Patrimoine — Réouverture du théâtre de Port-Louis en août 2025 : L’épilogue de 7 ans de travaux

Les travaux de rénovation et de restauration du théâtre de Port-Louis, le plus vieux de l’océan Indien, classifié au patrimoine national en 1968, tirent à leur fin. La réouverture de ce joyau architectural, créé par l’architecte Pierre Poujade, en 1820, aura lieu en août. C’est du moins ce qu’a annoncé, jeudi, Mahen Gondeea, ministre des Arts et de la Culture, à l’occasion de la Journée mondiale du théâtre. C’est lui-même, en tant que lord-maire, en juin 2008, qui avait fait fermer ce haut temple de l’art, compte tenu de son état de délabrement, représentant un véritable danger pour le public. Week-End s’est rendu sur le site, vendredi, à l’heure où les architectes du cabinet d’architecture Morphos s’évertuaient à compléter la restauration du dôme du théâtre qui fut conçu par l’ingénieur Vandermeersch en hommage aux grands compositeurs lyriques.

- Publicité -

Inauguré en 1822, le théâtre de Port-Louis avait remplacé le premier théâtre de l’île, construit en 1788 à l’orée du Jardin de la Compagnie, à l’emplacement de l’actuelle salle de cinéma Majestic, mais n’avait pas résisté au cyclone de 1818. Le nouveau théâtre fut donc construit, sur un terrain donné par le général Darling, gouverneur par intérim à l’époque. La première pierre fut posée le 27 septembre 1820 par le gouverneur Farquhar et le bâtiment fut inauguré le 11 juin 1822 par le gouverneur Farquhar lui-même. À l’affiche de cet événement, une comédie, La partie de chasse d’Henry IV, et un opéra, La Maison à vendre, interprétés par des amateurs. En 1940, le théâtre a dû fermer ses portes à cause de la Seconde Guerre mondiale. Il est resté clos pendant sept longues années.

Au début des années 1990, Port-Louis est appelé à se développer, à se réinventer et c’est là que les architectes Lam Po Tang, Pascale Siew et leur équipe, soutenus par le Service de Coopération et d’Action Culturelle à Maurice, ont travaillé pour le faire renaître le théâtre, endommagé par des cyclones. La restauration et couronnée de succès. À part les nouvelles créations, il y a eu aussi les nombreuses couches de peinture. Sauf que la gestion et la conservation du site laissaient à désirer. Lorsque l’activité du théâtre a connu une mort soudaine en 2008, dans l’optique d’une rénovation tous azimuts, orchestrée par l’entrepreneur RBRB Construction Ltd et le cabinet d’architecture Morphos, personne ne savait, à l’époque, que ces travaux allaient, d’une part, démarrer, dix ans plus tard, en janvier 2018, et, d’autre part, prendre fin en 2025.

- Publicité -

La première phase devait initialement prendre fin début février 2019, mais les tergiversations liées au manque de moyens financiers ont retardé l’échéance. La phase 1, au coût de Rs 75 millions, consistant en des travaux de démolition, de maçonnerie, de sous-structure, de structure principale de l’édifice, de charpente et de toiture, entre autres, a finalement été complétée en octobre 2020.

Rebelote s’agissant de la suite des travaux. Après trois ans et demi de pourparlers entre l’État, la mairie et les entrepreneurs, le contrat pour la deuxième phase des travaux de rénovation et de restauration, à la faveur d’une enveloppe d’environ Rs 440 millions, est signé entre RBRB Construction Ltd, le cabinet d’architecture et la mairie, le 9 juillet 2024. Une partie de l’ouvrage est confiée à la main-d’œuvre étrangère. « Les travaux étaient complexes. Il fallait assurer l’étanchéité du bâtiment contre les infiltrations d’eau et lutter contre les termites, entre autres. Pour la phase 2, tout en assurant des travaux de rénovation à l’identique du théâtre, des normes de sécurité qui n’existaient pas au moment de la construction de l’édifice étaient prises en considération. Nous devions adapter le théâtre aux normes qui sont en vigueur, notamment avec des portes de secours, mais aussi en termes d’acoustique à l’intérieur », confie le cabinet d’architecte.

