Dimanche 26 juillet 2020. Week-End barre sa une avec le titre
« Le vraquier Wakashio sur les brisants de Pointe-d’Esny », qui est étayé par une photo, prise, la veille au soir, par des habitants du Sud-Est de l’île. Il s’agit d’un navire battant pavillon panaméen qui a fait naufrage au large de Pointe d’Esny aux alentours de 20 h 30. Ce “bulk carrier” en provenance de Singapour, transportait 3800 tonnes d’huile lourde, selon les premiers éléments d’informations recueillies vers 21 h sur le site de la Marine Traffic avant une confirmation officielle de la National Coast Guard (NCG) qui n’avait rien vu venir. Faisons un bref retour sur les faits entourant ce naufrage et les longues heures mouvementées qui s’en sont suivies autour du site… Rien ne laissait présager, à ce moment-là, la catastrophe écologique qui allait ébranler le pays quelques jours plus tard, provoquant l’indignation de tout un peuple qui a “rugi”si fort que sa colère a été ressentie dans le monde entier.
Il est environ 20 h 30 en ce 25 juillet 2020. La mer dans le Sud-Est reste forte à très forte au-delà des récifs, selon les prévisions météorologiques. Tout part d’une rumeur sur les réseaux sociaux après la publication de photos montrant un navire imposant immobilisé au large de Pointe d’Esny. Des habitants de ce village balnéaire, situé non loin du parc marin de Blue Bay, et des connaisseurs en la matière, en sont persuadés. « La position du vraquier ne laisse guère de place au doute. Il a fait naufrage sur les récifs ! » La police, la NCG, la Special Mobile Force (SMF) et le ministère de l’Environnement suivent la situation de près.
Peu avant 22 h, se fondant sur un premier bilan, la police confirme qu’il n’y avait aucun risque pour la sécurité de la vingtaine de membres d’équipage à bord du MV Wakashio et que jusqu’à ce moment précis, la situation était sous contrôle. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dès les petites heures du dimanche matin dans les villages de la côte Sud-Est. Généralement si paisible, la plage isolée de Pointe d’Esny se retrouve, du coup, sous les feux des projecteurs avec une foule de badauds en tout genre s’amassant sur le site où des écologistes, à l’image de Yan Hookoomsing d’Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL), se font un sang d’encre. « C’est clair que nous irons vers une catastrophe écologique si les 3800 tonnes métriques de fioul provoquent une marée noire », lance l’écologiste qui ne croyait pas si bien dire.
Le ministre de l’Environnement Kavy Ramano, présent sur les lieux, se veut rassurant : « La situation est sous contrôle. » La National Emergency Operations Command (NEOC) est activée, des plans de sauvetage sont élaborés au même moment par la NCG, selon les circonstances, même si la météo déconseille toute sortie en mer. A 21h, l’Oil Spill Response et des plongeurs de la NCG suivent la situation de près. Une barrière de 193 mètres est placée autour du parc marin de Blue Bay. Le lendemain matin, deux officiers du ministère de la Santé sont transportés à bord du MV Wakashio par l’hélicoptère de la police pour effectuer des tests PCR sur les 20 membres d’équipage. Entre-temps des bateaux de la NCG effectuent des patrouilles régulières aux alentours du vraquier pour confirmer qu’il n’y avait aucune fuite d’huile. La priorité des autorités mauriciennes est de remettre le bateau à flot, à ce stade.
Le 30 juillet, soit quatre jours après le naufrage, des habitants de Pointe d’Esny et des membres de l’ONG Eco-Sud se demandent si le pays est préparé pour contrer les menaces de pollution marine. « Il me semble que non », confie Sébastien Sauvage, porte-parole de l’ONG. « Où sont les barrages flottants pour barricader le navire et confiner la nappe de pétrole et protéger les zones sensibles ? », se demandent-ils. La veille, les membres d’Eco-Sud se sont heurtés à une fin de non-recevoir de la part des officiers des ministères de l’Environnement et de la Pêche dans une réunion à laquelle assistaient la Mauritius Wildlife Foundation et la NCG sur les risques de pollution en mer.
Les premières grandes manœuvres de l’opération de renflouage du MV Wakashio, sont enclenchées le samedi 1er août, soit une semaine après le naufrage. Un premier constat, visible à l’œil nu : le vraquier a changé d’angle depuis vendredi sous les effets des houles et des courants. Deux remorqueurs, équipés pour l’opération de sauvetage, le Standford Hawk et le VB Cartier venant de La Réunion, seront sur place dimanche. On connaît la suite de l’histoire…