Mine de rien, et au fil des détails émergeant en filigrane dans le pacte allégué de corruption et de blanchiment avec l’opération Savat Dodo — Saison I et II, l’élément omniprésent et incontournable s’affirme comme le fait que le remote control de la Mauritius Investment Corporation Limited était opéré à partir du ministère des Finances. Nullement exagéré de dire que pas un sou n’avait été déboursé du War Chest de Rs 82 milliards de cette filiale de la Banque de Maurice sans l’assentiment du Grand Argentier. Des trois principales transactions, au cœur de la controverse et sanctionnées par le board de la Mauritius Investment Corporation Limited, à savoir les Rs 45 millions, dont a bénéficié Pulse Analytics pour des sondages fictifs à la veille des dernières élections générales du 10 novembre 2024 aux Rs 25 milliards allouées à Airport Holdings Limited pour la sortie sous administration de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, en passant par les Rs 2,4 milliards pour conclure l’Apavou Deal avec la vente d’actions au sein de l’hôtel Ambre, l’ancien ministre des Finances et bras droit de l’ex-Premier ministre, Pravind Jugnauth, a pesé de tout son poids.
Les détails versés dans ces différents dossiers à charge de la Financial Crimes Commission ou encore à l’Anti-Money Laundering Unit du Central CID confirment la présence de Renganaden Padayachy dans le background si ce n’est le foreground. Par ailleurs, un autre VVIP qui marqué de sa présence tous les dossiers à milliards sous l’ancien gouvernement, que ce soit avec l’opération Daylight Robbery au préjudice du groupe BAI de l’ex-Chairman Emeritus Dawood Rawat en passant par les malheurs en série d’Armand Apavou avec sa chaîne d’hôtels pour atterrir à la tête de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, en faillite, se verra projeté in the limelights. Le risky exposure de la State Bank of Mauritius à hauteur de Rs 3,9 milliards, avec des facilités bancaires à des taux concessionnaires de 3,5% pour Rs 1,7 milliard, fait que Sattar Hajee Abdoolah n’aura d’autre d’autre choix que de porter à nouveau ses différents chapeaux pour au moins fournir des explications dans l’enquête en voie de gestation de la Financial Crimes Commission sur la State Bank of Mauritius.
Ainsi, avec une enveloppe de Rs 25 milliards, soit l’une des plus conséquentes, consentie par la Mauritius Investment Corporation Limited, Air Mauritius retient l’attention. Sauf que jusqu’ci, vu l’importance stratégique du national carrier dans l’architecture de l’économie, le dossier est traité avec des pincettes par les nouveaux locataires de la Bank of Mauritius Tower. Toutefois, ceux qui sont dans le secret des dieux savent que dès son installation en tant que gouverneur de la Banque de Maurice vers la fin de l’année dernière, Rama Sithanen a tiré la sonnette d’alarme au sujet de la liability dans le balance sheet de la Mauritius Investment Corporation que représentent les soeurs jumelles nommées Airport
Holdings Limited (AHL) et Air Mauritius.
Néamoins, Manoj Seeburn, backbencher de Vieux Grand-Port/Rose-Belle (N°11), par le truchement d’une Parliamentary Question (PQ) lors de la séance de mardi dernier, a ouvert un boulevard pour le Premier ministre et Leader of the House, Navin Ramgoolam, en vue de faire état des dessous de ce tripotage financier avec les fonds alloués en urgence à Air Mauritius. Mais avant d’entrer dans les détails, force est de constater que Navin Ramgoolam a confirmé les zones d’ombre autour d’un montant de Rs 2,5 milliards, dont avait fait état Week-End dans son édition du 6 avril dernier.
L’ultime paragraphe de la réponse du Premier ministre ne souffre d’aucune confusion sur ces Rs 2,5 milliards volatilisées. « KPMG has been requested by AHL to probe into an amount of Rs 2.5 billion which should have been retained for working capital — cash flow need for MK, but was instead used for other purposes for which we have yet to understand where the money went and if there was proper authorisation as that amount was derogated from its original purpose. A forensic audit by KPMG is underway to understand these very loose calculations », a-t-il précisé.
Rencontre décisive
Les premiers pointers pour des éclaircissements convergent en direction du ministère des Finances, le quasi-ultimate holding d’AHL, cette ambitieuse superstructure aéroportuaire qui n’a pas encore fait ses preuves, ou encore ceux qui étaient derrière les procédures pour la sortie sous administation de la compagnie aérienne nationale. Pour arriver à ce détournement de Rs 2,5 milliards, Navin Ramgoolam s’est appesanti sur les Rs 12 milliards mises à la disposition d’Airport Holdings Limited pour renflouer Air Mauritius avec pour Grand Manitou un dénommé Sattar Hajee Abdoula.
