Depuis une année, Yanish Panchoo, professionnel de l’hôtellerie, habitant Vacoas, avait été affecté en tant que Chief Operations Officer (COO) au Royal Palm Marrakech, le bijou du groupe Beachcomber à l’étranger. Le Chief Executive Officer (CEO) du Domaine Royal Palm Marrakech (DPM), Patrice Legris, y a pris ses fonctions depuis février dernier. Mais au moment du tremblement de terre des plus dévastateurs, soit d’une magnitude 7 à l’échelle Richter, Yanish Panchoo n’avait été que l’un des rares Mauriciens sur les lieux de ce drame ayant fait en début d’après-midi d’hier 820 morts et 672 blessés, dont 205 graves, selon le ministère de l’Intérieur du Maroc. Le bilan pourrait être amendé au fur et à mesure que les recherches se poursuivent, sans compter des dégâts matériels conséquents à l’infrastructure physique et économique de cette région du Maroc, considérée comme une région-temple du tourisme. En fin de matinée d’hier, alors que les images des plus traumatisantes tournaient en boucle sur les chaînes de télévision du monde entier, Week-End recueillait les impressions de Yanish Panchoo sur cette once-in-a-time experience pour un Mauricien.
Dans cette conjoncture de pressions en tous genres, il surprend. D’un calme olympien, le COO du Domaine Royal Palm Marrakech partagera ses sentiments au moment des faits avec le sort se jouant à une fraction de seconde. « Ce vendredi, il était 23 heures au Maroc. Il devait être 2 heures du matin à Maurice. J’étais au lit. J’ai ressenti que tout vibrait de manière violente autour de moi à l’intérieur. Initialement, j’avais cru que c’était les vibrations de la machine à laver. Puis, après vérification, je me suis agrippé à l’idée que ces bondissements viendraient que du vent, qui s’était levé brusquement », raconte Yanish Panchoo.
« J’étais abasourdi et je ne comprenais rien de ce qui se passait autour de moi. Les autres occupants du complexe résidentiel où je me trouvais se bousculaient pour quitter leurs appartements et partir. L’idée qui m’est venue à l’esprit est de les suivre pour chercher refuge dans ma voiture », poursuit le COO, confronté à une réalité hors de son contrôle. En tant que Mauricien, il n’avait guère envisagé que ce soit à Maurice ou au Maroc – avec le dernier séisme remontant à quelque 140 ans de cela – qu’il vivrait une telle expérience.
Finalement, ses collègues l’informeront par un message transmis électroniquement qu’un violent tremblement de terre venait de frapper au cœur de Marrakech, région privilégiée au tableau du tourisme mondial. « J’étais en état de choc devant le déroulement des événements. C’était un véritable chaos sur les routes avec tout un chacun cherchant à fuir la région et les risques potentiels générés par les secousses telluriques à répétition », dit-il encore.
Étant sain et sauf, même sous le coup d’un choc émotif sans précédent, Yanish Panchoo, qui se trouve seul au Maroc, loin de ses proches, a eu un premier réflexe. « Même si le tremblement de terre était survenu vers les 23h, soit vers les 2h du matin à Maurice, ma réaction a été d’informer mes parents qu’il ne fallait nullement se faire du souci pour moi. Sur le champ, j’ai mis un message sur le réseau WhatsApp de la famille. Et ce samedi matin, j’ai pu leur parler de vive voix pour les rassurer », ajoute-t-il.
En dépit de la situation chaotique dans la région avec des dégâts conséquents à l’infrastructure physique et économique, le COO du Royal Palm Marrakech était à pied d’œuvre dès la matinée d’hier. « À l’heure où je vous parle au téléphone, et à première vue, le Royal Palm Marrakech a tenu le coup. Mais maintenant, nous allons procéder à un constat méthodique et méticuleux de l’après-tremblement de terre sous forme d’un rapport élaboré au Head Office », fait-il comprendre à une question de Week-End de manière diplomatique.
Un seul blessé à l’hôtel
Officiellement, un seul employé du Domaine Royal Palm Marrakech a été blessé et a dû recevoir des soins à l’hôpital, alors que tous les clients sont indemnes. Toutefois, force est de constater que ce cataclysme est susceptible d’impacter sur le secteur du tourisme au Maroc et, surtout, dans la région de Marrakech, qui s’est réveillé hier sous le choc. Les promoteurs du Royal Palm Marrakech devront réadapter leur stratégie vu qu’après les problèmes initiaux et les effets de la pandémie du Covid-19, ils avaient placé beaucoup d’espoir dans une relance.
Ainsi, le bilan financier du groupe Beachcomber du premier trimestre de cette année notait que « operations at the Fairmont Royal Palm Marrakech continued to improve with a turnover of Rs 808m (9 million FY22 : Rs 467 million) and an EBITDA of Rs 161 million (9 million FY22 : 19 million) for the period. The resort is progressively establishing itself as one of the leading high-end destinations in Morocco and is expected to achieve a PAT of some Rs 90 million for the full year, a welcomed turnaround after several loss-making years. » (Voir la réaction du groupe hôtelier plus loin).
