Samedi, plusieurs centaines de travailleurs mauriciens et étrangers ont répondu à l’appel de la Confédération des Travailleurs des Secteurs public et privé (CTSP) pour une marche pacifique à Rose-Hill. Cette mobilisation intervient trois mois après l’élection du gouvernement, un délai jugé suffisant selon la CTSP pour constater les promesses non tenues et les réformes manquantes, notamment en faveur des travailleurs. Les organisateurs ont saisi l’occasion pour adresser un signal clair aux autorités, demandant des réformes concrètes en vue d’alléger la condition des travailleurs et restaurer une démocratie en panne.
La marche a débuté sous des slogans porteurs de colère et de détermination. « Fidèle à notre réputation, on démarre l’année avec une activité. On doit montrer notre force, notre capacité à rassembler pour faire entendre nos voix », a lancé Jane Ragoo, figure de proue de la CTSP. « 100 jours seulement, ils (ndlr : les membres du gouvernement) sont là, et tous les problèmes d’avant sont toujours là. Ils ont même empiré ! » a-t-elle déploré.
La principale revendication des manifestants demeure l’érosion salariale, notamment pour les employés aux bas de l’échelle. « Le gouvernement a donné Rs 610 de compensation salariale et pourtant plus de 75% des employés n’ont pas reçu cet argent », a dénoncé Jane Ragoo. Ce constat accablant illustre l’écart entre les promesses électorales et la réalité du terrain, observent les membres de la CTSP, qui affirment que leurs revendications étaient « légitimes et sérieuses ».
Au-delà des questions salariales, Reaz Chuttoo, président de la CTSP, a exprimé son inquiétude face à la situation politique du pays. Il n’a pas hésité à dénoncer ce qu’il considère comme une dégradation de la démocratie : « Ce n’est pas possible que trois mois après une élection, la démocratie soit en panne ! La démocratie ne peut pas fonctionner en l’absence d’une opposition et pour reprendre les mots du Dr Arvin Boolell, nous vivons une dictature du nombre ! »
Reaz Chuttoo a appelé à une réforme électorale en urgence pour garantir la présence d’une opposition effective et permettre ainsi un véritable débat démocratique : « Il faut qu’il y ait une opposition et que le débat se fasse dans la contradiction. » Il a également évoqué la nécessité de réformer le financement des partis politiques pour garantir une représentation plus juste et transparente.
La transparence gouvernementale a aussi été évoquée. « Avant les élections, on disait qu’il y avait un accord secret entre l’Inde et Maurice sur Agalega. Où est ledit accord ? Que se passe-t-il ? » s’est indigné Reaz Chuttoo.
La CTSP a ainsi réclamé l’adoption d’une Freedom of Information Act, afin de garantir la transparence des décisions gouvernementales et des négociations secrètes, comme celle concernant Agalega. Ce projet de loi est perçu par la confédération comme une nécessité pour rétablir la confiance entre les citoyens et leurs représentants.
Reaz Chuttoo a mis en avant que le changement ne viendra que d’une mobilisation forte et collective des travailleurs : « Zis travayer ki kapav inflians politisien. Pe inport ki parti, CTSP pou tir zot manze. Viv lafors travayer! » Cette première marche des travailleurs pour 2025 représente d’après la CTSP une démonstration de la puissance collective des travailleurs, un appel à la solidarité et à l’action pour forcer les décideurs à écouter les voix des plus vulnérables.