La Youth With Disabilities Empowerment Platform (YWDEP), à but non lucratif, et basée à Mahébourg, a été fondée en 2018 par mère et fille, en l’occurrence Ferozia et Zahra Hosaneea. Cette ONG vise à promouvoir les droits et l’inclusion des personnes en situation de handicap, en mettant l’accent sur la formation, les ateliers de travail, les événements sociaux et les activités d’autonomisation. Ferozia Hosaneea, la présidente, note que « nous offrons des cours gratuits et donnons la possibilité à nos membres les moyens de devenir indépendants. Les parents bénéficient aussi de cours gratuits. Pour atteindre nos objectifs, nous offrons à nos bénéficiaires des séances d’entrepreneuriat, des formations en pâtisserie, des cours de créativité et de multiples ateliers sur les droits des personnes en situation de handicap. »
Le 2 avril, à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, la YWDEP avait organisé une table ronde sur le thème« Une éducation inclusive de qualité pour tous. » L’objectif était de discuter pour déterminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes autistes. Il était aussi question de plaider pour une éducation inclusive. « A notre avis, il faut impérativement revoir les lois et les Policies en place afin de mettre en œuvre une éducation inclusive. Nous sommes convaincus que la Special Education Needs (SEN ) va complètement à l’encontre d’une éducation inclusive », déclare sans ambages Ferozia Hosaneea.
Chaque année, en avril, la YWDEP participe à la campagne Light Up pour la sensibilisation à l’autisme. Ce mouvement consiste à porter du bleu, voire à utiliser des ampoules de cette couleur. Dans de nombreuses villes du monde, des entreprises privilégient le bleu quant à l’éclairage de leur bâtiment en signe de soutien. Ferozia Hosaneea, qui se bat sur plusieurs fronts, fait compredre que le Committee on the Rights of Persons with Disabilities considère les systèmes d’éducation visant à exclure les personnes en situation de handicap comme des formes de discrimination. Cette instance plaide depuis des années pour que les États remplacent les formes de ségrégation par une éducation inclusive.
À Maurice, cependant, la plupart des enfants en situation de handicap se retrouvent soit dans des Integrated Units, soit dans des Special Education Needs (SEN) Units. En 2018, la Special Education Needs Authority Act a été promulguée pour faciliter la mise en œuvre des établissements SEN à Maurice et superviser tous les aspects des institutions spéciales à Maurice.
En mars 2020, Maurice comptait 71 écoles spécialisées enregistrées auprès du ministère de l’Éducation. Le nombre d’élèves inscrits s’élevait à 2 731. Les trois types de handicap les plus fréquents chez les élèves étaient la déficience intellectuelle (27,6 %), la dyslexie (20,8 %) et l’autisme (10,4 %). Ces chiffres impliquent qu’une grande majorité d’enfants autistes sont malheureusement inscrits dans des établissements d’éducation spécialisée, plutôt que de faire partie intégrante du Mainstream.
« De nombreuses recherches ont démontré qu’une éducation inclusive est meilleure pour les enfants autistes, tant dans la réduction de la stigmatisation entourant l’autisme, que dans la création de relations respectueuses entre tous les élèves. Un système inclusif est aussi la meilleure façon de développer toutes les capacités des enfants autistes », rappelle la présidente de cette ONG. La majorité des membres du YWDEP fréquentent des écoles SEN « en dépit de leurs capacités et compétences », fait-elle ressortir par ailleurs.
Shannon, féru d’arts et de langues
Ferozia Hosaneea évoque la portée des connaissances et possibilités de certains enfants autistes fréquentant la Youth With Disabilities Empowerment Platform. Elle avance que Shannon a un talent incroyable pour les arts et les langues. Grâce à des vidéos YouTube, il a appris l’arabe et le chinois, qu’il maîtrise couramment. L’enfant aime chanter, dessiner et reproduire tout ce qu’il voit. Il pose toujours des questions sur ce qui l’entoure et effectue ses propres recherches sur sa tablette quand il ne trouve pas les réponses.
