Les dirigeants syndicaux se disent pessimistes quant à la protection de l’emploi en raison de la prévalence des nouveaux variants du Covid-19 à Maurice et dans le monde. Ils souhaitent toujours que des dispositions des lois du travail qui ont été mises en veilleuse soient réactivées.
L’année 2022 ne sera pas de tout repos pour eux, car ils comptent militer contre le favoritisme dans les corps para-étatiques, pour l’instauration d’un mécanisme de contrôle des prix sur des articles de première nécessité ou encore la fermeture du Pay Research Bureau (PRB), la déceptiion 2021 pour le secteur public en général. La crainte est encore plus grande dans le secteur de l’hôtellerie en raison du variant Omicron qui sévit dans de nombreux pays européens, principal marché de cette filière économique. Les employés de ce secteur appréghendent que cette situation n’entraîne une diminution du nombre de touristes à Maurice en cette période de haute saison, gênant du même coup toute velléité de reprise. Un constat du monde syndical en ce début d’année
LOIS DU TRAVAIL
Atma Shanto (président de la FTU)
« Qu’on mette fin à la surexploitation des travailleurs ! »
« Je souhaite que l’année 2022 soit meilleure pour les travailleurs. Nous savons qu’il existe en ce moment une surexploitation des employés dans le secteur privé où l’on a imposé des conditions de travail inhumaines, illégales. La classe patronale s’intéresse tout simplement à remonter la pente du Covid-19. Il y a une détérioration des conditions d’emploi qui prévalent dans le secteur privé.
« Nous pensons dans ce contexte que le ministère du Travail doit revoir son rôle car il n’est pas normal que le ministère dispose d’informations que les lois du travail ne sont pas en train d’être appliquées et ne fasse rien. Le ministère du Travail est en train d’agir comme un bouledogue sans dents. Nous avons remarqué que depuis un certain temps, le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, a délaissé ce ministère. Deux conseillers roulent ce ministère.
« C’est pourquoi nous constatons de plus en plus que les employeurs se permettent de faire ce qu’ils veulent avec les travailleurs. Car les employeurs sont obsédés par la croissance, le profit et les dividendes. Ce qui fait qu’il ne reste pas grand-chose pour les travailleurs au final. Pour nous, l’année 2022 sera houleuse car le travail décent disparaît dans le pays. »
Clency Bibi (président de la GWF) :
« Pas de visibilité pour les travailleurs »
« La GWF souhaite ardemment que le ministère du Travail réintroduise les différentes sections de la Workers Rights Act qui ont été enlevées en raison du Covid-19. Ces sections sont des droits acquis pour les travailleurs. Aussi, avec la montée en flèche du coût de la vie, la GWF souhaite que le salaire minimum soit réajusté en fonction de la réalité économique du pays. Le gouvernement devrait aussi venir de l’avant avec des mesures contre des pertes d’emploi. C’est principalement sur ces trois sujets que la GWF va concentrer ses tirs cette année. Il n’y a pas de visibilité pour les travailleurs sur le futur. Tout ce que nous voyons en ce moment est que pe donn dan lamin drwat pe pran dan lamin goss. »
Reaz Chuttoo (président de la CTSP) :
« Une loi pour réglementer les caméras de surveillance »
« La CTSP continuera à militer en faveur de la nécessité de prôner le travail décent. Après dix ans de lutte, la CTSP a obtenu la Workers Rights Act et une version amendée de l’Employment Relations Act. À travers ces deux textes de loi, les travailleurs ont obtenu plus de dignité et de protection, mais en dépit de cela le patronat continue à explorer les faiblesses légales pour abuser des travailleurs.
« Aujourd’hui, le secteur privé se sert du Covid-19 comme prétexte pour venir de l’avant avec des mesures pour continuer à piétiner et surexploiter les travailleurs. Nous considérons que les travailleurs continuent à être exploités. La CTSP souligne qu’il n’est pas normal que des caméras de surveillance soient installées sur les sites de travail. Il faut introduire une loi pour réglementer l’utilisation des caméras de surveillance sur le site de travail.