Toujours est-il que dans une de ses multiples dépêches dans la journée d’hier traitant de ce tremblement de terre, l’AFP note que le Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST), basé à Rabat, a indiqué que le tremblement de terre était d’une magnitude de 7 degrés sur l’échelle de Richter et que son épicentre se situait dans la province d’Al-Haouz, au Sud-Ouest de Marrakech, destination très prisée de touristes étrangers, ou encore à 320 km au Sud de la capitale Rabat. L’agence américaine USGS avance que la profondeur du séisme a été évaluée à 18,5 km.
Selon des images circulant sur les réseaux sociaux et des témoins, le séisme a provoqué des dégâts matériels. Outre Marrakech, il a été ressenti à Rabat, Casablanca et Essaouira, semant la panique parmi la population. De nombreuses personnes sont sorties dans les rues de ces villes, craignant l’effondrement de leurs habitations. L’AFP ajoute que sur des photos et vidéos publiées par des internautes, on peut voir d’importants débris d’habitations dans les ruelles de la médina de Marrakech, ainsi que des voitures écrasées par des pierres.
« Il n’y a pas trop de dégâts, plus de la panique. On a entendu des cris au moment du tremblement. Les gens sont sur les places, dans les cafés, préfèrent dormir dehors. Il y a des morceaux de façades qui sont tombés », a déclaré à l’AFP un habitant d’Essaouira, à 200 km à l’ouest de Marrakech, joint par téléphone. Par ailleurs, les petites ruelles du quartier juif historique de la médina, Le Mellah, à Marrakech, sont jonchées de débris, de vieilles bâtisses se s’étant affaissées et des toitures en bois s’étant cassées.
Une sorte de détonation
Dans la ville ocre (Marrakech), qui compte 13 morts, selon un bilan provisoire dans la matinée, des centaines de touristes et habitants des quartiers avoisinants ont trouvé refuge sur la place Jemaa el-Fna. Ils étaient nombreux à dormir à même le sol, parfois sans couvertures. « C’est comme si on avait été frappés par une bombe », décrit avec désarroi à l’AFP une habitante du Mellah, Hafida Sahraouia.
« On faisait à dîner quand on a entendu comme une sorte de détonation. Prise de panique, je suis vite sortie avec mes enfants. Notre maison s’est malheureusement effondrée », raconte cette femme de 50 ans, qui s’est réfugiée avec sa famille sur une grande place à l’entrée de son quartier. « Nous ne savons pas où donner de la tête. On a tout perdu ! », confie-t-elle.
Mbarka El Ghabar, une voisine, a également vu sa maison « détruite » par les secousses. « On dormait quand le séisme a frappé, une partie du toit s’est affaissée, on s’est retrouvés bloqués à l’intérieur, mais nous avons réussi à nous échapper, mon mari et moi », témoigne-t-elle, ajoutant avoir « passé une nuit cauchemardesque ». Si Mbarka et Hafida ont eu la chance de ne perdre aucun membre de leur famille, Fatiha Aboualchouak, elle, a perdu un neveu de quatre ans. Cette trentenaire, qui marche en boitant, l’air hagard, n’a « pas la force de parler », dit-elle d’une voix frêle.
D’après les médias marocains, il s’agit du plus puissant séisme à frapper le royaume à ce jour. Le 24 février 2004, un séisme de 6,3 degrés sur l’échelle de Richter avait secoué la province d’Al Hoceima, 400 km au nord-est de Rabat, faisant 628 morts et provoquant d’importants dégâts matériels. Et le 29 février 1960, un tremblement de terre avait détruit Agadir, sur la côte ouest du pays, et fait plus de 12,000 morts, soit un tiers de la population de la ville.
Sympathies de NMH et Semaris au peuple marocain
« New Mauritius Hotels Ltd (NMH) et Semaris Ltd présentent leurs plus sincères condoléances au peuple marocain et expriment leur profonde sympathie, à la suite du tragique séisme qui a frappé le Maroc, en particulier Marrakech et la province du Haouz où se trouvent notre établissement hôtelier et nos opérations immobilières, dans la nuit du vendredi au samedi. Nos pensées vont particulièrement à nos équipes sur place ainsi qu’à leurs familles.
« Ce (samedi) matin, nous avons évalué les dégâts et dressé un premier bilan. Parmi notre personnel, un membre a été blessé et a dû être hospitalisé, mais nous sommes heureux de rapporter que son état ne suscite aucune inquiétude majeure. Quant à nos clients, nous sommes soulagés de vous informer que tous sont en sécurité. Par mesure de précaution, la plupart d’entre eux ont choisi de passer la nuit près de la piscine, munis de couvertures.
« À ce jour, nous ne signalons aucun dommage majeur. Les dégâts semblent légers et non-structurels.
« Nous restons étroitement vigilants quant à l’évolution de la situation et continuerons à suivre de près les développements. »