Observations du rapport de Maurice — Pension : L’arrêt de la réévaluation des personnes handicapées réclamée

Désaccord du Committee for the Rights of Disabled Persons sur la suppression de la pension d’invalidité et sa substitution par la BRP

- Publicité -

Maurice sommée de ratifier sans délai, le protocole facultatif permettant aux personnes victimes de discrimination d’avoir recours individuellement auprès du CRDP

Deux semaines après l’examen du rapport soumis par l’État mauricien, le Committee for the Rights of Disabled Persons (CRDP) a soumis ses recommandations. Ce texte de 16 pages souligne les manquements dans les droits des personnes en situation de handicap à Maurice et propose des solutions. L’une des mesures contestées est la réévaluation des personnes handicapées par la Sécurité sociale, périodiquement pour pouvoir continuer à bénéficier de la pension d’invalidité. Pour le comité, il s’agit d’une contrainte imposée aux personnes vivant avec handicap qui n’a pas sa raison d’être.

Les experts du Comité des droits des personnes handicapées notent avant tout des points positifs, avec l’adoption de la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act 2024 et l’amendement à plusieurs lois, visant à prendre en considération les besoins des personnes handicapées. Toutefois, de nombreuses lacunes sont pointées du doigt et le comité fait une série de recommandations pour les corriger.
Ainsi, le CRDP relève une harmonisation incomplète entre les lois mauriciennes, incluant la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act 2024, avec le modèle basé sur les droits humains. En outre, le comité fait ressortir que l’aspect « denial of reasonable accomodation » n’est pas reconnu comme une discrimination dans la nouvelle loi. De même, le mécanisme pour des plaintes à des institutions comme l’Equal Opportunities Commission est peu accessible aux personnes avec handicap. Dans la foulée, le comité recommande également un amendement à la Constitution visant à reconnaître la discrimination fondée sur le handicap.

Une fois de plus, le comité réitère son désaccord sur l’approche médicale mise en place à Maurice pour déterminer si une personne est invalide ou pas.  Les aspects sociaux et relatifs aux droits humains ne sont pas pris en considération. De plus, relève le rapport du CRDP : « Persons with disabilities are required to appear periodically before the relevant authorities, including the Medical Board and National Pensions Officer, to be reassessed for eligibility of social protection, which may cause undue burden. »

Le comité recommande de réduire les contraintes imposées aux personnes handicapées pour une réévaluation afin de pouvoir continuer à bénéficier de la pension d’invalidité. Il est aussi suggéré d’adopter le modèle des droits humains pour les évaluations liées à l’invalidité, pour plus d’équité et d’inclusion. Le comité exprime son désaccord par rapport au fait que la pension d’invalidité est supprimée à 60 ans pour être remplacée par la Basic Retirement Pension.

Concernant les discriminations envers les femmes handicapées, le comité note l’absence de Gender Perspective dans les législations et politiques. Il est ainsi recommandé d’intégrer les droits des femmes et filles en situation de handicap à toutes les lois et stratégies liées au genre, en se basant sur le modèle des droits humains. Ces dernières doivent également être intégrées au National Women’s Council et au National Women’s Entrepreneur Council.
La réserve de Maurice sur les articles 9(2)(d), 9(2)(e) and 24(2)(b) est aussi déplorée. Le premier concerne l’accessibilité afin de permettre aux personnes en situation de handicap de vivre de manière indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie. Le comité note que la majorité des bâtiments publics demeurent inaccessibles aux personnes handicapées. Cela, en dépit des amendements aux Building Control (Accessibility and Gender Compliance in Buildings) Regulations de 2022.

D’autre part, il est question de l’absence d’information sur le niveau d’accessibilité atteint découlant du partenariat privé-public à travers l’île. Le comité indique que l’accessibilité est également liée à l’objectif de développement durable no 9, soit des infrastructures résilientes qui profitent à tous.

