Polémique — La guerre des frères

La guere qui oppose des frères à la direction de la Grande Loge de Maurice, qui a conduit à la démission de plusieurs loges et de dizaines de frères de cette obédience, continue de plus belle. Pour l’anniversaire de l’indépendance de Maurice, Bruno Dumazel, le Grand Maître de plus en plus contesté de la GLM, faisait diffuser le message suivant sous le titre « Les 20 ans de la grande Loge de Maurice. » Quelques heures plus tard, un frère utilisant le pseudonyme d’Hiram Habiff* lui répondait. Pour permettre à nos lecteurs de suivre cette guerre, qui dure depuis des mois, nous publions les deux derniers épisodes du feuilleton maçonnique.

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« Mercredi 12 mars 2025. 20 Ans de la Grande Loge de Maurice : Un Jubilé de Lumière et de Fraternité Mes Bien Aimés Frères de notre Grande Loge de Maurice. Il y a vingt ans, un rêve s’est matérialisé sous les auspices du Grand Architecte de l’Univers : la création de la Grande Loge de Maurice. Cet événement marquant n’était pas seulement une consécration pour les francs-maçons mauriciens, mais aussi un jalon dans l’histoire de la franc-maçonnerie universelle. Deux décennies plus tard, nous célébrons ce jubilé avec fierté, humilité et une profonde reconnaissance envers tous ceux qui ont contribué à bâtir cette institution, pierre après pierre, avec sagesse, force et beauté. La franc-maçonnerie, bien que discrète dans son action, a toujours joué un rôle essentiel dans la société. À Maurice, elle s’est implantée depuis plusieurs siècles, nourrie par les valeurs de tolérance, de fraternité et de service à la nation. La consécration et l’allumage des feux de la Grande Loge de Maurice en 2005 ont marqué une étape décisive : celle de l’autonomie, de la reconnaissance et du rayonnement d’une obédience mauricienne indépendante, adaptée aux réalités locales et fidèle aux principes universels de la tradition maçonnique. 12 Mars 2005, au Domaine Les Pailles, nous y étions. Autour du premier Grand Maître, le TRF Lindsay Descombes, nous, les fondateurs de cette Grande Loge avions un idéal commun : offrir aux maçons de la République de Maurice, un cadre propice à l’épanouissement spirituel et intellectuel, tout en consolidant les liens avec les autres obédiences à travers le monde. Nous y avions travaillé depuis 1992, avec la naissance de notre première Respectable Loge, Louis Auguste Ormières No 710 de la GLNF (aujourd’hui No1 de la GLM).

Nos efforts conjugués ont porté leurs fruits, et aujourd’hui, la Grande Loge de Maurice, avec ses vingt-quatre Respectables Loges et ses centaines de Frères dévoués et dédiés, s’impose comme une référence, un phare guidant les initiés sur le chemin de la connaissance et de la fraternité. Il est bon de rappeler, que bien que consacrée par la GLNF le 12 mars 2005, notre Grande Loge fut reconnue avant même cette date, par la Grande Loge Unie d’Angleterre (UGLE), le 10 mars 2005 ! Preuve de la confiance placée en nous. Chaque année écoulée a été un maillon précieux dans la chaîne du temps. Pendant ces vingt ans, la Grande Loge de Maurice a su affermir ses fondations, élargir son influence et approfondir son engagement envers la société mauricienne. Nous avons bien sûr rencontré des écueils sur le chantier, des incompréhensions, des démissions, des initiés sur lesquels la patine du temps n’avait pu enlever les aspérités de leur pierre. Ils ont quitté nos Respectables Loges régulières et reconnues pour d’autres cheminements. Être franc-maçon, mes Frères, c’est s’engager dans un travail sur soi-même. C’est polir la pierre brute de nos imperfections pour atteindre une plus grande harmonie intérieure.

La Grande Loge de Maurice, à travers ses Respectables Loges et ses membres, a aussi toujours veillé à apporter son soutien aux causes nobles. Œuvres caritatives, soutien aux plus démunis, initiatives éducatives et culturelles : autant d’actions qui témoignent de la volonté de faire rayonner la lumière au-delà des temples, dans la société mauricienne. Au fil des ans, la Grande Loge de Maurice a renforcé ses relations avec des centaines d’obédiences régulières et reconnues à travers le monde. Elle a su tisser des liens solides avec les Grandes Loges régulières et amies, consolidant ainsi sa place dans la chaîne universelle de la franc-maçonnerie. Ces échanges ont permis d’enrichir les travaux, d’élargir les perspectives et de perpétuer la tradition d’une fraternité qui transcende les frontières. Cette ouverture internationale est une richesse inestimable, un levier essentiel pour la poursuite de notre mission. Elle rappelle que, bien que les contextes diffèrent, les valeurs maçonniques demeurent universelles et intemporelles. Si ces vingt premières années ont été celles de la construction et de l’affirmation, l’avenir s’ouvre désormais devant nous comme un chantier infini où chaque frère, chaque Respectable Loge, aura un rôle à jouer. Et aujourd’hui, nous avons mes Frères, un outil majeur qui peut nous permettre d’évoluer avec plus de facilité. En effet, notre complexe de Petit Camp nous réunit tous sous un même toit, et nous permet des interactions enrichissantes, tout en ouvrant des perspectives pour une meilleure action sociale.

