Passerelle – violence contre les femmes : Briser les codes des campagnes classiques de sensibilisation

L’Ong Passerelle et The Introverts ont uni leurs forces pour lutter contre la violence domestique. Dernière trouvaille, la campagne Women are not toys. Tout est parti d’une tendance qu’on voyait un peu partout sur les réseaux : des figurines dans des boîtes transparentes, comme des jouets à collectionner. C’était léger, amusant… Stephane Lamvohee, Manager Creator de The Introverts s’est demandé ainsi avec son équipe pourquoi ne pas utiliser l’art d’utiliser dire quelque chose d’important.

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Pour Stephane Lamvohee, tout est parti d’une idée : « On s’est posé une vraie question : quels sujets sont souvent “mis en boîte” ? De quoi on ne parle pas assez ? Et le thème des violences faites aux femmes est vite revenu. On voyait les chiffres, les faits divers, les témoignages… et on s’est dit que cette tendance, combinée à l’IA, pouvait devenir un outil puissant, si elle était utilisée avec une bonne intention. Il y a beaucoup de débats en ce moment sur l’intelligence artificielle, sur le fait qu’elle remplace la créativité. Je pense que l’IA n’est pas un problème si on sait pourquoi on l’utilise. J’avais d’ailleurs écrit un post sur LinkedIn à ce sujet. Avec mon “creative lead” Nicolas, on a voulu détourner la tendance, utiliser l’IA non pas pour faire “joli”, mais pour faire passer un message fort. Et les retours ont été très touchants. Certaines personnes ont été choquées, d’autres émues. Mais surtout, beaucoup ont pris le temps d’en parler autour d’eux. Cela pour moi, c’est déjà énorme. »

Faire passer un message fort

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De son côté, Mélanie Valère-Cicéron, présidente et fondatrice de Passerelle, dit que son ONG s’attache à aborder toutes les formes de violences faites aux femmes, et surtout à en parler régulièrement, au-delà des seules dates symboliques comme la Journée internationale des droits des femmes. Pour elle, les chiffres le démontrent clairement que chaque jour : la violence envers les femmes s’aggrave et prend de nouvelles formes.

Selon les données publiées par Statistics Mauritius (Gender-2023), les femmes sont les principales victimes de violence domestique. Rien qu’en 2023, le nombre de cas référés au ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille a connu une hausse, soit de 5 381 cas en 2022 à 7 177 en 2023. Mélanie Valère-Cicéron estime essentiel de sortir des campagnes traditionnelles et d’être présents partout où les femmes sont vulnérables. « Nous restons toujours ouverts aux propositions de collaboration qui permettent de promouvoir des outils de prévention et de protection pour les femmes. Lorsque The Introverts nous a contactés pour cette campagne “Women Are Not Toys”, nous avons tout de suite adhéré à l’initiative, de plus conçue par un homme ! Et ce ne sera pas la dernière. »

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Stephane Lamvohee est un créatif qui a travaillé pendant plusieurs années dans le marketing et la communication, que ce soit en agence ou dans le monde plus corporate, surtout en Afrique. Il officie comme Managing Partner de The Introverts, une agence de branding basée à Maurice, mais avec des gens un peu partout dans le monde. « Ce que j’aime, c’est comprendre les marques, leur personnalité, leurs contradictions, ce qu’elles veulent dire, et les aider à se positionner de façon claire et sincère. J’adore la stratégie de marque, c’est un peu comme raconter une histoire, mais avec une vraie intention derrière. »

L’idée d’un partenariat entre Passerelle et The Introverts Agency et les attentes liées à cette nouvelle campagne, selon Mélanie Valère-Cicéron, émanent de la volonté des deux parties de briser les codes des campagnes classiques de sensibilisation. « Nous avons trouvé en The introverts des alliés créatifs, capables de proposer des concepts forts qui interpellent vraiment le public. Avec la campagne “Women Are Not Toys”, notre objectif est d’utiliser une tendance des réseaux sociaux pour attirer l’attention et sensibiliser. Si les internautes ne retenaient que la hotline 139 est disponible 24/7 et qu’elle est gratuite, ce serait déjà un objectif d’atteint ! »
Quant à Stephane Lamvohee, il reconnaît le travail qu’effectue Passerelle sur le terrain. « Quand on a eu l’idée de cette campagne, je ne voulais pas juste faire une “belle image” pour faire parler. Je voulais qu’il y ait un lien concret avec une structure et qui agisse vraiment. Le but, c’était de mettre notre créativité au service d’une cause qui a du sens, quelque chose de plus grand que nous. On espère pouvoir continuer à accompagner Passerelle sur d’autres projets, mais aussi collaborer avec d’autres ONG ou entreprises qui ont un vrai impact. Si notre manière de créer peut aider à faire passer un message ou à mettre en lumière des actions utiles, alors on sera toujours partants. »

Une prise de conscience

À la question de savoir si cela ne serait pas aussi intéressant de lancer une campagne “Men’s are not toys”, de les réduire au silence et voir si cela peut contribuer au réveil des consciences chez l’homme, Mélanie dira que pour l’instant Passerelle ne souhaite pas tout dévoiler mais promet qu’une telle campagne est bel et bien en préparation et que cela sera effectivement un véritable électrochoc. « L’idée, justement, c’est de provoquer une prise de conscience brutale et nécessaire. Ça arrive ! »

