Pauvreté – L’hiver dans des foyers en tôle : “Andan ek deor parey”

Quand il n’y a plus de lait, une petite fille boit de l’eau chaude.

Parce qu’il n’y a plus de lait et qu’il fait extrêmement froid, une grand-mère donne de l’eau chaude à boire à sa petite-fille de 4 ans. Pour dormir le soir, un petit garçon porte le survêtement de l’école, faute de vêtements chauds. D’autres enfants prennent leur bain à l’eau froide, la bonbonne de gaz coûtant cher. Quand le mercure chute brutalement, les plus vulnérables vivant dans des habitations précaires ressentent davantage les effets et contraintes du froid hivernal. Avec peu ou pas de moyens pour affronter cet hiver, particulièrement froid, des familles font de leur mieux pour se protéger, y arrivant difficilement.

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En ce temps hivernal plus rude que les années précédentes, des familles vivant dans des logements précaires ne sont pas équipées pour affronter le froid glacial. Pour commencer, les habitations elles-mêmes, lorsque construites entièrement ou partiellement en tôle, ne protègent pas suffisamment leurs habitants. “Ou pe asiz andan, koumadir ou pe asiz deor, pena diferans! Andan ek deor parey”, concède Angela, mère de famille et grand-mère de 35 ans élevant seule ses enfants et sa petite-fille dans une cité du Nord-Ouest. Souffrante, Angela ne travaille pas, vivant avec ses enfants dans une maison dépourvue d’eau courante que lui a construite la National Empowerment Foundation.

Et quand ces mêmes habitations sont en mauvais état, voire en décrépitude, la température et l’humidité à l’intérieur des foyers sont pires. “Fer fre, lor la delo pe tom touzour lor ou”, confie, de son côté, Francine, la soixantaine. Employée de nettoyage, cette dernière vit dans une maison de fortune construite illégalement à Curepipe. Francine repasse ses vêtements sur son lit pour qu’il garde la chaleur du fer.

Économiser le gaz, la bonbonne coûte cher

“Le vent qui s’infiltre entre la tôle et le béton est glacial. Nou gagn ankor plis fre”, dit Christine, 23 ans, mère de deux enfants, dont un bébé. Avec ses petits et son mari, un chauffeur de 25 ans, Christine, sans emploi, habite une maison de deux pièces en tôle et en béton construite à la hâte, dit-elle. Faute d’argent, le couple n’a pu  installer de fenêtre dans sa minuscule cuisine. L’ouverture a été comblée par du plywood et une bâche. L’imposte des toilettes et de la salle de bain sommaire est aussi restée béante. Comme partout à travers le pays, Petite-Rivière, où Christine s’est installée depuis qu’elle est tombée enceinte de son aîné, âgé de 4 ans, n’est pas épargnée par le froid, surtout à la tombée de la nuit. Lorsqu’elle donne le bain à ses enfants, dit-elle, elle craint le courant d’air froid qui traverse l’imposte. “Je ne m’attarde pas avec eux dans la salle de bain. J’ai peur qu’ils tombent malades”, dit la jeune mère. Mais tout comme le père de ses enfants, Christine prend son bain avec de l’eau froide pour économiser le gaz. “La bonbonne de gaz coûte cher”, fait-elle ressortir. “Mo vey porte soley. Kan li tap lor sal-de-bin, lerla mo bingne”, confie Christine.

Le soleil pour tiédir l’eau du bain

Avec son salaire de Rs 15 000, le mari de Christine est le seul à subvenir aux besoins de sa famille. Le revenu du couple est vite absorbé par le loyer, les dépenses alimentaires, les factures et les crédits. Angela, elle, nous raconte que c’est toute sa famille, y compris sa benjamine de 7 ans et le bébé d’un an et demi de sa fille aînée (17 ans), qui ne peut se permettre de prendre un bain chaud. “Sinon gaz pou fini”, dit la trentenaire. Alors, les jours où les rayons du soleil sont plus ou moins ardents, Angela  remplit des contenants d’eau et les dispose dans un coin à l’extérieur de sa maison. Ainsi, l’eau tiédie par le soleil rend le bain moins contraignant, reconnaît Angela.

