Martin Seychell : « Maurice bien placée pour les investissements dans le secteur pharmaceutique »

Martin Seychell, directeur général adjoint responsable des partenariats internationaux à la Commission européenne, est à Maurice depuis jeudi dans le but d’avoir une série de consultations en marge de de la publication de la stratégie de développement sur les secteurs pharmaceutiques et de la biotechnologie, préparée par Africa RISE avec l’assistance financière de la Commission européenne. Il a animé un séminaire vendredi tandis que d’autres réunions sont prévues avec la Mauritius Institute of Biotechnology.
Martin Seychell est diplômé en chimie et en technologie pharmaceutique, et s’est spécialisé dans l’analyse chimique. Il a occupé des postes importants au sein de plusieurs commissions gouvernementales à Malte, notamment la commission de la sécurité alimentaire et le conseil des pesticides. Il a aussi été responsable de la mise en œuvre d’un certain nombre de directives de l’Union européenne (UE) dans les domaines de l’évaluation des risques, de la sécurité alimentaire, des produits chimiques et de la législation sur les produits cosmétiques. Il a également participé activement aux négociations sur des propositions techniques majeures, telles que la nouvelle législation sur les produits chimiques, REACH, et aux processus de dépistage dans les domaines de la libre circulation des marchandises, de l’environnement et de l’agriculture pendant le processus menant à l’adhésion de Malte à l’UE. Avant d’occuper ses fonctions comme responsable de partenariats internationaux, il était directeur adjoint pour la santé à la Commission européenne.

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Dans quel contexte s’inscrit votre visite à Maurice ?
La santé a toujours été un domaine dans lequel nous avons fait beaucoup de travail dans le monde durant des années. Cependant, durant la pandémie, nous avons tiré une série de leçons, que nous continuons à digérer. Une des leçons les plus importantes que nous avons tirées est le déséquilibre dans la manufacture des médicaments à travers le monde. Il ressort que la région du Sud, en particulier en Afrique et en Amérique latine, est très dépendante des autres pays du monde concernant l’approvisionnement en médicaments. Cela a été le cas pour le vaccin également.
Cela représente un problème pour tout le monde, et certainement pour les pays concernés. Par exemple, l’Afrique importe 99% des vaccins et 92% de médicaments dont le continent en a besoin sur une base quotidienne. Cela veut dire qu’il n’y a pas uniquement un déséquilibre commercial, mais que le continent africain doit avoir recours à des technologies et des médicaments qui ne correspondent pas aux besoins des pays africains, que ce soit en termes de caractéristiques ou de prix. Les technologies existent, mais ne sont pas déployées en Afrique.
Alors que la pandémie a fait près d’un million de victimes en Europe, notre gestion de la pandémie s’est compliquée, sachant que nos partenaires à travers le monde n’étaient pas en mesure de traiter leurs propres problèmes. Nous aurions été dans une meilleure position s’il y avait ce qu’on appelle une autonomie stratégique. Cela ne veut pas dire que les pays doivent produire tous leurs besoins en médicaments, mais il s’agit d’éviter une dépendance extrême sur les autres.
L’UE a, dans le cadre de ses stratégies concernant les grandes transformations en cours dans le monde, consacré une place importante à la santé. Un milliard d’euros a déjà été investi. Il s’agit de travailler avec les pays africains afin de répondre à l’appel lancé par l’Union africaine, qui a créé un objectif ambitieux que nous soutenons et qui consiste à produire 60% des besoins en vaccins en 2040, contre 1% actuellement.

Quel rôle la République de Maurice est-elle appelée à jouer ?
Il y a beaucoup de choses qui se passent en Afrique. Il y a eu la création de l’agence médicale africaine, dont Maurice est un des membres fondateurs. L’Afrique prend des décisions courageuses. Nous travaillons avec un grand nombre de pays africains pour créer les conditions en vue d’attirer les investissements privés et de produire éventuellement des médicaments. Il ne faut pas oublier que l’Afrique sera un marché majeur pour les produits pharmaceutiques à l’avenir. D’où la possibilité de créer une Win-Win Situation d’une part pour les pays africains et, d’autre part, pour les compagnies qui investissent.
Finalement, cela nous permet aussi de consolider nos partenariats politiques avec ces pays d’une manière concrète. Les choses avancent très vite au Rwanda, au Ghana, en Afrique du Sud, au Sénégal… La principale raison pour laquelle je suis à ici est que Maurice a toutes les caractéristiques susceptibles d’attirer des investissements dans le secteur pharmaceutique. Elle représente une juridiction stable et dispose d’accords commerciaux avec beaucoup de pays, comme l’Inde et l’Afrique du Sud, de même qu’avec l’Europe, qui sont les principaux producteurs de produits pharmaceutiques.
Nous discuterons des recommandations du rapport produit par l’équipe Africa RISE. Ce rapport comprend une analyse de marché, une révision législative et une analyse des déficits de compétences, et ce, dans le but de présenter une proposition permettant à Maurice de devenir un centre régional de premier plan pour la recherche et la fabrication biopharmaceutiques. La recherche menée par Africa RISE a dressé une liste des éléments essentiels de réussite nécessaires pour contribuer à la croissance des industries pharmaceutiques et biotechnologiques mauriciennes grâce à la mise en place de l’Institut mauricien de biotechnologie. Ce sera une opportunité non seulement pour Maurice, mais aussi pour l’Afrique dans son ensemble. Il existe beaucoup d’opportunités à Maurice, non seulement pour les opérateurs étrangers, mais aussi pour les opérateurs locaux.

