Zone d’ombre sur la nationalité de l’équipage, soit des Pakistanais, soit des Iraniens, avec au moins un adolescent de 15 ans à bord
La NCG en présence de Covid Vaccination Cards émise par le Sindh Health Department du Pakistan
Ce rafiot ne battant aucun pavillon équipé d’Advanced Communication and Navigation Equipment, dont AIS, GPS et téléphones satellitaires
Que faisait ce rafiot, faisant à peine une quinzaine de mètres et sans Port of Registration avec neuf ressortissants étrangers, dont un adolescent d’une quinzaine d’années, au large de l’archipel d’Agalega, présence illégale dans la Zone économique exclusive de Maurice ? C’est ce que tentent de tirer au clair les autorités mauriciennes depuis hier après-midi, avec le retour à quai à Port-Louis du CGS Barracuda, unité de la National Coast Guard, avec pour second à bord l’assistant surintendant Vikraj Mangroo, assurant l’escorte de ce bateau fantôme. Les premières explications semblent pointer vers des activités de contrebande, si ce n’est de pêche illégale vu la présence de filets à bord mais sans aucune prise de poissons relevée officiellement.
Ainsi, depuis lundi dernier, le QG de la National Coast Guard (NCG) et les autorités mauriciennes étaient sur le qui-vive. Vers les 15 heures ce jour-là, la CGS Barracuda, unité de la NCG, en mission de surveillance dans la Zone économique exclusive (ZEE) depuis le 7, avait détecté la présence suspecte d’un bateau au large de l’archipel d’Agalega, soit au point 10° 33,5 Sud et 59° 15,5 Est, notamment à 160 milles nautiques au Nord-Est d’Agalega ou encore 590 milles nautiques au Nord de Port-Louis. Les procédures sous le protocole de la EEZ Surveillance, en particulier la clause 110 (2) de la loi sur les Droits de la Mer (United Nations Convention of the Law of the Sea) ont été enclenchées dans la mesure où cette embarcation ne portait un External Marking d’identification. Qui plus est, à la vue de l’approche de la CGS Barracuda, cette embarcation devait modifier sa trajectoire dans une tentative de semer en pleine mer les éléments de la National Coast Guard (NCG).
À partir de ces premiers éléments, c’était la Full Alert à bord du CGS Barracuda. En dépit du fait que la vitesse du bateau suspect était en mode accélération, les appels et sommations répétés sur le canal V/UHF Radio n’ont fait l’objet d’aucune réponse par les membres d’équipage à bord. Mais à la suite de manoeuvres, les membres de la NCG devaient parvenir à arrêter l’embarcation pour un premier contrôle de routine.
À l’arrivée de la CGS Barracuda à son port d’attache hier en début d’après-midi avec sous son contrôle le bateau-fantôme d’Agalega, le commandant (indien) Vipin Gupta a souligné que c’est lors d’une patrouille que le CGS Barracuda a intercepté le bateau. « C’est le 10 janvier que nous avons aperçu cette embarcation qui tentait de se faufiler ailleurs », a ajouté le surintendant Veerasamy de la NCG.
Des recoupements d’informations recueillies de sources concordantes indiquent que les Casernes centrales avaient été informées au plus haut niveau de la présence suspecte de ce rafiot depuis la semaine dernière. Les renseignements émanaient des communications diplomatiques avec un pays ami. Le CSG Barracuda a quitté Maurice le 7 janvier pour une mission qui était gardée secrète. « Le Barracuda ti sorti pou al fer patrouy », s’est contenté de dire le SP Veerasamy.
Pendant trois jours, la NCG devait activement chercher de confirmer la présence de cette embarcation avant de l’intercepter à environ 150 milles nautiques d’Agalega. Dans un premier temps, le bateau fantôme a tenté de semer le CGS Barracuda avant de se résigner à laisser des commandos monter à bord. « Il n’y a eu aucun coup de feu tiré », a-t-on confirmé du côté du NCG. « Nous avons travaillé sur des Intelligence Gathering Information avant d’intercepter le bateau. Comme les personnes à bord n’avaient aucune pièce d’identité et n’arrivaient pas à expliquer leur présence dans nos eaux, notre équipe a pris possession de cette embarcation pour l’apporter à Port-Louis », poursuit le SP Veerasamy.
Les premières séances d’interrogatoire n’étaient nullement faciles en l’absence de tout document officiel au sujet de cette embarcation ou encore d’un Log. L’un des rares documents retrouvés est une Covid Vaccination Card émise par le Sindh Health Department du Pakistan. Dans un premier temps, les membres d’équipage s’étaient déclarés des ressortissants du Pakistan, notamment de la région de Baluchistan. Mais par la suite, ils devaient changer leur version pour se présenter comme des Iraniens, venat de la région de Chabahar.
L’autre indication fournie aux hommes de l’ASP Mangroo est qu’ils étaient en mer depuis une vingtaine de jours à la recherche d’une autre embarcation portée manquante en mer. Mais aucun des neuf hommes à bord n’a été en mesure de donner la moindre indication sur ce dernier bateau aussi bien que sur l’équipage. Les soupçons des autorités mauriciennes étaient encore plus éveillés vu que ces derniers jours, aucun appel de détresse n’a été enregistré dans cette région de l’océan Indien.
Mais ce qui est davantage plus intrigant est que malgré sa frêle nature, cette embarcation est équipée des dernières technologies en matière de navigation maritime. C’est ce qu’a confirmé la Boarding Team de la NCG en dressant le constat de la présence d’Advanced Communication and Navigation Equipment, dont l’Automatic Identification System (AIS) GPS, U/VHF Radio et toute une série de téléphones satellitaires et cellulaires.
Après la prise de contrôle de ce bateau-fantôme, notamment pour infraction à la clause 92 de la Convention des Droits de la Mer, le CGS Barracuda devait mettre cap sur Port-Louis, Ainsi, c’est vers 14h que le rafiot a été amarré au Quay D, hier, après que le CGS Barracuda l’a escorté pendant tout le parcours. Suivant les protocoles sanitaires, les neuf clandestins ont été soumis à des tests PCR dont les résultats étaient attendus durant la nuit d’hier. Si aucun membre n’est positif à la Covid-19, des policiers du NCG, des équipes du Central CID et de la CID du Port monteront à bord pour une inspection minutieuse du bateau.
À ce jour, à part ses équipements de navigation dernier cri, des filets de pêche et quelques poissons, les commandos n’ont pas trouvé grand-chose sur la plateforme. La fouille de la cale se déroulera dès que les officiers du ministère de la Santé auront donné le feu vert. Puis, les clandestins seront interrogés aux Casernes centrales où leurs explications sont attendues sur leur présence non loin d’Agalega. Quelques-uns de ces hommes s’expriment un peu en hindi/ourdou. Ils ne sont pas incarcérés dans l’immédiat, mais la police a déjà identifié un lieu pour les héberger. Le NCG a pris contact avec l’Apostolat de la Mer dès jeudi à cet effet.
En tout cas, les Casernes centrales comptent tirer au clair la présence suspecte de ce rafiot dans les eaux territoriales mauriciennes. « Il y a plusieurs choses suspectes concernant ce bateau comme le manque de documents et les membres d’équipage. Sans compter qu’il y a d’autres informations que je ne peux divulguer à ce stade. Il faut laisser l’enquête suivre son cours pour déterminer quel genre d’activités illégales ces personnes menaient », a déclaré le commandant Vipin Gupta. Les enquêteurs vont aussi étudier le système de navigation pour déterminer le dernier port de ce rafiot et l’itinéraire emprunté dans l’océan Indien.