« Je considère qu’il n’est pas normal que les travailleurs mauriciens aient droit à un contrat de travail renouvelable chaque mois alors que les travailleurs étrangers travaillent avec des contrats de travail d’un mois. Nous allons dénoncer les compagnies de construction pour ces pratiques illégales. Les travailleurs étrangers sont à la merci de leurs employeurs lorsque leur contrat de travail prend fin. Aucune loi n’indique qu’il faut continuer à leur offrir un toit. Il faut appliquer les Foreign Labour Regulations. »
PRIX
Haniff Peerun (président du MLC)
« Pour un contrôle des prix rigoureux »
« Le MLC a toujours œuvré en faveur des travailleurs et des consommateurs. À cet effet, cette centrale syndicale ne rate jamais une occasion pour évoquer la nécessité d’instaurer dans le pays un contrôle des prix rigoureux sur les produits essentiels. On se souvient que le gouvernement est venu avec l’idée de contrôler le prix de l’oignon et de la pomme de terre. Cette façon de faire du gouvernement vient donner raison au MLC. Cette centrale syndicale souhaite que le gouvernement procède au contrôle du prix des médicaments qui sont plus particulièrement utilisés par les personnes âgées. Figurez-vous qu’il y a même des médicaments qui coûtent Rs 3 500 pour les personnes âgées. Le gouvernement devrait exercer un contrôle sur ce type de médicament et sur les produits utilisés par les bébés.
» constate aussi que les subsides accordés aux importateurs de certains produits ne sont pas au bénéfice des consommateurs car les prix continuent à augmenter sur le marché local. À travers ces subsides, le gouvernement est en train de faire le jeu des importateurs tout simplement. Au fait, le MLC est en train de réclamer un Ombudsperson pour mieux agir en faveur des consommateurs.
« Nous avons constaté qu’il existe déjà des associations pour la protection des consommateurs. Mais nous avons impression qu’elles sont devenues des bouledogues sans dents, font des déclarations ici et là et organisent des manifestations cosmétiques. De plus, elles perçoivent de l’argent du gouvernement pour rester en activité. C’est pourquoi nous voulons un corps indépendant pour défendre vraiment l’intérêt des consommateurs. »
COVID-19
Ashok Subron (Rezistans ek Alternativ)
« Le fardeau du Covid-19 pour les travailleurs
et des milliards pour les patrons »
« La classe laborieuse ne peut à elle seule porter le fardeau du Covid-19 alors que le gros capital bénéficie des milliards des fonds publics. Je considère qu’en 2022, la classe ouvrière devrait devenir la plus grande force dans le pays. La classe laborieuse doit se rendre compte qu’elle est en train d’opérer en cette période de pandémie sans un Covid leave. La classe ouvrière doit se sentir concernée par le changement climatique qui l’affecte dans son travail. Elle doit se poser la question de savoir comment elle peut opérer à une température de 30 à 35 degrés, sans que son employeur ne se soucie de sa santé.
« Je pense qu’en 2022, la classe ouvrière doit être au centre de toute grande mobilisation dans le pays. Il ne faut oublier que la classe ouvrière est la plus grande force sociale dans le pays et nous allons maintenir la pression pour que les procédures menant à une grève soient simplifiées. »
HÔTELLERIE
Preetam Bhugloo (président de HREU)
« On ne voit pas la relance de sitôt dans l’hôtellerie »
« Il faut savoir que cette industrie n’a pas enregistré le nombre de touristes prévu en décembre dernier et le nombre de touristes continue à diminuer avec le variant Omicron qui sévit actuellement dans le monde. Cela a certes des répercussions sur nos revenus. Nous étions arrivés à une situation où les établissements hôteliers recommençaient à payer les heures supplémentaires aux membres du personnel, et maintenant les choses commencent à se passer différemment en raison de la fermeture des frontières. Il est clair qu’avec un tel scénario, il n’y aura pas de recrutement et le travail de dimanche ne pourra pas être payé.
« À notre niveau, nous allons continuer à nous battre pour maintenir les différents accords collectifs signés entre l’employeur et les employés. Les employeurs font tout actuellement pour diminuer les coûts d’opération. Une des mesures qu’ils ont prises en ce moment est le recours à un service de Catering pour les employés d’hôtel. Les hôtels ne préparent plus la nourriture pour leurs employés. À notre niveau, nous ne voyons pas la relance dans l’industrie touristique de sitôt. C’est un fait indéniable. »
FONCTION PUBLIQUE
Narendranath Gopee (président de la FCSOU)
« Fermez le PRB ! »
« Nous avons soumis une demande au Premier ministre, Pravind Jugnauth, pour fermer le Pay Research Bureau (PRB). Nous maintenons toujours cette demande car le gouvernement ne peut pas continuer à investir des millions dans cette institution qui est en train de créer beaucoup de frustrations parmi les fonctionnaires avec ses différents rapports. L’année 2022 sera encore une fois une année difficile. Que font maintenant les fonctionnaires du PRB ? Ils s’assoient après avoir publié le dernier rapport.
« Pour moi, le PRB n’a plus sa raison d’être. Il faut retourner à l’époque de 87 ou c’est un Salary Commissionner qui faisait des recommandations salariales. Aussi, nous allons militer cette année pour que le gouvernement revoie les règlements de la Public Service Commission pour que les décisions de cette institution soient plus transparentes. Nous allons réclamer la même chose pour la Disciplined Forces Commission Service Commission. Il faudra également que les différents ministères ouvrent les négociations avec les fédérations syndicales pour améliorer les relations industrielles. »
Radhakrishna Sadien (président de la SEF)
« L’année de la reconstruction »
« Ils sont tous orientés vers la correction des anomalies du dernier rapport du Pay Research Bureau (PRB). Nous allons aussi nous intéresser aux amendements qui seront bientôt apportés aux règlements de la Disciplined Forces Service Commission. Nous souhaitons ardemment en tout cas que ces deux institutions fonctionnent en toute transparence à l’avenir. Nous allons militer également pour l’introduction du Covid-leave.
« Le ministère de la Fonction publique doit aussi mettre en pratique le principe de négociation collective. L’année 2022 sera pour nous à la SEF une année de reconstruction. Tout s’est dégradé dans le pays, que ce soit les valeurs humaines ou institutionnelles. »
TRANSPORT
Raffick Bahadoor (président de la TPU)
« Pas de diktat pour le Welfare Fund »
« La contribution mensuelle de Rs 300 pour faire partie du Taxi Welfare Fund nous fait tiquer. C’est pourquoi pour le moment nous avons donné le mot d’ordre à nos membres de faire leur enregistrement sans pourtant payer la somme de Rs 300. Nous allons payer les Rs 300 si le conseil d’administration de ce fonds accepte notre liste de priorités dont la première est le décaissement d’une somme de Rs 200 000 à la famille de chaque taximan décédé.
« Nous n’allons pas accepter qu’on vienne inverser notre ordre de priorités car il faut savoir que les taximen obtiennent déjà des emprunts auprès des institutions bancaires. Nous apprécions l’idée que le gouvernement ait accepté de mettre en pratique l’idée de créer un Welfare Fund car très souvent les familles des taximen éprouvent de sérieuses difficultés financières pour des funérailles.
Alain Kistnen (secrétaire général de l’UBIW)
« Ajustement salarial nécessaire pour le transport en commun »
« Cette année, notre combat sera axé sur la nécessité de réviser les salaires et les conditions de travail des employés du transport en commun. Dans le rapport du Pay Research Bureau (PRB), un écart salarial conséquent a été noté au niveau des employés de la Corporation Nationale de Transport. Il existe deux catégories de travailleurs. Ceux qui sont couverts par le PRB et ceux qui sont couverts par le National Remuneration Board. L’accord collectif dans le secteur du transport en commun a pris fin en 2016. Cinq ans se sont écoulés et il n’y a toujours pas d’ajustement salarial pour les employés de l’industrie du transport. On ne peut pas continuer à vivre avec une allocation de Rs 2 000. »
CORPS PARAPUBLICS
Deepak Benydin (président de la FPBOU)
« À bas les nominés politiques »
« Il est temps qu’on mette un terme à cette politique visant à parachuter des proches du pouvoir à la tête des corps para-étatiques. C’est cette politique qui finit par appauvrir la qualité des services des organismes. C’est pourquoi cette fédération réclame la mise sur pied d’une Parastal Bodies Commission pour que tous les recrutements passent par cette institution. Je souhaite aussi que le gouvernement vienne de l’avant avec un Parastatal Bodies Appeal Tribunal pour les employés de ces corps para-étatiques qui se sentent lésés puissent soumettre leurs doléances à des fins de correction.
« Je dois aussi faire ressortir que les employés des corps para-étatiques se sentent parfois lésés dans leurs droits lorsqu’il s’agit d’avoir affaire à des nominés politiques qui se prennent parfois comme des King in their own kingdom. Les employés des corps para-étatiques ne sont pas traités sur un pied d’égalité lorsqu’il s’agit de formation. Certains doivent payer de leurs porches pour assister à des cours organisés par le Civil Service College alors que les fonctionnaires suivent ces cours gratuitement. Il est temps que les corps para-étatiques soit gérés dans la transparence pour éviter des cas de fraude et de corruption et le favoritisme. »
SÉCURITÉ
Ashraf Buxoo (GSEA Fire Fighter Cadre)
« Pour un Health and Safety Committee »
« Nous allons nous concentrer cette année sur la nécessité de l’administration d’octroyer des uniformes à temps à tous les sapeurs-pompiers. Notre métier est fondé sur la discipline. Cela requiert le port des uniformes. Je considère qu’il est inadmissible que des sapeurs-pompiers, qui ont intégré le service en 2019, n’aient toujours pas obtenu des uniformes en janvier 2022. Nous allons aussi insister sur la nécessité de mettre sur pied un Health and Safety Committee et nous allons réclamer le paiement du Time-Off Leave dans un délai de trois mois au lieu de six mois. »
ÉCONOMIE
Dewand Quedou (président du MTUC)
« L’année du décollage de l’économie »
« Le MTUC considère l’année 2022 comme une année de décollage de l’économie mauricienne et il y a beaucoup d’espoir que les activités reviennent à la normale. Le pays dispose également de suffisamment de vaccins pour l’ensemble de la population ainsi que de provisions pour les rappels.
« Air Mauritius subit des réformes structurelles et avec un nouveau leadership au sommet, le gouvernement a déjà injecté quelque Rs 12 milliards pour stimuler les activités de transport aérien. 2022 devrait également voir un réveil dans les activités de la construction, du tourisme, de l’agro-industrie ainsi que de la fabrication-textile. Le secteur informel revivra également côte à côte et les effets négatifs du Covid-19 seront minimisés, voire oubliés.
« Le gouvernement de l’actuel Premier ministre a fait de son mieux pour fournir des services de santé adéquats à la communauté. Mais la population a aussi répondu positivement à l’appel des autorités, sinon le résultat aurait pu être plus catastrophique. Le MTUC est également d’avis que Covid-19 a affecté le consommateur avec l’achat d’articles sanitaires qui doivent être utilisés quotidiennement, que ce soit au travail ou à la maison.
« Enfin, l’IBA (Amendement) Act est la cible de l’opposition depuis quelques mois. Nous vivons dans un pays démocratique où le citoyen pense qu’il a la liberté de faire ce qui lui plaît. Mais il doit comprendre que sa liberté ne peut en aucun cas troubler la liberté de son prochain. Les médias sociaux et audiovisuels jouent leur rôle d’information du public, mais ils ne doivent pas diffuser d’informations biaisées ou fausses. De telles choses risquent de ternir l’image du pays, et tout le monde en sera affecté.
« En fait, j’ai l’impression que le Premier ministre a toujours été silencieux et calme et répond rarement à toutes sortes d’attaques qu’il a subies de la part de ses adversaires. En revanche, le réseau social comme Facebook regorge de cas de harcèlements, de Fake News, de propos sectaires et racistes susceptibles de créer des troubles dans le pays. Je ne pense pas que le citoyen ordinaire aura peur de cette loi. Mais je ne pense pas que le gouvernement devrait utiliser certains paragraphes de cette loi pour cibler des opposants. »