- Advertisement -

Un système de climatisation a aussi mis en place ainsi qu’un ascenseur pour faciliter l’accès aux personnes en situation de handicap. Le théâtre pouvait contenir 510 spectateurs. Il offrira 600 places, à l’issue des travaux. Le ministre des Arts et de la Culture, Mahen Gondeea, a effectué une site visit, vendredi, en compagnie de la Junior Minister Véronique Leu-Govind. Sur sa page Facebook, il souligne que « ce projet me touche profondément, car j’ai veillé sur cet édifice en tant que conseiller municipal, lord-maire, et aujourd’hui en tant que ministre de tutelle. Mon lien avec ce lieu est intime et passionné. Je m’assure aujourd’hui que le théâtre retrouve toute sa splendeur, avec ses sculptures, fresques et jeux de lumière, et soit de nouveau accessible au public dans les meilleurs délais. Le contracteur prévoit la livraison pour août de cette année. Hâte de voir ce lieu historique retrouver sa grandeur et de le partager à nouveau avec vous tous. »

Un élément semble ne pas faire l’unanimité parmi le public. Le fait que l’édifice ait été peint entièrement en blanc, enlevant le charme de cette bâtisse coloniale faîte de pierre taillée. Toujours est-il qu’en se fondant sur les archives du créateur du Musée de la Photographie, Tristan Breville, on constate que la façade de l’édifice avait été recouverte de peinture blanche au début des années 1930. Quid des six muses (statuettes) qui, jadis, ornaient le balcon ? Les réponses évasives de la mairie ne nous ont aidés dans notre quête.

Le théâtre de Port-Louis retrouvera-t-il son lustre d’antan, s’inspirant du style baroque, en gardant son cachet historique ? La question est sur toutes les lèvres. Il nous a été difficile, vendredi, de se frayer un chemin au milieu du chantier, entre les différentes loges et le poulailler dans le fond, pour s’en faire une idée précise. On a quand même pu contempler le célèbre dôme, en cours de réaménagement, créé par l’architecte Pierre Poujade, et décoré par un artiste peintre belge, Henri Théodore Vandermeersch. Une œuvre dépeinte par le président du Centre culturel d’expression française (CCEF), Robert Furlong, comme « une harmonie céleste représentée par des angelots ».

Le poète Robert Edward Hart décrivait merveilleusement ce qui se passait, dans les années 1920, autour ce lieu de vie bouillonnant d’activités : « Des marchandes de pistaches bouillies ou torréfiées, d’ananas et de cornichons épluchés, de petits pois grillés et d’alouda et de vangassailles étaient accroupies sur le trottoir, derrière leurs éventaires vaguement éclairés par une veilleuse à l’huile de coco et surtout par le futur lampadaire de la Place Foch. » En 200 ans, une myriade d’artistes, de troupes et de comédiens se sont produits au théâtre qui a connu ses moments de gloire grâce, entre autres, aux opéras, et la fameuse pièce Zozef ek so palto larkansiel, adapté en kreol par Dev Virahsawmy et mise en scène par Gérard Sullivan. Le comédien français Claude Piéplu y démarra sa carrière, la génération qui a connu cet âge d’or se remémore aussi les brillantes performances de Max Moutia.

Les commentaires vont bon train sur la toile. C’est l’effervescence, après l’annonce de Mahen Gondeea que le théâtre allait renaître en août. Marcel Lindsay Noël, ex-président de la Mauritius Film Development Corporation (MFDC) et évoluant dans l’univers du cinéma, soutient qu’ « il faudrait pour ce grand événement y rejouer l’opérette Surcouf, relatant les aventures du célèbre Corsair, écrite par le Mauricien Lucien Maugendre, qui travaillait à la municipalité. Le Conservatoire François Mitterrand est en possession des compositions musicales. » D’aucuns font valoir que les Anglais et les Français se sont réconciliés autour du théâtre et des courses hippiques. Du coup, dans cette optique, Gérard, féru d’Art lyrique et d’hippisme, propose au gouvernement de faire d’une pierre deux coups. : « Pourquoi ne pas fêter le retour du Mauritius Turf Club (MTC) aux manettes et la réouverture du théâtre le même jour ? On aurait droit à des festivités incroyables… »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour