concert doit être composé de ses chansons interprétées par lui, mais aussi par des artistes invités.

l Faut-il comprendre que de par son appartenance à la Communauté des Spiritains, le Père Grégoire ne relève pas de votre autorité ?

— Tous les prêtres exerçant dans le diocèse de Port-Louis doivent référer à l’Évêque, mais avec une nuance : ils doivent aussi en référer au supérieur de leur congrégation à qui ils doivent obéissance.

l Et puis, la polémique a éclaté avec la publication d’un teaser annonçant le concert…

— Effectivement, nous avons reçu des copies du teaser et des commentaires qui l’associaient à une démarche politique, soutenue par l’Église. Je l’ai redit dans ma lettre pastorale : l’Église s’intéresse à la question politique, comme elle s’intéresse aux questions sociales, mais ne fait pas de la politique active ou de la politique partisane. C’est un principe posé depuis 25 ans par mes prédécesseurs les Cardinaux Margéot et Piat, et que je continue. Après avoir discuté du teaser avec mon équipe, j’ai convoqué une réunion avec les membres de mon conseil et des Spiritains, et nous avons examiné le problème en question dans le dialogue et la fraternité. Devant cette assemblée, le Père Grégoire nous a donné la garantie qu’il organisait un concert spirituel, et comme je fais partie de ceux qui pensent que la relation humaine repose sur la confiance mutuelle, je lui fais confiance. Toute personne doit assumer la responsabilité de sa parole. Il ressort des explications données que (i) ce n’est pas le Père Grégoire qui a réalisé le teaser et que (ii) il a repris le titre d’une chanson d’un prêtre seychellois qu’il a traduit en kreol morisien inscrit à son répertoire et il l’a enregistré depuis 2016. Il n’y rien de mal dans ce teaser qui voulait illustrer en image cette chanson inscrite au répertoire du Père Grégoire.

l Faut-il que je vous explique ce que le soleil veut dire en termes de symbolique politique à Maurice ? Mais s’il n’y avait rien de mal dans le teaser, pourquoi est-ce que l’Église s’en est désolidarisée en faisant publier un communiqué ?

— Nous savons que ce teaser a semé la confusion et suscité des sentiments de désapprobation, et même indigné des Mauriciens. Comme nous sommes actuellement dans une période délicate où tout est surveillé, interprété et commenté, nous avons tenu à nous dissocier publiquement de ce teaser pour éviter toute ambiguïté. Par prudence. La prudence qui, comme le disait un ami de séminaire, est une audace réfléchie.

l Au niveau du marketing, une chose est certaine : cette polémique, la réunion des prêtres, les communiqués, tout cela a fait une énorme publicité au concert spirituel à venir. C’est à se demander si ce n’était pas le but de l’opération. Passons à un deuxième sujet de polémique : à la messe de la St Louis, dimanche dernier, l’Église a fait lire des prières à une ministre et un membre d’un parti politique qui a rejoint le gouvernement. En cette période préélectorale où il faut faire attention au moindre symbole, cela a provoqué beaucoup de réactions, certains pensant que l’Église a choisi son camp politique…

— L’Église n’a pas de camp politique, elle est neutre, mais elle est libre en même temps. Nous faisons lire des prières à des personnes représentant la Cité pour la messe de la St Louis depuis 2005. Ce sont des prières pour demander que nous vivons en paix dans notre pays, pas une parole donnée à des politiciens. Malheureusement, nous vivons dans une période où tout est sujet à interprétation, parfois de mauvaises interprétations, et tout peut devenir une polémique. C’est pour éviter ce genre de situations qui peut parfois nourrir l’ambiguïté que nous nous sommes dissociés du teaser du concert spirituel et avons demandé au Père Grégoire de le faire retirer. En ce faisant, nous avons précisé encore une fois que l’Église ne donne pas de mot d’ordre ou de consigne de vote.

l Terminons par une hypothèse : et si un prêtre du diocèse s’engageait de façon ouverte et publique dans la politique ?

— Je vous rappelle que cela est déjà arrivé dans le passé. Si cela se produisait demain, je demanderais au prêtre de préciser ses intentions et lui rappellerais que, tout comme il a pu entrer librement dans l’Église, il est également libre de s’en aller et je lui donnerai ma bénédiction dans la nouvelle voie qu’il a choisie. Le tout dans le respect de la personne et de la confiance qui, je le redis, est la base de toute relation humaine.

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