Maurice – Enquête de Statistics Mauritius : Baisse du taux de pauvreté en 2023…

… mais des inégalités persistent

L’enquête budgétaire des ménages réalisée en 2023 par Statistics Mauritius met en lumière une diminution du taux de pauvreté relative dans le pays, bien que certaines catégories de la population restent particulièrement vulnérables. Si les chiffres témoignent d’une amélioration par rapport aux années précédentes, des inégalités structurelles demeurent préoccupantes.

Un recul de la pauvreté relative

En 2023, le seuil de pauvreté relative (fixé à la moitié du revenu médian mensuel par adulte équivalent) était de Rs 12 378 pour un ménage composé d’un adulte seul et de Rs 29 200 pour un ménage de deux adultes avec deux enfants. Selon ces critères, 7,3 % des ménages et 8,4 % de la population vivaient sous ce seuil de pauvreté. Une amélioration notable par rapport à 2017, où ces taux étaient respectivement de 9,6 % et 10,4 %.

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En chiffres absolus, 29 800 ménages et 101 900 personnes étaient considérés en situation de pauvreté relative. L’étude indique que la pauvreté touche de manière disproportionnée les enfants et les familles nombreuses.

Les populations les plus touchées

Les enfants de moins de 16 ans sont les plus vulnérables, avec un taux de pauvreté de 15,7 %, soit près du double du taux général. En revanche, les personnes âgées de plus de 60 ans sont les moins exposées, avec un taux de pauvreté de 3,1 %. Cela s’explique en grande partie par la pension universelle de retraite versée par l’État.

Certaines catégories de ménages sont également plus touchées :

  • Les familles avec trois enfants ou plus : 28,9 % vivent sous le seuil de pauvreté.
  • Les ménages dirigés par une personne divorcée ou séparée : 14,8 % sont en situation de précarité.
  • Les familles monoparentales : 12,6 % des ménages avec un seul parent et des enfants non mariés sont en pauvreté.
  • Les ménages de plus de cinq personnes : 11,2 % sont considérés comme pauvres.
  • Les femmes chefs de ménage : 9,9 % des ménages dirigés par des femmes vivent sous le seuil de pauvreté.

Un écart de revenus frappant

Les inégalités économiques restent marquées. En moyenne, un ménage pauvre disposait d’un revenu mensuel de Rs 22 200, soit sept fois moins que les Rs 157 500 perçus par les 10 % des ménages les plus riches. L’écart est également frappant en matière de consommation : un ménage pauvre dépensait Rs 17 700 par mois, contre Rs 76 200 pour les ménages les plus aisés.

Les ménages pauvres consacrent l’essentiel de leurs dépenses aux besoins de base :

  • 40,9 % de leurs revenus sont alloués à l’alimentation et aux boissons non alcoolisées.
  • 11,7 % aux dépenses de logement, d’électricité, d’eau et de gaz.
  • 9,6 % aux télécommunications.
  • 7,6 % au transport.

À l’inverse, les ménages à hauts revenus dépensent une part plus importante sur le transport (26,9 %), les assurances et services financiers (8,9 %) et les équipements de maison (6,9 %).

Endettement et conditions de vie

En 2023, 32 % des ménages pauvres étaient endettés, et consacraient en moyenne 14,3 % de leur revenu au remboursement de leurs dettes (environ Rs 3 000 par mois). Par comparaison, les ménages les plus riches dépensaient Rs 27 600 pour rembourser leurs crédits, soit 19 % de leur revenu.

En termes de logement, 85,4 % des ménages pauvres sont propriétaires de leur maison ou bénéficient d’un logement gratuit, souvent mis à disposition par des proches. Toutefois, 20,4 % des ménages pauvres habitent dans des maisons qui ne sont pas entièrement en béton, contre seulement 0,4 % des ménages aisés.

L’accès aux biens durables s’est amélioré, mais reste limité. Près de 94,8 % des ménages pauvres possèdent une télévision et 92,5 % un réfrigérateur, mais seuls 15,3 % ont un ordinateur et 9,7 % un climatiseur.

L’impact des aides gouvernementales

L’étude révèle que sans les interventions de l’État sous forme de pensions, d’aides sociales et de services gratuits (éducation, santé, transport), le taux de pauvreté aurait atteint 36,4 % en 2023.

