À la Tour Koenig, près du poste de police, une scène désolante s’offre à nos yeux, celle d’une famille vivotant sous un prélart autour d’un amas de choses en tout genre. Débris de céramiques et morceaux de bois jonchent le sol rocailleux du terrain vague où la famille de Lutchmee Devi Sahadeo, 49 ans, a élu domicile depuis déjà 26 jours. Mise à la porte par le fils de sa propriétaire décédée, cette famille aux revenus modestes n’a eu d’autre choix que de vivre dans cet abri de fortune.
En bordure de route, avec quatre meubles faisant office de murs, et recouverts d’un prélart, cet abri de fortune sert de maison depuis le 1er septembre 2011 à Lutchmee Devi Sahadeo, 49 ans, son fils Rishi, 18 ans, sa fille de 8 ans, Simi ainsi que sa nièce de 32 ans, Taneswaree Gangadoo, et ses trois enfants Disand, 9 ans, Nitisha, 6 ans et Adush, deux ans et demi. On a peine à croire que sept personnes puissent vivre dans un espace aussi exigu. Deux armoires, un meuble de rangement, deux lits simples, deux fauteuils et une table en rotin, deux plaques de cuisson à gaz, quelques ustensiles et vêtements, … voilà les seuls biens de cette famille désormais à la rue.
Veuve depuis bientôt quatre ans, Lutchmee Devi Sahadeo vient habiter à la Tour Koenig en 2006, suite à un incendie qui a détruit la maison qu’elle louait à Débarcadère, Pointe-aux-Sables. Elle paye alors un loyer mensuel de Rs 2 000 et Rs 250 pour les dépenses en eau et électricité. Elle aide aussi la propriétaire qui vit dans une maison à côté, en lui donnant le bain et en s’occupant d’elle. Le 4 janvier de cette année, sa nièce ainsi que ses trois enfants, viennent s’installer avec elle, après avoir été mis à la porte par sa mère. Quelque temps plus tard, la propriétaire, alitée depuis un certain temps déjà, décède. Commence alors le calvaire de cette famille.
Au début de février, le nouveau propriétaire augmente les frais de l’eau et de l’électricité à Rs 800. Lutchmee Devi Sahadeo demande alors à voir les factures mais n’obtient qu’un non catégorique en guise de réponse. N’ayant aucune alternative et en l’absence de contrat de location, elle accepte de payer la somme réclamée à la fin du mois comme habituellement convenu. Le propriétaire devait toutefois lui couper l’eau et l’électricité le 10 février. Le 18 mai et le 1er juin, le propriétaire l’a traduite en cour où le magistrat lui somme de quitter les lieux jusqu’au 31 juillet au plus tard. Cependant, faute de moyens, elle y restera jusqu’à son expulsion le 1er septembre. « Se pa ki pena lacaz pou loue me zot tou cout ser, mwa mo gayn Rs 5 400 ek mo saler cleaner ek Rs 2 834 pension vev, couma mo pou fer pou nouri mo fami ? »
Lutchmee Devi Sahadeo confie que durant les deux premières nuits, ils ont dormi à la belle étoile et que c’est son neveu, qui est aussi le frère de Taneswaree Gangadoo, qui a construit cet abri. Ce dernier et son épouse viennent passer la nuit avec eux sous le prélart pour ne pas les laisser seuls. « ban zenfan dormi lor lili, nou a soir, nou tir la tab ek sez et nou met matela enba nou dormi », explique Lutchmee Devi Sahadeo. Taneswaree Gangadoo, femme de ménage de 32 ans, séparée du père de ses enfants, témoigne de cette situation invivable, « kan lapli tombe, nou pa kapav dormi, nou met tou zenfan dan enn coin, nou nou res asize enn lanuit e nou taptap lor prélar-la ar enn baton pou pa ki li effondre ».
Lutchmee Devi Sahadeo loue ce prélart à Rs 250 la semaine. Elle avoue toutefois avoir du mal à fermer les yeux, ne se sentant pas en sécurité. Une nuit, alors que son fils de 18 ans travaillait comme gardien de nuit et que les deux femmes se sont retrouvées seules avec leurs enfants, des gens sont venus mettre le feu sur le lopin de terre se trouvant à côté du prélart, « s’ils l’avaient allumé de l’autre côté, le prélart aurait pris feu », confient-elles toujours sous le choc du drame qui aurait pu se produire.
Taneswaree Gangadoo, reniée par sa mère et délaissée par son époux, avoue avoir déjà pensé au suicide mais affirme tenir le coup grâce à ses enfants. Toutefois avec une note de désespoir dans la voix, elle se demande, « comie letan pou kapav viv coumsa ». Ces deux mères de famille qui se battent pour le bien-être de leurs enfants, se disent désemparées devant l’ampleur de la situation, « bann zenfan asiz dehor pou fer zot devoir, bizin alim tors pou fer zot aprann (…) Distraksyon ? zot galoup galoupe sa em zott distraksyon ». Lutchmee Devi Sahadeo confie que « ena foi pou ki zenfan kav manze nou pa manze, nou boir dite pir nou dormi ». Cette dernière raconte que depuis qu’elle s’est retrouvée dans cette situation, aucun proche ne lui a rendu visite. Son père, ses frères et soeurs ne la côtoient pas car elle est pauvre. « Kan ou dan bez pena personn, se kan ou gayn loto, lerla ki fami konn ou » avance-t-elle.
Les deux femmes déplorent le peu de réactions des policiers qui « pass tou le zour mais ki pann vinn guete si nou ena kik problem ». Ce n’est qu’après avoir été interrogé par Le Mauricien que les policiers, bien que le Community Policy ait été mis en place, ont rendu visite à cette famille durant le week-end. Cette dernière ayant demeuré dans l’indifférence des autorités pendant 23 jours.
Par ailleurs, contactée par le Mauricien pour réagir à cette situation, la député de cette circonscription Arianne Navarre-Marie affirme ne pas être au courant du cas de la famille Sahadeo. « J’ai pris note et je vais voir ce qui peut être fait pour cette famille », a-t-elle déclaré. Du côté de la National Empowerment Foundation (NEF), on attend l’aval du ministère du Logement et des terres pour aller de l’avant avec la construction d’une maison pour cette famille.
MISE À LA PORTE: Le calvaire d’une famille
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