Lors des consultations pré-budgétaires, l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’Ile Maurice (AHRIM), l’Association des Hôtels de Charme, l’Association des Agences de Locations Saisonnières plaident pour un nombre de sièges-avion plus conséquent de même qu’une multiplication de vols opérés par des compagnies aériennes. La question qui se pose est de savoir si cette problématique est le réel obstacle à la relance du tourisme ou s’il y en a d’autres. En tout cas, il est intéressant à plus d’un titre d’écouter les principaux protagonistes touristes, eux-mêmes, les Mauriciens et les employés du secteur touristique en vue de mieux cerner l’équation d’un million de touristes cette année pour assurer une croissance robuste.
D’emblée, le Mauricien Essac se demande si les opérateurs ont encore un peu de lucidité : « Lane pase ti ena zis 300 000, sa lane la pe dir 1 M. Pakone si zot finn tonb lor zot latet . Jacques est, lui, plus pointilleux et tente de démonter ce qui est présenté comme une ineptie. « C’est une utopie. Un million de touristes jusqu’à décembre c’est 125 000 touristes au cours de chacun des huit mois restants et plus de 4 000, soit 20 vols au moins, par jour, soit quasiment un atterrissage par heure. Faut pas rêver… », laisse-t-il entendre.
Poids indéniable
Par ailleurs, les reproches fusent sur le maintien des restrictions sanitaires. Contrairement à ce qui se passe dans le monde, leur extension à Maurice et l’obsession de la vaccination continue entraînent des commentaires négatifs de la part des potentiels visiteurs. Eva, Française d’origine ukrainienne, qui déclare avoir dû annuler sa prochaine visite en juin, est catégorique. « J’ai tout annulé. Je ne vais pas dans un pays où il faut porter des masques à la plage et dans les rues, les bars sont fermés et je ne peux pas manger à la plage. Votre gouvernement doit être stupide s’il pense que c’est la quantité de sièges dans les avions qui est le problème. Ce sont en fait des mesures Covid qui sont le problème » , écrit-elle en guise de commentaires.
Cette argumentation est soutenue par Guy qui habite le Cap en Afrique du Sud. « Je vous comprends et des milliers de gens comme vous vont ailleurs où c’est bien moins cher comme la Thaïlande, les Seychelles l’Égypte. Alors bye bye Maurice on n’est pas des pigeons. Malheureusement, mon fils est Mauricien alors nous n’avons pas le choix. Nous sommes obligés d’aller à Maurice qui maintenant est très triste : pas de pique-nique à la plage, pas de bars et discothèque, et le masque comme des guignols. Pauvres Mauriciens ».
Dans sa colère et déception, il va beaucoup plus loin : « Arrêter de rêver, l’île Maurice est maintenant assimilée à une république bananière . Les avions sont complets pour la Thaïlande, Dubaï, Seychelles et Maldives. Cherchez l’erreur. Ce gouvernement de misérables est en train de tuer la poule aux œufs d’or. Dommage pour le peuple mauricien. »
« Drop all restrictions… »
Laurent, un autre étranger vivant à Maurice, regrette que le gouvernement n’ait pas allégé d’un iota les mesures jusqu’à fin juin 2022 alors qu’ailleurs dans le monde touristique les obstacles sanitaires tombent une à une. « Certains touristes vaccinés ou non sont contraints de subir des tests antigéniques ou PCR. Si les tests sont positifs, ils se retrouvent en isolement pendant une semaine. Le calcul est vite fait quand vous avez dix jours de vacances… Le problème n’est pas d’augmenter le nombre de sièges mais de supprimer des mesures qui n’ont jamais fonctionné partout ailleurs ! » proteste-t-il.
Les Mauriciens pensent aussi que l’optimiste du gouvernement et des opérateurs est mitigé par les mesures sanitaires encore en place. Anildath explique : « Tan ki pou bisin met mask, pa pou ena boukou touris pou vini. An France et lezot pei, me ena Covid, fini enlev met mask. Aster si dimoune anvi met so mask li mete. Se kinn fini fer 3ème doz vaksin, ti kapav dire bann dimounn là, si li tousel li kapav pa met so mask. »
Rama propose de changer de direction : « Si l’objectif est de faire redémarrer l’économie, il est urgent d’abréger les contraintes sanitaires qui n’ont jamais prouvé leur efficacité !» Ce postulat est supporté par le Sud-Africain Greg, qui est on ne peut plus catégorique : « Drop all restrictions you will see more than 1million tourists arrive».