L’article 24 concerne l’éducation et les sections où Maurice a encore des réserves, qui sont liées à l’inclusion des enfants vivant avec un handicap dans le système primaire et secondaire. À ce jour, ils sont dans des écoles spécialisées ou des unités intégrées.
Le comité recommande la formation du personnel de l’Early Childhood Care and Education Authority (ECCEA) au regard des enfants en situation de handicap. Maurice est invitée à renforcer la Children’s Act 2020, pour reconnaître le droit à l’inclusion sociale, des enfants handicapés.

Harmonisation

Le comité propose une harmonisation des lois en fonction du modèle basé sur les droits humains et de retirer ses réserves sur les articles 9 et 24. Le pays est sommé de ratifier, sans délai, le protocole facultatif se rapportant à la Convention. Celui-ci permet à des personnes handicapées de l’État signataire de recourir individuellement au CRDP quand leurs droits sont lésés. Maurice a signé le protocole en septembre 2007, mais ne l’a toujours pas ratifié.

Par ailleurs, le rapport revient sur la nécessité pour l’État de consulter les organisations représentant les personnes handicapées pour toutes les législations et politiques, incluant l’Action Plan on Disability 2025-2030, annoncé par la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, lors de l’examen en comité.

Dans un contexte de changement climatique et de conditions extrêmes qui en découlent, le comité se dit très préoccupé par l’absence de mesures de protection à l’intention des personnes vivant avec un handicap. Le rapport relève: « noting the National Disaster Risk Reduction and Management Act 2016, the National Disaster Risk Reduction Management Centre and related systems and tools, the Committee is concerned about the absence of consideration of the rights of persons with disabilities in the Climate Change Act 2020 and the National Climate Change Adaptation Strategies and Action Plans. »

Le parallèle est établi avec la pandémie de Covid-19 où une attention « insuffisante » avait été accordée aux besoins des personnes handicapées pendant la Recovery Phase. L’absence d’un registre avec la localisation des personnes en situation de handicap, pour une intervention rapide en cas de catastrophe naturelle est également déplorée. Le comité recommande donc la mise en place d’un système permettant aux personnes handicapées – incluant ceux communiquant en langue des signes – d’avoir accès à l’information et à l’intervention rapide, en cas de catastrophes naturelles.

Au sujet de la liberté et de la sécurité de la personne, le comité condamne la pratique d’interner des personnes avec un handicap mental, incluant des enfants, sur une période prolongée. Ainsi va la recommandation du comité : « Amend the law and eradicate policies and practices that allow for the involuntary hospitalization and institutionalization of persons with disabilities, including children, on the basis of actual or perceived impairments, or their presumed dangerousness to themselves or to third parties. »

Pour ce qui est de la violence, de l’exploitation et des abus sur les personnes handicapées, le comité estime que les chiffres soumis par Maurice dans son Country Report, ne reflètent pas la réalité. De même, il est relevé que les Shelters restent inaccessibles aux personnes avec handicap victimes de violence. Le comité demande ainsi à l’État de mettre en place un système efficace pour collecter des informations sur les personnes handicapées victimes de violence, ainsi que des campagnes de sensibilisation. De même, il faut s’assurer à ce que les services, incluant les shelters, soient accessibles aux personnes avec handicap.

S’agissant de la liberté d’expression et d’opinion, ainsi que l’accès à l’information, le comité note avec regret que la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act 2024 ait fait abstraction de ce droit. Il est ainsi recommandé à l’État de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l’accès à l’information, incluant à travers la technologie, en adoptant les normes universelles. La reconnaissance de la langue de signe mauricienne comme une langue officielle dans la loi et la formation des interprètes est aussi recommandée.

Au chapitre de l’éducation, outre la réserve de Maurice concernant l’inclusion dans le primaire et le secondaire, le comité critique l’absence de données sur les enfants handicapés n’ayant pas accès à l’éducation. Maurice est aussi appelée à s’assurer que le matériel pédagogique soit adapté aux enfants, selon leurs handicaps respectifs.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -