Pendant cinq ans, l’archevêque Ian Ernest a été directeur du Centre anglican de Rome (ACR) et représentant personnel de l’archevêque de Canterbury auprès du Saint-Siège. Alors qu’il prend sa retraite ce mois-ci, il s’est confié au Bureau de la Communion anglicane à Rome sur son expérience. Le-Mauricien reproduit cette interview avec l’aimable permission de l’ACNS (Anglican Communion News Service).
Qu’est-ce que cela a représenté pour vous de servir au Centre anglican de Rome ?
Jamais, je n’aurais pensé servir la cause de l’unité chrétienne au cœur de l’Église catholique romaine, en tant que représentant personnel de l’archevêque de Canterbury et directeur d’une institution œcuménique unique, fondée à la suite du Concile Vatican II en 1966.
J’ai perçu cette responsabilité comme un appel de Dieu, une invitation à être un instrument de grâce. Cet appel m’a poussé à chercher, avec humilité et amour, des moyens d’exprimer la qualité des relations entre nos deux Communions. C’était aussi une invitation à établir des liens d’amitié qui nous permettent de partager la richesse de notre foi en Christ, au-delà des différences.
Comment le Centre anglican favorise-t-il les relations et amitiés œcuméniques ?
Le Centre anglican de Rome a gagné en visibilité et est désormais reconnu comme un lieu d’hospitalité ouvert à tous, quelles que soient les confessions et origines religieuses. Créer des opportunités de rencontres amicales est au cœur de notre mission. Cela aide à développer une vision commune répondant aux impératifs de l’Évangile, en s’attaquant aux structures injustes qui divisent les gens et marginalisent les plus vulnérables. Pour que l’Église soit un vrai témoin du Christ, elle doit être unie.
Comment une visite à Rome peut-elle renforcer la foi ?
À Rome, l’accent est mis sur la primauté de Saint Pierre, mais Saint Paul y a aussi prêché, enseigné et donné sa vie pour l’Évangile. Il incarne le zèle missionnaire que l’Église doit avoir. Le Centre organise un pèlerinage permettant de visiter des sites liés à la vie de ces deux apôtres, offrant une perspective sur la mission de l’Église.
Quels ont été les fruits des amitiés œcuméniques que vous avez cultivées ?
Les relations amicales permettent à l’Église de collaborer sur des enjeux globaux. Par exemple, en préparation de la COP26 en Écosse, le Centre a organisé une conférence en ligne sur l’environnement, impliquant l’Anglican Alliance, la Communion anglicane à l’ONU, Mothers’ Union et le Dicastère pour le Développement humain intégral. Le pape, l’archevêque de Canterbury et le président des Seychelles y ont tous pris la parole.
Nous avons aussi invité des dignitaires, comme le secrétaire d’État, à visiter ou prêcher au Centre lors de l’eucharistie. Le Centre soutient également des groupes de prière chrétiens, notamment un groupe méthodiste qui se réunit chaque jeudi.
Comment l’ACR a-t-il renforcé les relations anglicanes et catholiques ?
Les relations œcuméniques se construisent par le dialogue et reposent sur une confiance mutuelle. Depuis Vatican II, le Centre anglican de Rome a joué un rôle clé dans ces relations. Des dialogues comme la Commission internationale anglicane-romaine (ARCIC) ou la Commission interanglicane-romaine pour l’Unité et la Mission (IARCCUM) ont créé une atmosphère d’écoute et d’appréciation mutuelle, où chaque tradition est reconnue.
Vous avez aidé à organiser le pèlerinage pour la paix au Soudan du Sud en juin 2024. Qu’est-ce qui vous a marqué ?
C’était une visite importante, car elle a réuni trois grands leaders religieux – le pape, l’archevêque de Canterbury et le modérateur de l’Église presbytérienne d’Écosse – pour œuvrer ensemble à la paix dans une région marquée par la guerre.
Ce type d’engagement œcuménique aurait été inimaginable il y a 75 ans. Ensemble, ils ont marché, prié et exprimé la paix. Cela m’a rappelé Christ en Galilée, auprès des marginalisés. C’est l’image que l’Église doit viser.
Que signifie pour vous la Semaine de prière pour l’unité chrétienne ?
Au Centre anglican de Rome, nous organisons une veillée œcuménique et participons à des célébrations à Rome, notamment les vêpres du 25 janvier, jour de la conversion de Saint Paul. À cette occasion, je marche aux côtés du pape et du patriarche de Constantinople pour prier ensemble sur le tombeau de Saint Paul. En tant que représentant anglican, je lis un psaume en italien.
Que retenez-vous de l’accueil de la réunion des Primats en 2024 ?
Le Centre a accueilli la réunion des Primats anglicans en 2024, marquée par une audience avec le pape François. Ce fut une première historique et une occasion unique d’enrichir les leaders anglicans en les exposant à différentes expériences religieuses. Ensemble, ils ont prié, travaillé et cheminé pour le Royaume de Dieu.
Quels sont vos espoirs pour les jeunes et l’œcuménisme ?
Durant mon ministère, des jeunes ont participé à la Journée mondiale de la jeunesse à Lisbonne avec l’archevêque d’York, le Chemin Neuf et d’autres groupes chrétiens. Les jeunes qui visitent le Centre cherchent souvent à être rafraîchis dans leur foi. Une étudiante allemande m’a confié que la vie spirituelle peut être oppressante, mais qu’elle trouve au Centre un espace de respect et de renouveau.
Je pense que le dialogue œcuménique ne doit pas se limiter à la hiérarchie ou au monde académique. Il doit descendre jusqu’aux chrétiens ordinaires, pour qu’ils deviennent eux-mêmes des instruments d’hospitalité.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Un prêtre ne prend jamais vraiment sa retraite. L’espérance n’est pas un rêve, mais un objectif pour lequel il faut travailler. Je veux rester ouvert à la volonté de Dieu. Je n’aurais jamais imaginé être à Rome, et maintenant je retourne à Maurice. Mon souhait est de partager ce que j’ai appris durant mes 45 ans de ministère.
Un mot pour votre successeur, le Right Reverend Anthony Ball ?
Je lui assure mes prières et mon soutien. Il arrive avec ses propres dons et talents. Je suis convaincu qu’il valorisera et enrichira l’héritage de ses prédécesseurs tout en apportant sa vision. Je prie pour qu’il accélère la réalisation de la mission établie en 1966.
Légende photo 2 : L’archevêque Ian Ernest (ancien directeur du Centre anglican de Rome) s’entretient avec les évêques sur l’histoire et le travail du centre lors du sommet œcuménique « Grandir ensemble » à Rome (Avec l’interview)
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L’archevêque d’York : « Un privilège de marquer la fin du remarquable service de l’archevêque Ian »
Pendant la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’archevêque d’York, le très révérend Stephen Cottrell, a participé aux services œcuméniques du vendredi 24à la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, à Rome. L’occasion a également marqué l’adieu du très révérend Ian Ernest, qui a mis un terme à son rôle de directeur du Centre anglican de Rome.
Le service d’adieu a eu lieu lors d’une célébration des premières vêpres à l’occasion de la solennité de la conversion de saint Paul. Les premières vêpres ont été présidées par l’abbé, le très révérend Donato Ogliari OSB. Elles précèdent les secondes vêpres qui ont eu lieu avec le pape François le 25.
En réfléchissant sur le service, l’archevêque Stephen a déclaré : « Ce fut une joie de revenir au Centre anglican de Rome et un privilège de marquer la fin du remarquable service de l’archevêque Ian. L’archevêque Ian a été un défenseur inspirant de l’unité chrétienne, démontrant un profond engagement à construire des ponts entre les confessions. Mettre fin à son mandat par un service œcuménique pendant la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens était un hommage approprié. Le Centre anglican est un exemple d’engagement vivant en faveur de l’unité pleine et visible de l’Église, favorisant le dialogue par le culte, l’hospitalité et l’éducation. En travaillant en collaboration avec tous les chrétiens, il continue de renforcer le lien entre l’Église anglicane et le Saint-Siège. »
Quant au directeur du Centre anglican de Rome, l’archevêque Ian Ernest, il a déclaré : « nous avons tous des responsabilités, que ce soit un médecin qui guérit, un enseignant qui guide ou un parent qui élève. La tâche peut sembler lourde, mais lorsque nous permettons à la grâce de Dieu de couler à travers nous, Il nous guidera. Tout ce que j’ai fait pour favoriser le lien entre l’Église catholique romaine et la Communion anglicane a été rendu possible par Sa grâce. »
Et en parlant de ce qui vient ensuite, il a souligné : « je souhaite m’accorder un peu de temps de repos et quelques moments de réflexion sur ma vie et les différents appels que j’ai reçus de Dieu. Ces moments ancrés dans la prière m’aideront sûrement à discerner la voie à suivre. »
Légende Photo 1 : L’archevêque d’York avec le très révérend Ian Ernest tenant la Croix de Canterbury. Photo prise lors de la visite de l’archevêque d’York à Rome en mai 2023 ( avec le texte