Malaise grandissant à l’aéroport SSR : quand le show prend le pas sur la gestion

Un climat de mécontentement et de suspicion règne à l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam, où la récente nomination du nouveau Chief Executive Officer (CEO) d’Airport Terminal Operations Ltd (ATOL) suscite de vives interrogations. Trois mois après sa prise de fonction, celui que certains surnomment déjà “l’acteur” semble multiplier les apparitions publiques, entre accueil de pilotes Emirates et coupage de ruban post-inauguration, sans pour autant s’attaquer aux chantiers urgents de l’entreprise, déplorent les employés.

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Alors que le terminal de l’aéroport panse encore les plaies du dernier cyclone, nombreux sont ceux à s’interroger : est-ce réellement le rôle d’un CEO de jouer les agents d’accueil ou de remplacer un communication officer lors d’une cérémonie de don de sang ? Certains employés y voient un véritable “one-man show”, à la limite de la campagne électorale, dans un climat de frustration et de gestion opaque.

Le choix du Premier ministre de placer ce profil à la tête d’une entité aussi stratégique laisse perplexe. D’autant plus que, depuis trois ans, la Airports Holdings Ltd (AHL) et ses filiales – AML et ATOL – n’ont présenté aucun rapport financier et que le flou règne aussi autour d’une révision salariale prévue pour janvier 2025, ainsi que sur de possibles irrégularités dans les recrutements et promotions opérés en 2023-2024.

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Les allégations de favoritisme sont lourdes. Des agents connus pour leur proximité avec le MSM, promus au détriment de profils plus expérimentés, règneraient en maître. L’ex-CEO Pawan Baichoo, déjà pointé du doigt pour plusieurs décisions controversées, est accusé d’avoir jeté les bases de cette dérive administrative.

Une gestion des risques inquiétante
La situation est d’autant plus préoccupante, disent les employés, qu’elle touche des départements aussi sensibles que les services d’incendie. Un officier, promu, juste avant les élections, au poste d’Acting Chief Airport Fire Officer (ACAFO), malgré son rang hiérarchique inférieur et la présence d’un collègue plus qualifié, soulève une question de sécurité nationale. L’individu en question aurait même été impliqué dans deux affaires de harcèlement, alerte le personnel qui se demande si c’est ainsi que l’on gère un aéroport international soumis aux normes strictes de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO) ?

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Projet de tour de contrôle : symbole d’un échec systémique
L’affaire de la nouvelle tour de contrôle, censée moderniser l’aéroport et lancée à grand renfort de communication sous l’ancien management, s’apparente elle aussi à une farce. Initialement budgétisé à Rs 600 millions, le projet pourrait, selon certaines sources, coûter jusqu’à Rs 1,5 milliard. Une dérive financière rendue possible par des pratiques douteuses en matière d’appels d’offres et de favoritisme flagrant, orchestrées, selon des insiders, par l’ancien management, notamment un ex-CEO et son cercle rapproché, avec la bénédiction de certains membres influents de Lakwizinn.

Une culture d’impunité ?
Pour nombre d’employés, le CEO actuel semble également s’être entouré d’une équipe controversée. Parmi eux, un Community Affairs Officer dépourvu des qualifications nécessaires, un masterchef autoproclamé influent dans les décisions de gestion, ou encore l’ex-président du syndicat AML, dont l’épouse aurait bénéficié d’un congé sans solde de deux ans, en violation présumée des termes d’emploi. Cette dernière aurait aussi été promue, malgré un avis défavorable du State Law Office.

La gestion des services de sécurité incendie de l’aéroport, essentielle à la sûreté des opérations aériennes, soulève également de sérieuses inquiétudes auprès des avertis d’AML. Alors que les normes internationales, notamment l’Annexe 14 de l’OACI, exigent une expertise technique et une chaîne de commandement stricte, l’actuel CEO semble davantage préoccupé par sa tournée de “familiarisation” à coup de “beti, didi, bowji, baya…” lorsqu’il s’adresse aux employés, que par l’alignement de l’aéroport sur les standards internationaux, témoignent les employés.

Vers un crash annoncé ?
Alors que l’aéroport SSR représente une vitrine cruciale pour Maurice, son fonctionnement interne donne l’image d’un navire sans capitaine. À force de faire passer le spectacle avant la sécurité, l’administration avant la compétence, c’est tout un système qui vacille. Et si l’aéroport devait vaciller, c’est toute l’île Maurice qui en subirait les turbulences. Affaire à suivre.

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