Clap de fin pour les travaux de la Court of Investigation institués le 19 janvier 2021 pour faire la lumière sur les contours du naufrage du MV Wakashio survenu le 25 juillet 2020 au large de Pointe d’Esny. Le président de la cour, Abdurafeek Hamuth, et ses deux assesseurs, Jean Mario Geneviève et Johnny Lam Kai Leung, ne sont pas allés de main morte lors de la dernière séance, jeudi, en acculant les constables Jagurnath et Sujeebhun de la National Coast Guard (NCG) sur leurs témoignages contradictoires en se basant sur les relevés téléphoniques fournis par Mauritius Telecom (MT).
Le premier nommé, qui témoignait pour la troisième fois, a eu beau tenter d’expliquer qu’il avait pris et utilisé le téléphone de son épouse par inadvertance le jour du naufrage pour justifier les anomalies notées dans les relevés, sauf que ses arguments ont, au final, suscité l’incrédulité du panel. Si bien que l’ancien juge Hamuth lui a lancé : « This is another story you’re making up now… Each time, you’re coming with a different story ! »
Les deux derniers témoins officiaient comme radar operators au Coastal Surveillance Radar System (CSRS) de Pointe-du-Diable, le 25 juillet 2020. Le PC Jagurnath, qui avait pris la relève du PC Sujeebhun ce jour-là, a essuyé de vives critiques de la part du panel sur sa responsabilité dans le monitoring des navires. Confronté aux deux appels effectués depuis son téléphone mobile au poste de Pointe-du-Diable, il a semblé désorienté au moment d’épiloguer sur les incohérences notées dans les relevés et les entrées du Voyage Data Recorder (VDR).
« Le jour du drame, j’avais oublié mon téléphone chez moi et pris par erreur celui de mon épouse », a fait ressortir le PC Jagurnath en réponse à l’assesseur Geneviève qui lui a fait remarquer que « nous avons la preuve qu’il n’y a eu aucun appel effectué de votre téléphone à Pointe-du-Diable. »
Le PC Jagurnath a soutenu que « les deux appels que j’ai mentionnés dans mes déclarations provenaient du mobile de mon épouse. » Sauf qu’en passant en revue les précédents témoignages du constable, le président Hamuth l’a interrompu pour lui faire remarquer que c’était la première fois qu’il venait avec cette version. « Vous inventez une histoire à dormir debout pour vous tirer d’affaire », rétorqua l’ancien juge, qui a enchaîné sur les entrées consignées sur le VDR : « Les entrées sont assez incohérentes avec la chronologie des événements. » Le PC Jagurnath a répondu que « je ne savais pas que le navire s’approchait des côtes, car le radar montrait que le le navire était underway. » À noter que le PC Jagurnath s’est fait rabrouer à maintes reprises par le panel pour avoir haussé le ton dans ses explications.
« Pourquoi ne pas avoir informé votre chef ? »
L’autre témoin, le PC Sujeebhun, qui en était à sa deuxième audition, a soutenu qu’il suivait bien le radar le jour du naufrage. Lors de sa première comparution, il avait dit avoir vu un navire à sept milles nautiques. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, il a affirmé, jeudi, ne pas se souvenir de ce qui s’est vraiment passé à ce moment-là. L’assesseur Geneviève lui a alors demandé s’il se souvenait à quelle heure il a appris que le navire faisait naufrage. Ce à quoi le témoin a répondu que « ce n’est que vers 20h30 ou 20h40 que l’Ops Room m’a informé du naufrage. »
Réplique cinglante de Jean Mario Geneviève : « Vous étiez devant votre écran et vous n’avez pas vu venir le navire qui s’approchait dangereusement des côtes ? Le navire fait naufrage à 19h30 et rien encore ? Pourquoi ne pas avoir informé votre chef, le sergent Boodhoo ? » Visiblement décontenancé, le témoin devait répondre que « si, mais les occupants du navire ne m’ont jamais appelé pour m’informer qu’ils étaient en difficulté. On a essayé d’établir la communication, mais on n’a pu le faire. Je n’ai pas informé le sergent, car j’ai cru qu’il fallait que j’informe uniquement l’Ops Room. »