De son côté, pour ne pas épuiser la bonbonne de gaz de la cuisine, Jerry, un ouvrier d’une vingtaine d’années, explique qu’il n’a pas d’autre choix que de faire chauffer l’eau du bain sur un foyer en bois en plein air. Avec sa femme, il vit dans une petite poche de pauvreté, dans une ville des Plaines-Wilhems. Faute de moyens financiers, le couple a construit un logement en tôle et en bois sur des terres de l’État et n’a pas accès à l’eau courante. Mais parce qu’ils ne sont pas assez armés pour affronter les nuits particulièrement froides, Jerry et sa femme ont été hébergés par la famille de cette dernière.

Dans les armoires ou boîtes de rangement, des vêtements chauds font défaut chez les plus vulnérables. Pour protéger au mieux leurs enfants, les mamans doublent leurs vêtements de haut. “Si je ne demande pas des vêtements d’hiver à Caritas, nous n’en n’aurions pas”, dit Radheeka, 40 ans, une habitante d’Eau-Coulée et grand-mère d’une fillette de 4 ans. “Je suis certaine que les animatrices de l’ONG sont fatiguées de me voir. J’y vais trois fois par semaine. Sinon, nou pa abiye, nou pa manze”, ajoute-t-elle.  Radheeka puise dans l’allocation sociale de son époux, en traitement psychiatrique, pour faire vivre sa famille. Sa priorité, poursuit-elle, est de s’assurer que sa petite-fille scolarisée ait de quoi porter pour la tenir au chaud. “Malheureusement, les quelques vêtements à longues manches ne suffisent pas. La petite doit porter la veste d’école à la maison. Je n’ai pas d’autre choix. Elle manque de tout, de collants, de chaussettes…”, révèle Radheeka.

Une couverture pour passagers d’avion pour se couvrir

Chez Christine, son fils de 4 ans porte aussi le survêtement de l’école à la maison. “Oblize!”, lance la jeune mère. “Mo met so track-suit ki li mete pou al lekol lor li pou dormi aswar. Kwet ki mo met lor mo de zenfan pa ase ek sa freser-là”, dit-elle, avant de nous raconter qu’elle ne dispose pas de couverture supplémentaire pour se couvrir, elle, le soir. “Mes enfants dorment dans le seul lit que nous avons. Mon mari et moi dormons sur un matelas que nous avons posé sur des palettes. Nous nous couvrons qu’avec deux draps”, raconte Christine.  Elle avoue qu’elle n’a pas de vêtements chauds. De plus, elle souffre de rhumatisme. “Mo misie ena zis de palto. Enn pou lakaz ek enn pou travay”, avance-t-elle. “Kan palto travay inn mouye ar lapli, li met palto lakaz pou li al travay.”

Radheeka et Angela ne disposent pas, non plus, de couvertures épaisses. “Je couvre la petite avec une petite couverture en laine, celle qu’on remet aux passagers dans les avions”, dit Radheeka. De son côté, Angela confie que “tou zanfan ser-sere, dormi ansam.”

“Nou manz grin sek, fer tro fre, li pli konsistan”

Si en hiver, le froid a tendance à accentuer la faim, trouver de la nourriture supplémentaire est une problématique pour les foyers les plus vulnérables. “C’est au milieu du mois que la situation se corse, quand il ne reste plus rien dans ma cuisine”, se désole Christine. Elle est contrainte de frapper aux portes des travailleurs sociaux pour nourrir sa famille. “Je n’ai pas de micro-ondes. La nourriture du bébé refroidit vite. Mo bizin sof so manze dan pwalon”, ajoute la jeune mère. Quand il n’y a plus de lait, Francine reconnaît que c’est bien malgré elle qu’elle donne de l’eau chaude à boire à sa petite-fille.

Pour les plus grands, chaque tasse de thé, de café ou d’autre boisson chaude est tout simplement un luxe qu’ils ne peuvent pas toujours se permettre. Sonia qui s’est installée dans une zone non intégrée au développement, non loin de Port-Louis, a trouvé, dit-elle, un moyen de combler rapidement la faim chez ses enfants: “Nou manz pli souvan grin sek. Fer tro fre ! Grin sek pli konsistan.” Angela, qui subsiste grâce à une aide sociale pour scolariser ses enfants, confie être à court de lait : “En hiver, les enfants boivent  plus de lait que d’habitude. La nourriture coûte cher. Je suis à court d’aliments. J’aimerais pouvoir les nourrir convenablement, mais à ce jour je n’ai plus de lait.” 

 

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