En 2018, il réussit la PSAC avec 5 A. Ses parents sont convaincus qu’ils ne rencontreraient aucune difficulté à l’inscrire dans une école ordinaire au vu de ces résultats. Pour eux, il terminera ses études secondaires sans aucune difficulté. » La présidente de la YWDEP fait ressortir cependant : « les parents en question ont cependant été complètement désemparés et découragés par le système. Non seulement il a été impossible de trouver un cadre requis pour Shannon, mais aucun enseignant adjoint n’a été fourni depuis son admission en cycle secondaire. Ils n’ont également obtenu aucun soutien additionnel pour les besoins de Shannon. » Elle relève avec amertume aussi le fait qu’il n’existe aucun plan éducatif individualisé. Et ce, avant d’avancer : « les parents auraient été exclus des décisions relatives à Shannon prises par l’école et les autorités concernées. Finalement, ils regrettent qu’aucune campagne de sensibilisation à l’autisme n’ait été effectuée pour sensibiliser les autres élèves, même pas ce 2 avril… »
Zack et Zaid, le duo de talents
Par ailleurs, Ferozia Hosaneea indique que Zack et Zaid sont également deux jeunes hommes très talentueux dont le potentiel est malheureusement entravé par le système d’éducation spécialisé. Alors que Zack a fréquenté une école SEN toute sa vie, Zaid est actuellement inscrit dans une Integrated Unit. « À l’école, Zack passe la majeure partie de sa journée à dessiner. On ne lui a jamais enseigné à écrire, lire ou compter convenablement. Il aime cuisiner mais n’a jamais eu les moyens de développer son potentiel. C’est pour cela qu’en 2020, le YWDEP a lancé des cours de pâtisserie et de cuisine. À la maison, il regarde des vidéos YouTube pour apprendre à cuisiner, et aide également ses parents en ce sens », déclare-t-elle.
Qui plus est, Zaid a une passion pour les sciences. La plupart de ses connaissances émanent de vidéos YouTube et de sorties éducatives organisées par le YWDEP, plutôt qu’à l’école. Bien qu’il rencontre des difficultés à interagir avec ses camarades, il s’amuse toujours lorsqu’il visite le centre, ce qui l’aide à améliorer ses compétences en matière de socialisation.
Bilqis, le profil de l’entrepreneure
Bien qu’elle ne sache pas lire ou écrire, Bilqis parvient à reconnaître les noms de tous les joueurs de Liverpool. Elle ne manque jamais un match de football de son équipe préférée, qu’elle aime regarder avec son père. Elle fait preuve d’une grande indépendance et sait compter. En bonne entrepreneure, elle est en mesure de gérer son propre argent et peut voyager seule. Étant un des meilleurs éléments du YWDEP, elle excelle en couture, artisanat et sport.
Ferozia Hosaneea s’appesantit sur le rôle de la YWDEP auprès de ces enfants. « Nous avons suivi ces membres depuis leur plus tendre enfance. Afin de réduire les inégalités auxquelles les personnes autistes font face, nous offrons à nos bénéficiaires une palette de formations. » Malheureusement, poursuit-elle, les élèves enregistrés dans les écoles SEN ne sont pas convenablement formés et se retrouvent à dépendre de leurs parents jusqu’à l’âge de 20 ans, quand ils doivent quitter l’école », indique-t-elle.
La présidente de la plate-forme souligne dans ce contexte : « c’est ce que nous voulons changer. Nous avons été également choqués d’apprendre qu’aucune provision concrète n’avait été faite pendant la période du COVID-19 quant aux cours en ligne dans les écoles SEN. Ces élèves se retrouvaient à la maison, à ne rien faire, en comparaison avec leurs petits camarades qui avaient l’opportunité de suivre des cours à la télé, ce qui est vraiment discriminatoire. »
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Suggestions de la plate-forme
pour une éducation inclusive
Une révision des lois, des politiques et des mécanismes existants liés à l’éducation, ainsi que l’élimination de tous les obstacles qui pourraient empêcher la réalisation d’une éducation inclusive. Les personnes autistes devraient avoir droit à une éducation inclusive, aux formations professionnelles, aux possibilités d’emploi, à l’esprit d’entreprise et au travail indépendant. C’est ce que nous essayons de promouvoir au maximum au YWDEP.
En plus d’être bénéfique à toutes les personnes concernées, l’éducation inclusive est raisonnablement abordable à maintenir, par opposition aux systèmes d’éducation ségrégués.