Voyez-vous Maurice comme un producteur de produits pharmaceutiques ou comme une plateforme pour les investisseurs étrangers cherchant à investir dans la production de produits pharmaceutiques en Afrique ?
Les autorités mauriciennes ont clairement indiqué qu’elles souhaitent développer un secteur pharmaceutique et biotechnologique à Maurice. Lorsque nius constatons les possibilités qui existent, il est évident que certains domaines de la technologie pharmaceutique peuvent être développés à Maurice. Il est vrai que Maurice est une île, avec un marché limité. Cela ne fait pas de sens de créer une large unité de production de produits pharmaceutiques. La bonne nouvelle, c’est que la technologie pharmaceutique évolue dans un sens qui peut convenir très bien à Maurice.
Le développement de ce secteur commence par la recherche. Les nouvelles technologies que nous voyons aujourd’hui ne constituent que le début de la révolution technologique dans ce secteur. It is important to have also strong research to make sure that Maurice can act as a gateway to Africa and other parts of the world. En faisant des recherches, et en faisant les essais cliniques, les nouvelles technologies, faciles à manufacturer et à déployer, peuvent voir le jour. Ce qui permettra aux citoyens mauriciens d’avoir accès rapidement à de nouvelles technologies et à de nouveaux produits pharmaceutiques.
Éventuellement, les investissements viendront du secteur privé. Notre travail consiste à aider les autorités locales à créer le meilleur environnement possible et à lui donner un sens de direction. Au lieu d’envisager des industries susceptibles de produire de larges volumes de produits, on pourrait se concentrer sur les besoins de certains patients et certaines situations de manière différente.
Les 10 à 20 prochaines années verront une révolution dans le domaine de la production pharmaceutique. C’est le bon moment pour s’engager dans ce secteur. We have reached the end of the road for conventional technologies. We still don’t avec an effective vaccine pour malaria, TB, HIV/Aid. Même le diabète nécessite des recherches plus pointues afin de permettre aux malades de vivre une vie normale. Il existe des technologies, mais elles sont loin d’être idéales. Il faut viser certains secteurs, et c’est ce que nous faisons avec les autorités mauriciennes. Nous les aidons à réaliser le Best Mix et ce qu’il faut faire pour libérer le potentiel existant.

Voulez-vous dire qu’il faut développer les infrastructures ?
Il faut bien entendu qu’il y ait un régulateur indépendant. La mise en place des essais cliniques nécessitera la création d’une autorité pour superviser les expériences, non seulement sur un plan scientifique, mais aussi éthique. Ces institutions doivent s’assurer que les résultats soient significatifs avant d’accorder l’autorisation de commercialiser le produit en question. Il faudra également réfléchir sur les compétences qui seront nécessaires. Il est important de réaliser des Skill Mapping Exercices.
La commission européenne est très heureuse d’accompagner Maurice dans ce domaine. Nous travaillerons aussi avec l’université locale et européenne afin de s’assurer qu’il y ait les compétences appropriées pour s’engager dans les recherches, mais également pour aider les régulateurs, qui doivent avoir une connaissance avancée des produits concernés.

Avez-vous un plan à moyen ou long termes ?
Ce sera la prochaine étape après la présentation du rapport, qui fait des recommandations claires concernant les domaines qui représentent du potentiel pour Maurice.

Vous avez parlé des institutions régulatoires. Qu’est-ce qui doit être fait afin de s’assurer que le système puisse protéger le pays contre les risques de corruption ?
Lorsque nous parlons de Regulatory Framework, il faut savoir qu’il doit avoir certaines caractéristiques. En premier lieu, il doit être composé de scientifiques compétents. Il doit aussi pouvoir dégager le Trust and Confidence. De plus, les décisions doivent être prises non seulement correctement, mais dans le délai le plus court possible.
L’industrie pharmaceutique est très particulière et doit être réglementée. Il faut savoir que les essais cliniques coûtent très cher. Les entités doivent savoir exactement ce que nous attendons d’elles. Le régulateur a un rôle important à jouer pour savoir que les opérateurs savent exactement ce que nous attendons d’elles avant de poursuivre avec les autres vérifications.
Le régulateur doit être vraiment indépendant et les décisions doivent être basées essentiellement sur des données scientifiques. Cela est vrai pour les décisions majeures. Le régulateur doit être indépendant de l’autorité gouvernementale, particulièrement dans des secteurs importants. Il faudra naturellement avoir un contrôle sur le financement. L’Agence médicale africaine peut jouer un rôle majeur, et l’autorité scientifique du régulateur ainsi que son indépendance sont cruciales. Bien entendu, il faudra définir qui sont ceux qui décideront et les personnes qui siégeront sur ces instances.