Stephane Lamvohee, lui, trouve l’idée intéressante. « Inverser les rôles peut parfois vraiment faire réfléchir. Mais je crois que le but n’est pas de pointer les hommes du doigt ou de créer un malaise gratuit. L’objectif, c’est d’ouvrir le dialogue, pas de créer un mur. Je pense que les hommes doivent être inclus dans ces conversations. Créer une version masculine pourrait être un outil, si c’est fait avec sensibilité, pour justement inviter à réfléchir à ce que vivent les femmes au quotidien. Ce serait intéressant si cela permettait de déclencher une prise de conscience. Mais le projet “Women are not toys”, on en a pensé avant tout pour mettre en lumière une réalité bien précise : celle des femmes victimes de violences. Parce qu’il fallait commencer par là. »

Mélanie Valère-Cicéron revient aussi sur le service hotline gratuit 139, disponible 24/7, mais ignoré par de nombreux citoyens. « Heureusement que la plupart des gens savent qu’ils peuvent aussi appeler la police ou se rendre au poste de police de leur localité mais en cas de danger immédiat, si on a son téléphone en sa possession, c’est essentiel de savoir que l’on peut appeler sur le 139, ou d’un clic envoyer une alerte à la Brigade pour la protection de la famille à travers l’application l’espoir. Combien de femmes ont téléchargé cette application ? En tant que représentante d’ONG, on s’assure aussi que tous ces services ne sont pas que des publicités et qu’ils fonctionnent vraiment. Et je pense que cette application peut être d’un grand secours dans de nombreux cas. »

La masculinité positive

Sur un tout autre volet, Passerelle a récemment lancé le Green Flag Project pour mettre l’accent sur la masculinité positive et encourager les relations saines au sein des couples en incluant les hommes dans la lutte contre la violence contre les femmes. À ce jour, selon la présidente de l’Ong Passerelle, Mélanie Valère-Cicéron, tous les objectifs ne sont pas encore atteints, mais elle est déjà très satisfaite des retombées du Green Flag Project. Car, dit-elle, le lancement de cette campagne, soutenue par le haut-commissariat de l’Australie, n’est pas passé inaperçu.

Elle fera ressortir à cet égard : « Nous constatons avec fierté que le concept de “masculinité positive”, jusque-là assez méconnu, est désormais au cœur des discussions. Nous avons d’ailleurs été particulièrement touchés d’entendre la ministre de l’Égalité des genres mentionner ce concept dans son discours officiel lors de la Journée internationale des droits des femmes. Nous saluons également l’intérêt des médias pour cette initiative, et surtout, nous sommes extrêmement fiers de voir des projets portés par les jeunes eux-mêmes, comme le He4 Real Project – It Ends With Us, lancé par le collège Bhujoharry pour lutter contre la masculinité toxique. Ce sont des signaux très encourageants qui montrent que la dynamique est enclenchée. Nous avons réuni des ONG et fait une série de propositions au ministère des Finances dans le cadre du Budget 2025. Et nous nous attendons désormais à d’autres actions concrètes. »

Autre sujet qui interpelle, la lutte contre la traite des êtres humains qui nécessite une prise de conscience et des actions concrètes et efficaces. Ce sujet est d’ailleurs au cœur des priorités à Passerelle. Pour Mélanie, identifier les victimes de la traite n’est pas toujours évident, car elles sont souvent invisibilisées, isolées ou sous emprise psychologique et économique. « Cette étape est faite par la police avec qui nous collaborons depuis 2020. La Trafficking in Person Unit fait de son mieux pour venir en aide aux victimes et nous pouvons aussi compter sur le soutien du bureau du Directeur des poursuites publiques et de l’Organisation internationale des migrants. Et depuis un an, nous avons mis sur pied, avec DIS-MOI, un centre dédié pour la prise en charge des victimes de traite. Cela dépasse l’hébergement sécurisé. Nous offrons aussi un soutien psychologique, une aide juridique et des formations pour l’autonomisation et la réinsertion professionnelle tout en adoptant une approche humaine et holistique pour leur permettre de se reconstruire. »

Pour cette année 2025, le bilan d’opération pour Passerelle est extrêmement encourageant, selon Mélanie Valère-Cicéron. L’ouverture du centre Univers’Elles, grâce à l’ONG en collaboration avec DIS-MOI, a permis d’accueillir et d’accompagner plus d’une vingtaine de survivantes de la traite.
« Nous avons constaté que l’approche globale que nous avons choisie porte ses fruits », confie la responsable. Et d’ajouter : « L’accompagnement psychologique permet aux victimes de commencer un véritable processus de guérison. L’aide juridique de la Pro Bono Law clinic de DIS-MOI facilite leurs démarches pour faire valoir leurs droits, et les formations à l’autonomisation leur redonnent confiance en elles et des perspectives concrètes d’avenir. Nous sommes également très fiers de la synergie créée avec nos partenaires institutionnels et de terrain. Elle a permis d’améliorer la détection des cas et d’offrir une prise en charge rapide et coordonnée. Le chemin reste long, et nous savons que beaucoup reste à faire. Mais cette première année nous conforte dans la conviction que ce modèle fonctionne, et surtout, qu’il doit être pérennisé. Notre ambition est désormais de renforcer ces dispositifs et d’étendre nos actions de prévention pour casser le cycle de la traite à sa racine. »

Quant à Stephane Lamvohee, Content Creator, il dira que les influenceurs ont un vrai rôle à jouer. Il trouve que ces derniers peuvent donner de la visibilité à des sujets importants, mais aussi changer des perceptions. « Cela ne demande pas forcément d’être un militant ou engagé à 100%, mais juste d’être sincère, d’avoir un peu de recul, et d’utiliser sa voix avec une bonne intention. Un seul message peut parfois faire toute la différence. On n’a pas toujours besoin d’être bruyant pour être entendu. C’est un peu notre devise chez The Introverts. Et la mienne, en tant qu’introverti. Je suis plus dans les mots, le “storytelling”, et j’aime quand une idée prend forme doucement, quand elle touche les gens en toute sincérité. »

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