Ainsi, les Rs 12 milliards obtenues de la Mauritius Investment Corporation Limited ont été réparties comme suit :
Rs 9,5 milliards sous forme de prêts à Air Mauritius ;
Rs 812 millions pour l’acquisition d’actions au sein d’Air Mauritius
Rs 42 millions pour des actions de Pointe Coton Resort Hotel Company Ltd ;
Rs 135 millions pour des actions dans Jet Prime Ltd
Rs 14 millions sous forme d’injection de capital dans les filiales d’AHL
Rs 1 milliard de prêts à des entités subsidiaires d’AHL ;
Rs 324 millions pour l’acquisition de nouveaux paliers dans le complexe de MEDCOR Building ;
Rs 166 millions pour des dépenses administratives encourues entre août 2021 et juin 2024.
L’ombre du ministère des Finances, forcément celui de la political head en la personne de Renganaden Padayachy, se profile irrémédiablement derrière cette pseudo-restructuration financière et administrative de la compagnie aérienne. Et à ce chapitre, le Premier ministre ne passe pas par quatre chemins pour abattre ses cartes et dénoncer ce jeu d’écritures au préjudice de la Mauritius Investment Corporation Limited.
« The Ministry of Finance needed Rs 25 billion to fool the people to show a lower debt to GDP ratio. AHL was set up comprising 23 entities, including Air Mauritius Limited. The actual net assets were valued at Rs 10 billion. However, a goodwill amount of Rs 41 billion was added to the Rs 10 billion to reach a figure of Rs 51 billion », fait comprendre le Leader of the House dans sa réponse liminaire à l’Assemblée nationale.
Le pire est à venir, car la Mauritius Investment Corporation Limited, avec pour Chief Executive Officer, le no preferred candidate, Jitendra Bissessur, mais imposé au board par le même Padayachy, était en présence de directive pour faire l’acquisition de 49% du capital d’Airport Holdings Limited, dont la valeur avait été artificiellement gonflée à Rs 51 milliards, tenant compte du goodwill, pour ne pas utiliser le terme Illwill préféré du gouverneur de la Banque de Maurice.
« Mauritius Investment Corporation paid Rs 25 billion to acquire 49% of the shares of AHL where the actual assets were worth only Rs 5 billion. In other words, somebody has stolen the money. And we will find out », s’est appesanti le Premier ministre, qui ajoute que « the World Bank has confirmed that the 49% was worth only Rs 5 billion. This is a case of excessive overvaluation carried out at the expense of MIC, which is 100% owned by the Bank of Mauritius. It will mean Mauritius Investment Corporation Limited will have to impair with obvious consequences. »
Comme pour faire la démonstration que le remote control, opéré à partir du ministère des Finances, pour ne pas dire entre les mains du Grand Argentier, les faits énoncés attestent qu’au moment du transfert des Rs 25 milliards de la Mauritius Investment Corporation Limited, soit le 9 décembre 2021, Airport Hodings Limited avait effectué un remboursement de Rs 12 milliards au gouvernement.
Une same day transaction qui se présente comme la preuve que les opérations à ce guichet de la Bank of Mauritius Tower étaient exécutées sous le contrôle de l’ancien ministre des Finances.
Une unique preuve pourrait ne pas suffire pour étaler l’efficacité de ce remote control. L’affidavit juré par Armand Apavou, représentant du groupe Apavou, en date du 16 avril à Paris, comporte des instances où les orientations des procédures émanaient de l’ancien ministre des Finances. Même si cette déclaration écrite solennellement d’Armand Apavou fait l’économie de la documentary evidence de base avec un potentiel de risques pour les différentes parties prenantes.
Dossier controversé
Faisant l’hstorique des séquences menant à la conclusion de l’Apavou Deal à Rs 2,4 milliards, Armand Apavou révèle la présence de Verde Frontier Solutions Ltd du couple Noonaram, très proche de l’ancien ministre des Finances, dès 2002. Initialement, Verde Frontier Solutions avait pour mandat de « vendre l’hôtel Ambre, l’hôtel Bougainville et l’hôtel Les Cocotiers à tout investisseur potentiel à l’international. »
« Durant cette même période, Mahen Rajkoomar et moi-même sommes allés à la MIC, accompagnés par M. Noonaram pour rencontrer le CEO de la MIC, M. Bissessur. Nous avons présenté notre souhait d’obtenir un emprunt et M. Bissessur nous a fait comprendre que la MIC ne pouvait accéder à cet emprunt car l’emprunt ne pouvait pas servir pour payer les dettes de l’État », affirme Armand Apavou.
