Le salon a été divisé en deux grâce à un imposant buffet dégarni par les années. Il fallait trouver de la place pour accueillir sa fille et ses trois petits-enfants, tous en primaire. Ce soir, deux des petits jouent dans la chambre improvisée derrière le meuble où, à la nuit tombée, ils dorment à quatre sur un lit.
Le benjamin, fiévreux, cache son visage dans les bras de sa mère, Mélanie Lele, 31 ans. Cette dernière soulève son débardeur pour dévoiler une plaie. Il a récemment dû enlever son appendice.
A leurs côtés, Germaine Veerapen, 66 ans, a le visage creusé par la fatigue. Elle s’est assise sur une chaise, subissant la chaleur de cette fin d’été à Kensington, Pointe-aux-Sables. Quarante années au sein d’une usine lui ont permis d’économiser suffisamment pour construire sa maison.
« On vit tous grâce à sa pension », confie Mélanie Lele, sa fille. Ainsi, quelque Rs 12 000 constituent le budget mensuel de cette famille de cinq. La hausse des prix se ressent profondément.
« Mo anvi travay ! », affirme Mélanie Lele. Difficile cependant de s’occuper de ses enfants dans cette situation, d’autant que sa mère n’a plus la force d’antan pour la soutenir. « Je dois m’occuper de mes enfants, aller tous les jours les quitter à l’école (qui se situe à la périphérie de la capitale) par le bus et après les récupérer », entre autres responsabilités parentales, raconte-t-elle.
« Battue pendant ma grossesse ».
« Rakonte kifer to’nn kit li », encourage Germaine Veerapen. Sa fille hésite, puis se lance. « J’étais une femme battue pendant neuf ans », relate-t-elle, avant de revenir sur les épisodes où elle a été tabassée sous les yeux de ses enfants, à coups de « casque de moto, guitare, tuyaux… »
« J’ai été battue pendant ma grossesse, même après ma grossesse. J’ai reçu des coups là où je venais de faire ma césarienne. Un jour je me suis dit que je n’avais pas envie que mes enfants grandissent dans un environnement comme cela », explique-t-elle.
Mélanie Lele est par conséquent retournée vivre chez sa mère avec ses enfants.
Avec seulement quelque Rs 12 000, les dépenses inattendues se révèlent de majeures tracasseries. Difficile d’offrir l’ensemble des équipements scolaires requis à ces enfants. La flambée des prix rend impossible pour Germaine Veerapen de mettre de côté le moindre sou.
« Mo pey Rs 1 000 lekol pou li (désignant un enfant). Kan mo gagn mo period, mo bizin demann mo mama kas pou mo kapav aste kotex. Mo mama pey rasion, elektrisite, delo… Ariv lafin di mwa pena nanye », regrette Mélanie Lele.
Le père des enfants, ajoute-t-elle, ne contribue presque jamais financièrement. « Deux années de suite pour les fêtes de fin d’année, il les a juste téléphonés. De rares fois, il leur donne un peu d’argent ».
Mélanie Lele a tenté, auprès des autorités, de recevoir une aide financière. Toutefois, elle n’y est pas éligible car le terrain et la maison de sa mère ont trop de valeurs, explique-t-elle.
Dos au mur, la famille cherche de l’aide ou un quelconque soutien afin de pouvoir offrir aux enfants ce dont ils ont besoin.
Update : Le benjamin a, de nouveau, été hospitalisé durant le week-end. Après son opération, il refusait de manger et faisait de la fièvre. Mélanie Lele se trouve avec lui à l’hôpital.
Au niveau de l’établissement scolaire des petits, nous avons appris que beaucoup d’enfants se trouvent dans une situation similaire, en manque d’équipements scolaires. Les enseignants font de leur mieux pour les soutenir.