Dans un monde en perpétuelle mutation, où les défis sont nombreux, la Grande Loge de Maurice devra continuer à préserver la Tradition, et embrasser la modernité. Garder intact l’héritage de nos anciens, tout en adaptant nos pratiques aux réalités contemporaines, sera la clé de notre pérennité. Les nouvelles générations de maçons apportent déjà leur pierre à l’édifice avec leur vision, leurs aspirations et leurs questionnements. Il nous appartient de les guider, de leur transmettre ce que nous avons reçu, afin que la chaîne d’union ne se rompe jamais. Ces vingt ans sont un moment de célébration, mais aussi de réflexion. C’est l’occasion de rendre hommage à ceux qui ont œuvré avec dévouement pour faire de la Grande Loge de Maurice ce qu’elle est aujourd’hui. C’est aussi un appel à poursuivre la route avec la même ferveur, la même rigueur et le même idéal. Que cette lumière qui nous guide continue de briller, non seulement dans nos temples, mais aussi dans nos cœurs et dans nos actions. Que la fraternité qui nous unit soit toujours un moteur d’élévation et d’accomplissement. Vingt ans ne sont qu’une étape dans une longue marche. Mais en regardant le chemin parcouru, nous pouvons être fiers de ce qui a été accompli. La Grande Loge de Maurice est debout, forte de son histoire, confiante en son avenir. Et c’est ensemble, unis par les liens indéfectibles de la fraternité, que nous continuerons à bâtir, pierre après pierre, un monde meilleur. Longue vie à la Grande Loge de Maurice ! et Vive la République de Maurice !

Bruno Dumazel

Grand Maître de la GLM

En réponse aux 20 ans de la Grande Loge dite de Maurice

« La GLM, institution supposée incarner des valeurs de fraternité, de droiture et d’élévation spirituelle, aujourd’hui gangrenée par des dérives qui la détournent de ses principes fondateurs. Lorsqu’elle devient le repaire d’individus animés par des ambitions personnelles, des intérêts politico-affairistes et des pratiques douteuses, elle se transforme en une caricature d’elle-même, bien loin des idéaux maçonniques.

Imaginons une Grande Loge où, pendant vingt ans, des « Frères » se sont comportés comme les membres d’une société secrète aux intentions bien moins nobles que celles de la transmission de la Lumière. Tel un repaire d’Ali Baba et de ses quarante voleurs, elle a été le théâtre de jeux d’influence, de détournements, de compromissions avec le pouvoir en place et de trafics en tout genre.

Imaginons une Grande Loge où, pendant vingt ans, des « Frères » se sont comportés comme les membres d’une société secrète aux intentions bien moins nobles que celles de la transmission de la Lumière. Tel un repaire d’Ali Baba et de ses quarante voleurs, elle a été le théâtre de jeux d’influence, de détournements, de compromissions avec le pouvoir en place et de trafics en tout genre.

Les principes de méritocratie et de progression initiatique y ont été remplacés par des arrangements entre amis, où les grades se monnayent et où l’appartenance n’est plus un engagement moral, mais une carte de visite pour accéder aux sphères du pouvoir et de la richesse. Ceux qui dénoncent ces dérives sont mis au ban, exclus ou réduits au silence par un réseau de complicités bien ancré. Les mercenaires, eux, sont ces opportunistes qui ont su flairer le filon : ils se sont infiltrés dans la Loge non par amour de la tradition initiatique, mais pour exploiter le système à leur avantage. Ils tissent des alliances, passent des accords de coulisse et se servent du prestige de l’Ordre pour asseoir leur influence en dehors du Temple.

Une telle situation finit inévitablement par éclater au grand jour. La réputation ternie de la Grande Loge devient un fardeau pour les Frères sincères qui, malgré tout, tentent de préserver l’esprit maçonnique originel. Mais face à tant d’années de compromission, la restauration de l’honneur et de la crédibilité de l’institution relève d’un défi colossal. L’alternative ? Une purge sans concession ou la création d’une obédience dissidente, fidèle aux principes véritables de la Maçonnerie.

Ainsi, une Grande Loge qui s’égare dans le marécage des intérêts personnels et des manœuvres politiques ne fait que scier la branche sur laquelle elle est assise. Son déclin devient alors inévitable, et avec lui, le discrédit de tout un idéal qui aurait dû rester sacré. Ainsi, une Grande Loge qui s’égare dans le marécage des intérêts personnels et des manœuvres politiques ne fait que scier la branche sur laquelle elle est assise. Son déclin devient alors inévitable, et avec lui, le discrédit de tout un idéal qui aurait dû rester sacré. »

Hiram Habiff

*Personnage légendaire biblique, qui aurait été l’architecte du temple de Salomon, apparu dans les rites maçonniques de la franc-maçonnerie, au début du XVIIIe siècle,

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