Mais il a tenu à préciser que « lors de la conversation, le CEO de la MIC nous fait part de la possibilité de rachat de nos actions par la MIC ». Avec l’hôtel Ambre évalué à 80 millions d’euros, Armand Apavu fixe le prix de 70% du capital à 56 millions d’euros. La contre-proposition de Jitendra Bissessur porte sur 52 millions d’euros. Jusqu’à la fin de 2022, les choses devaient en rester au niveau d’un accord verbal et sans aucun développement jusqu’à la fin de novembre de 2023.
Puis ce sera la rencontre décisive avec l’ancien ministre des Finances en personne. « Entre-temps, on m’a fait rencontrer l’ex-ministre des Finances en deux ou trois occasions et je lui ai présenté mes projets de développement futurs, incluant le sujet de la vente des actions de Ambre hôtel. Ce dernier m’a fait comprendre que la MIC peut considérer cette offre », indique-t-il verbatim.
Armanda Apavou déclare que « dans les rencontres qui ont eu lieu subséquemment (deux fois), il y avait des représentants de la MIC, moi-même, M. Rajkoomar, Verde, et le ministre nous rencontrait un par un pendant 5 minutes et à la fin il nous rencontrait tous ensemble. » Avec hindsight, il dira qu’ « en ce qui concerne ma rencontre, il s’agissait des discussions vagues, sans rien préciser. Mais, ce que j’avais compris et que désormais je peux confirmer, c’était seulement pour qu’il s’assure qu’on allait effectivement de l’avant sur la vente de 70% d’Ambre Hotel avec la MIC. Maintenant, je comprends tout le scénario de cette machination pour que j’accepte de vendre à la MIC et que Sun devienne majoritaire avec 51% par la suite. »
À partir de cette étape, les procédures vont s’accélérant avec Verde Frontier Solutions Limited présentant à Armand Apavou une offre ferme de 48 millions d’euros en janvier 2024. Puis, entre le 14 février 2024, avec la présentation du term sheet et le 15 mai de la même année, soit la signature de la documentation de la transaction de la vente de 1 596 actions d’EastCoast, soit 70% du capital émis.
Les rencontres avec l’ancien ministre des Finances ont-elle été aussi déterminantes pour débloquer la décision sur le rachat des 70% d’actions et le transfert de Rs 2 380 800 003 sur le compte du notaire de la MIC, Me Dassyne ? La séquence des événements prétend être assez explicite. Et aux limiers de la Financial Crimes Commission de tie the loose ends.
Money trail
Par ailleurs, depuis les dernières élections générales, le troisième dossier controversé de la Mauritius Investment Corporation Limited atteste également de la proximité de l’ancien Grand Argentier avec les bénéficiaires. Stephan et Queenie Adam, de par la série de sondages fictifs en faveur de l’Alliance Lepep lors des dernières élections, concèdent qu’ils ont rencontré Renganaden Padayachy. Et cela en pas moins de deux reprises. Et aussi lors des noces de Queenie dans une enseigne hôtelière de classe sur la côté sud-ouest.
L’ancien ministre des Finances, qui a été inculpé une deuxième fois en huit jours par l’Anti-Money Laundering Unit du Central CID au cours de la semaine écoulée, sera confronté à la pertinence de ces interventions alléguées par remote control alors que les procédures établies que ce soit au niveau de l’Investment Committee pour l’évaluation des demandes, l’élaboration du term sheet et même le board pour le feu vert officiel.
Du côté de la Financial Crimes Commission, les premiers éléments du money trail initié sur la base de Judge’s Order pourraient s’avérer compromettants. À ce titre, la société Kuros Construction Solutions Limited, qui a assuré la construction de la résidence de l’ancien ministre à Roches-Brunes au coût de Rs 16 millions, n’aura été payée qu’à hauteur de Rs 6 millions.
En tout cas, avec ce détail, Renganaden Padayachy est engagé dans une uphill fight pour se dissocier des soupçons ou allégations de conflict of interests avec la même entité Kuros Construction Solutions Limited bénéficiant de facilités financières de Rs 225 millions de la Mauritius Investment Corporation Limited en 2023 ou encore de l’octroi de contrat de l’ordre de Rs 400 millions sous le programme de construction de logements sociaux de la New Social Living Development (NSLD).
De quoi alimenter encore la chronique des allégations version Gulbul…