Le prix du billet d’avion
Mais il n’a pas que les restrictions sanitaires qui refroidissent les visiteurs. Le Mauricien Ricardo, qui vit à Bologne en Italie, dénonce le prix des billets d’avion : « Le prix du billet d’avion est vraiment trop cher. Moi dans le passé, j’ai fait Dublin/Rome ou Paris/Rome pour 50 euros, Ces vols durent entre 1h et 1h30, là pour 25 min de vol pour la Reunion, quel est le prix du billet ? Ne parlons pas des prix vers l’Europe. Il faut revoir la politique d’Air Mauritius en matière de prix ».
Martin, un anglophone travaillant à Maurice, pointe du doigt la dégradation de l’environnement : « First of all you have to clean the island to make sure visitors don’t fly back home disappointed». Et ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer la dégradation de l’environnement, de la sécurité des individus et de la dangerosité de la conduite sur les routes.
Vijay, Marie Anne, Kamal, Donovan, François, Abdullah, Bob, Frantzo et Mary, entre autres, sont unanimes que les autorités et les opérateurs ne peuvent dormir sur leurs lauriers. Certes, le nombre de vols et de sièges constitue un facteur limitant mais le plus important pour eux est que la destination Maurice retrouve ses lettres de noblesse.
« Maurice a perdu son âme, son sens de l’accueil s’est dénaturé. Some Mauritians in the tourism field have become opportunists who only think of taking advantage of the foreign visitors. Il faut que les autorités, les opérateurs, les prestataires mais aussi les Mauriciens se ressaisissent, car le pays a tant à offrir. Redevenez ce qui a fait votre force, accueillant et sans arrière-pensée », propose-t-on de façon quasi unanime.
Vivek a le dernier mot quand il affirme : “It can happen if all the stakeholders join hands and have a goal. Without goals you can reach nowhere. It’s as if you are driving a car with the handbrakes up. »
Face à la pénurie de main-d’oeuvre : De meilleurs salaires, le nerf de la guerre
Le président de l’AHRIM, Désiré Elliah, met en exergue le manque de personnel qualifié dans le secteur du tourisme comme « un inconvénient majeur ». Cette situation découle de la pandémie du Covid-19, contraignant de nombreux employés à chercher des débouchés sur des bateaux de croisière et à partir à l’étranger. D’où la nécessité d’inciter davantage de jeunes à rejoindre le secteur et de leur offrir une formation.
À cette affirmation , Vinay, en employé du secteur confirme que « lotel pena kantite staff pou travay et donn service » alors que son collègue, Viksen remet la situation en perspective : « dir pou amenn enn milyon touris Moris, mari top sa ! Me si li vre, ena enn mari problem parski lotel mem pena staff pou travay, parski tou in all lor bato à koz salaire pan revoir depi 2007 ».
Si les opérateurs du tourisme local mettent ce manque de personnel sur le compte du Covid-19 et des bateaux de croisière, pour les employés c’est une tout autre histoire. Ils ne passent pas par quatre chemins pour dire que « dimoune ki travay avek kontrakter gagn pli buku kas ki dimoune ki travay avec lotel ».
De son côté, Rishiraj conteste la thèse de la pénurie de la main-d’œuvre qualifiée mais affirme que les employeurs traitent leurs employés comme des moins que rien et que ceux-ci refusent de travailler pour l’hôtellerie locale.
Discorde
Pour sa part, Brinda pointe du doigt l’emploi des étrangers incapables de reproduire le sens de l’hospitalité mauricienne d’autant qu’ils ne parlent pas la langue locale.« Si paye kuma bizin, dimounn ti pou interesse travay», prévient Hossain.
Pour sa part, Arthee confirme que « Bizin oglant saler. Pa kapav enn Waiter pe gagn Rs 12,000 seulement, bizin donn Rs 18,000 baz ». Tristan et Al évoquent les disparités salariales : « zott pé oule nou vinn travay pou dipain diberr alors ki top managment ek expatrie gagn gro grosl saler pou travay ki Morisien kapav fer. ».
Enfin, Suzy évoque qu’une des raisons du refus de la main-d’œuvre d’intégrer les hôtels repose sur le fait « c’est le management non-qualifié qui fait fuir tous les employés qualifiés. » Et Corinne se demande si cette déclaration n’est finalement qu’un prétexte « pou amenn bangladais travay dans lotel, lerla paye zot 2 cash, après n tas pou vine dir ki Morisien paress ». À Nujjo le mot de la fin : « Government lamem pa kalifye pou roul pei…what do you expect !»