La chaleur accablante et la «menace Delta» pèsent lourd dans la montée des tensions
L’image parle d’elle-même : une vieille transportant un «deksi» rempli d’eau sur la tête après avoir parcouru une longue distance pour s’approvisionner du précieux liquide auprès d’un camion-citerne. Cette scène se déroule à Camp-Fouquereaux, où des centaines de familles sont confrontées à une grave pénurie d’eau depuis cinq ans. Les habitants des rues Saint-Antoine, Galea et… Réservoir sont ceux qui sont les plus affectés par ce problème. Leurs maisons sont situées autour de la zone délimitant Camp Fouquereaux, Castel, Hermitage, Highlands et Wooton.. Ils sont à bout de nerfs et brandissent la menace d’une manif si les choses ne s’améliorent pas l’année prochaine.
Entre abondance et rareté. C’est justement là où réside le paradoxe dans l’approvisionnement en eau à Camp Fouquereaux et aux régions avoisinantes. « J’habite à la rue Galea et l’eau coule uniquement entre trois et quatre heures quotidiennement chez moi. C’est injuste, car un ami qui habite à une cinquantaine de mètres de ma maison à la rue Parisot reçoit de l’eau 24/7 », s’insurge Deven. Même son de cloche du côté de Marielle, qui habite à la rue Saint-Antoine : « J’habite presque à l’angle de la rue Saint-Antoine et la route Royale, soit à la frontière entre Highlands et Camp Fouquereaux. Mo voisin ena dilo a-flo 24/7 larout Royale, mwa mo ena dilo par gout trwa zer d’tan par zour. » À la lumière d’autres témoignages, il s’avère que cette carence en eau se concentre particulièrement autour du temple Shri Shamboonath à la rue Camp Fouquereaux et l’école primaire Shri Shamboonath à la rue Galea.
Le député bleu de la circonscription Kushal Lobine, qui réside à Camp Fouquereaux, figure parmi ceux qui en pâtissent. « J’ai déjà soulevé cette question au Parlement, mais je constate que les autorités continuent de faire la sourde oreille aux revendications des habitants. Je compte revenir à la charge lors des prochaines séances, car j’attends toujours une réponse plausible », soutient le député, qui évoque un problème qui dure depuis environ cinq ans. La colère gronde dans ce quartier paisible de Vacoas-Phœnix, où les habitants menacent de descendre dans la rue si la Central Water Authority (CWA) et le gouvernement ne remédient pas à la situation d’ici 2022. « Nou bann dimoun tro trankil dapre lord pou ki sink-an nou res soufer koumsa. L’eau commence à couler à 22h avec un faible débit pour s’arrêtera à 2h du matin. Insuffisant pour couvrir les besoins de toute la famille. C’est une honte », martèle un habitant qui, ironie du sort, habite à la rue Réservoir !
« Bizin veye si kamion pou passe »
Les riverains ont eu beau implorer la CWA d’ouvrir un peu plus les vannes durant la fête Divali, en vain. A cela, s’ajoute la chaleur accablante de l’été et le danger du variant Delta, pèse lourd dans la montée des tensions. « Quand vous revenez du travail après avoir côtoyé une centaine de personnes, dans l’autobus notamment, vous n’avez qu’une envie, c’est de prendre une bonne douche. Or, kan rant lakaz, bizin veye si kamion dilo pou pas dan ou la ri. Apre dir nou bizin protez nou kont Covid », confie Irfan.
En effet, la rareté de l’eau dans les robinets contraint beaucoup d’habitants à se ruer vers les camions-citernes pour s’approvisionner en eau. Une solution palliative qui est d’un grand secours pour les familles qui peuvent accéder à cette source de vie. Toujours est-il que d’aucuns font ressortir que lesdits camions ne sont pas suffisamment équipés pour acheminer l’eau vers les contenants situés sur les toits des maisons à étage. « La osi ena problem. Gro-gro kamion selma longer tiyo la pa bon », ironise un habitant. « Compte tenu de la forte concentration d’abonnés dans ladite zone, un renouvellement du système de la distribution est nécessaire pour assurer un service pérenne », souligne la CWA pour justifier cette pénurie.
À Shanti Nagar — « Zame no’un kone ki ete gro pression delo », disent les riverains
Shanti Nagar est l’une des localités les moins vastes du district de Flacq. Un havre de paix situé entre les villages de Belle-Mare et Quatre-Cocos, où la seule ombre au tableau demeure la pénurie d’eau qui prévaut « depuis toujours », à en croire certains riverains qui sont sortis de leur réserve pour alerter les autorités sur leur triste sort.
« Zame no’un kone ki ete gro pression delo. » Ces paroles de Rajiv résument parfaitement la situation qui prévaut à Shanti Nagar, où vivent quelques centaines d’habitants qui travaillent pour la plupart dans l’agriculture ou dans l’hôtellerie. Ceux qui travaillent dans les hôtels justement regrettent les « trop grandes disparités » en matière de desserte en eau entre Shanti Nagar et les hôtels, villas et autres appartements de luxe qui se trouvent à quelques encablures de leurs habitations « Li inportan donn enn bon servis delo pou tourist, mais avoir accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène à domicile ne devrait pas être un privilège exclusivement réservé aux riches. Il s’agit de services fondamentaux pour la santé humaine et il incombe au gouvernement de garantir que chacun puisse y accéder », soutient Mirella, qui a contacté Week-End afin de mettre en lumière les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Les plus anciens habitants du village soutiennent qu’au fil du temps ils se sont habitués à la rareté du précieux liquide et au faible débit qui coule des robinets. Sauf que les jeunes habitants du quartier ne l’entendent pas de cette oreille et ont décidé de monter au créneau pour dénoncer cette injustice. « L’eau coule durant trois à quatre heures la nuit avec un très faible débit qui met nos nerfs à rude épreuve. On ne demande pas à la CWA de faire des miracles pour nous, mais qu’ils fassent en sorte d’ouvrir un peu plus les vannes durant ces trois ou quatre heures », soutient un riverain. Contacté, la cellule de communication de la CWA dit ne pas être au courant de ce problème, mais va s’enquérir de la situation.