Vous avez fait mention de l’éthique. Est-ce qu’un comité d’éthique indépendant doit être mis en place ?
Certainement. Les essais cliniques comprennent deux parties, à savoir une partie scientifique, qui doit générer les résultats et qui doit décider si le produit peut être utilisé par les patients. Ce comité doit s’assurer que tous les essais cliniques soient effectués d’une façon éthiquement correcte. Il doit aussi s’assurer qu’à tout moment l’intérêt du patient est protégé. Il se peut que cet essai clinique représente le dernier espoir d’un patient, surtout lors qu’il n’y a aucun remède contre la maladie dont il souffre. C’est pourquoi il doit être supervisé de manière compétente aussi bien sur le plan scientifique qu’éthique.

Ne pensez-vous pas que l’industrie pharmaceutique doit opérer sur une base régionale ?
C’est important. La plupart des pays du monde sont trop petits pour voir avoir un secteur pharmaceutique profitable en se basant sur leur marché intérieur. Il y a eu ces dernières années une tendance vers une plus grande intégration en Afrique. D’où la création d’organisations régionales, qui jouent un rôle majeur.
Même au niveau du continent, il y a la zone de libre-échange continental, ce qui est important pour la manufacture des produits pharmaceutiques. Pour produire un médicament, il faut l’apport de plusieurs composants qui doivent être importés. S’il y a trop de barrières tarifaires, la création du médicament devient difficile. Il existe une volonté en Afrique en faveur de la recherche d’une solution régionale. À notre avis, c’est l’approche idéale, car les marchés fragmentés ne sont attractifs pour personne.

En fin de compte, Maurice peut-elle aussi être utilisée comme une plateforme d’investissement régional ?
Certainement. Les investissements occupent une place importante dans ce projet. Il y a beaucoup d’instruments que le gouvernement peut utiliser pour développer un écosystème approprié pour le développement du secteur pharmaceutique. Ce secteur réunit plusieurs composants, des universitaires, des régulateurs, des ressources humaines compétentes… Il ne peut exister dans un vacuum.

Strategy for Development of Pharmaceutical and Biotechnology Sector in Mauritius

EU Africa RISE has conducted an in-depth and comprehensive feasibility study for the establishment and focused strategic positioning of Mauritius as a regional pharmaceutical and biotechnology hub. This report was prepared in response to a request from the Ministry of Finance and Economic Development and the Mauritius Institute of Biotechnology with the support of the EU Delegation of Mauritius. The ambition is to make this sector a key pillar of the economy and there is enormous benefits to exploit the potential of Mauritius.
The team of experts selected by Africa Rise has coordinated and supported a market analysis, a legislative review and a skills gap analysis in line with that objective. From the outset, the report analyses the Mauritian BioPharma Ecosystem and its Key Proposals. It namely highlights the impactful role of Centers of Excellence. A combination of critical factors of success is further outlined: regulatory, strategic projects, investment, partnerships, human capital, infrastructure, and speed.
Thereafter the report focuses in depth on the building blocks of a pharmaceutical and biotechnology hub. It develops main aspects such as the regulatory framework, the skills needs and the different fields of research and manufacturing of services and products. Emphasis is laid, in parallel to the strategic market positioning of Mauritius, which is a member of the African Union and various African trading blocs such as the SADC and COMESA.
Lastly, the third part of the study emphasises on the Institutional and Governance framework. The pivotal roles of the Mauritius Life Science Authority (MLSA) and of the Mauritius Institute of Biotechnology (MIB) are highlighted as well as the necessity for regular appraisal of performance, for example through Hard KPIs (Key Performance Indicators). The report by the team of experts concludes favorably on the development of a Biopharma hub in Mauritius. The feasibility and framework study uncovers concrete strategic opportunities for research, development and investment and actionable levers for efficient and profitable trade. A key take-away is a 6-pronged framework geared towards short term, medium term and long term outcomes.
The six components of the framework are (1) Skills and capabilities, (2) Legal, Regulatory and Compliance Framework, (3)Animal Research (4) Clinical Research (5) Manufacturing and (6) Investment and Incentives.
In the short to medium term, the focus of this multi-faceted approach is to develop and establish Priority Products and Services for export, update Legal and Regulatory and IP framework to ensure global standards are met and build capacity and infrastructure to become a Biopharma hub. In the medium to long term, the report proposes a coordinated approach from each angle to ensure establishing Mauritius as a centre of Excellence for Clinical Trials, Rand D and manufacturing.

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