Les prestations sociales ont joué un rôle majeur dans la réduction de la pauvreté :

  • Sans les aides sociales, le taux de pauvreté aurait été de 26,3 %.
  • Sans les services gratuits d’éducation, de santé et de transport, il aurait été de 16,1 %.
  • Sans la gratuité de l’éducation seule, le taux de pauvreté aurait été de 12,8 %.
  • Sans les soins de santé gratuits, il aurait atteint 10,1 %.

L’effet de la pension universelle est particulièrement visible chez les personnes âgées : sans cette aide, le taux de pauvreté des plus de 60 ans aurait été multiplié par 15, atteignant 46 %.

Une tendance à l’amélioration, mais des défis persistent

Sur le long terme, les tendances montrent une amélioration de la situation. Depuis 1996/97, le taux de pauvreté a reculé, passant de 8,7 % à 7,3 % pour les ménages et de 8,2 % à 8,4 % pour les personnes. Cependant, l’écart entre les revenus des plus riches et des plus pauvres reste préoccupant, tout comme la précarité persistante des enfants et des familles monoparentales.

L’étude met également en évidence la nécessité de poursuivre les politiques de soutien aux plus vulnérables, notamment via la formation et l’emploi, pour briser le cycle de la pauvreté intergénérationnelle.

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Quelles perspectives politiques pour réduire la pauvreté à Maurice ?

L’étude de Statistics Mauritius sur la pauvreté en 2023 révèle des améliorations notables, mais elle met également en lumière des inégalités persistantes qui nécessitent une réponse politique renforcée. Plusieurs enjeux stratégiques émergent pour les décideurs :

1. Réduire la précarité des enfants et des familles nombreuses

Avec 15,7 % des enfants vivant sous le seuil de pauvreté, Maurice fait face à un défi majeur en matière d’égalité des chances. Une politique de soutien renforcé aux familles avec enfants, notamment via des allocations familiales ajustées au coût de la vie, un accès facilité aux crèches et aux cantines scolaires gratuites, pourrait contribuer à briser le cycle intergénérationnel de la pauvreté.

2. Mieux intégrer les femmes dans l’économie

Les ménages dirigés par des femmes affichent un taux de pauvreté de 9,9 %, supérieur à la moyenne nationale. L’accent pourrait être mis sur le développement de l’entrepreneuriat féminin et l’élargissement des horaires des services de garde d’enfants, permettant à davantage de femmes d’accéder à l’emploi ou de développer une activité économique.

3. Lutter contre la précarité des travailleurs pauvres

Le rapport met en évidence la présence de travailleurs pauvres (5 % des actifs), souvent engagés dans des emplois peu qualifiés et mal rémunérés. Une révision du salaire minimum, couplée à une politique de formation et de requalification professionnelle, pourrait améliorer leur situation et favoriser la mobilité sociale.

4. Renforcer les politiques de logement social

Si 85,4 % des ménages pauvres sont propriétaires ou bénéficient d’un logement gratuit, 20,4 % vivent dans des habitations précaires. Un programme national de rénovation des logements sociaux, combiné à des crédits bonifiés pour la rénovation, pourrait améliorer leurs conditions de vie.

5. Mieux cibler les aides sociales pour éviter les effets de dépendance

L’étude révèle que sans les aides gouvernementales, le taux de pauvreté aurait explosé à 36,4 %. Si ces aides sont cruciales, elles doivent être complétées par des dispositifs favorisant l’insertion économique. Un meilleur ciblage des allocations, conditionnées à des formations ou à un accompagnement vers l’emploi, pourrait renforcer l’impact des transferts sociaux.

6. Faire évoluer le modèle de développement économique

Avec une concentration des richesses dans les mains des 10 % des ménages les plus riches, les politiques publiques devront favoriser un partage plus équitable de la croissance. L’adoption d’une fiscalité plus progressive, combinée à une taxation accrue des revenus du capital et des grandes fortunes, pourrait renforcer les ressources de l’État pour financer les programmes sociaux.

Un choix politique incontournable

Les chiffres de la pauvreté ne sont pas seulement une statistique : ils sont un miroir des inégalités d’une société. Si Maurice veut atteindre une croissance plus inclusive, des réformes structurelles s’imposent. La question pour l’avenir n’est pas seulement de savoir combien d’argent l’État doit injecter dans les aides, mais comment construire une économie plus juste et durable, où chaque citoyen a une chance réelle d’améliorer son niveau de vie.

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