Jour de foire : Les Food Hawkers s’interrogent sur leur business avec la hausse des prix

Le dholl puri et le roti passant de Rs 15 à Rs 20, les clients se montrent réticents Sita Chukravanen : « Mo krwar bizin ferme al rod enn travay… »

Le lundi, jour de foire, Mahébourg est habituellement un village très animé. Mais hier, les villageois avaient plutôt le visage fermé. Les récentes augmentations de prix étaient sur toutes les lèvres. Chez les Food Hawkers, certains attendaient désespérément les clients tandis que d’autres avaient déjà écoulé leurs stocks peu après la mi-journée. Une chose est sûre : tous sont inquiets pour l’avenir. Certains pensent même à fermer boutique pour se recycler ailleurs.

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En 30 ans de métier, Shyam Bhugoo n’avait jamais vu ses coûts d’opération grimper autant. Le litre d’huile ayant accusé une hausse de plus de Rs 100, sans compter la majoration du prix des grains secs, il n’a eu d’autre choix que d’augmenter le prix de ses dholl puris à Rs 20 la paire. En ce premier lundi du mois, il n’a pas eu trop à se plaindre, car la clientèle était au rendez-vous. « Tout a augmenté. Je n’ai eu d’autres choix que de revoir le prix à la hausse. Pour le moment, les gens comprennent la situation. Ils continuent de venir, mais on ne sait pour combien de temps », ajoute-t-il.
Pour montrer sa gratitude, Shyam Bhugoo se montre compréhensif, s’il manque une ou deux roupies à un client qui n’est pas encore au courant de nouveaux prix. « Auparavant, je vendais le roti et le dholl puri à Rs 15 et Rs 18. J’ai été obligé de passer à Rs 20. Toutefois, j’ai conservé le prix des fritures à Rs 5. Je ne peux tout augmenter à la fois. Autrement, les gens ne vont rien acheter », avoue-t-il.

À côté, Shakeel Bachooa vend des pains fourrés au choix. Il concède que le travail n’est plus comme avant. « La clientèle a baissé drastiquement. À ce jour, je suis contraint de préparer la moitié du volume de pains que je vendais habituellement. Car les clients ne viennent plus. Ils n’ont pas d’argent », fait-il comprendre avec une inquiétude à peine dissimulée.

Pour cette raison, celui qui compte 23 années au marché de Mahébourg, a choisi de ne pas augmenter le prix de ses pains. « Déjà que les gens achètent moins, si je monte davantage, ils ne vont plus rien acheter. Je suis obligé de faire avec. » S’il est encore au marché dans l’après-midi, c’est parce que c’est jour de foire. Autrement, il est contraint de fermer vers 13h ou 14h. « Vers cette heure-ci, c’est mort à Mahébourg. Il n’y a aucun développement. Si vous allez à Rose-Belle, par exemple, il y a une animation pendant toute la journée, mais ce n’est pas le cas ici », poursuit-il.

Au Bismillah Snack, les pains attendent aussi preneurs. Hamza Allybocus concède qu’il y a moins de clients, surtout pour un jour de foire. « Travay inn byen bese. Tou dimoun pe plengne », lâche-t-il. Comme la majorité de ses collègues, il a dû revoir ses prix à la hausse, soit une moyenne de Rs 5 sur chaque produit. Le pain fourré au vindaye de poisson ou au sauté de poulet est ainsi passé de Rs 50 à Rs 55. Idem pour la tasse de thé, vendue à Rs 20 contre Rs 15 auparavant. « Je n’ai pas le choix. Tout a augmenté, le sucre, le lait… j’ai été obligé de revoir les prix », justifie-t-il.

Interrompant la conversation de Hamza Allybocus, une passante s’arrête pour donner son point de vue. « Zot pe fer tro boukou dominer ar dimoun. Ou kapav krwar 1 boutey delwil inn vinn plis ki Rs 100 ! Ki zot pe pran nou », rouspète-t-elle.
Pour sa part, Deven Anthony, attend lui aussi la clientèle pour ses dholl puris. « J’ai été contraint de passer à Rs 20 la paire depuis ce matin. Je sais que ce n’est pas évident pour les clients, mais on n’a pas le choix, tout a augmenté. » Lui qui est dans ce métier depuis qu’il est très jeune, avoue que c’est la première fois qu’il fait face à une telle situation.

Au Spider Snack, à l’étage du marché, Sita Chukravanen est bien esseulée. Non seulement elle est la seule commerçante qui y est restée, mais elle n’a pas un seul client. « J’ai commencé mon business il y a cinq ans. Auparavant, je travaillais pour quelqu’un. D’habitude, les lundis, je n’ai même pas le temps de souffler. Vers midi, je dois cuire une deuxième partie des plats. Mais là, ce n’est plus le cas. Comme vous voyez, il n’y a pas un seul client », déclare-t-elle.

Si les « sept caris » de Sita Chukravanen ont toujours été un plat incontournable du marché, les clients se montrent aujourd’hui réticents. « Les gens me disent qu’ils n’ont pas d’argent et je peux les comprendre. Je me demande même si je ne dois pas fermer pour aller chercher un autre boulot. Mais où ? » s’interroge-t-elle.

Cette dernière estime aussi que le fait qu’elle se retrouve seule à l’étage du marché joue contre elle. « Tous les autres qui étaient là ont trouvé un étal au bas, donc plus accessible à la clientèle. Mais moi, j’attends toujours. De plus, je suis une femme seule, je dois me débrouiller pour nourrir mon enfant », affirme-t-elle.

Au stand Super Cool Alouda, Soobiraj Sankar n’a pas encore appliqué ses nouveaux prix. Mais la semaine prochaine, il va devoir faire comme ses collègues. Il explique : « j’avais encore un stock de lait que j’ai utilisé pour cette semaine. La semaine prochaine, je vais devoir renouveler, donc, je vais augmenter les prix par Rs 10 à Rs 15. Auparavant, je payais une pochette de lait à Rs 5 500, maintenant c’est à Rs 6 500, soit Rs 1000 de plus. »

Dans cette conjoncture difficile, certains opérateurs ont toujours la cote. C’est notamment le cas chez Gros Maraz, dont le dholl puri est très prisé au marché. Les gens y font toujours la queue. Corinne vient de patienter pour une paire de dholl puris à Rs 25. Elle confie : « je viens toujours manger ici quand je viens au marché. C’est vrai qu’avec les augmentations ce n’est pas évident. J’ai acheté une paire au lieu de deux, comme je le fais habituellement. »
Sadna et Sabrina, ont choisi de s’arrêter chez Deven Anthony ; elles témoignent également des difficultés qu’elles éprouvent à joindre les deux bouts. « Je suis venu au marché avec Rs 400 et pour un petit sac de légumes, il ne me reste que Rs 50. L’autre jour je suis allée à l’hôpital, j’ai payé Rs 130 de transport », se lamente Sabrina.

Sadna avance qu’elle doit faire preuve d’imagination pour nourrir sa famille. « Le poulet et la viande se vendent trop chers. J’ai dû aller ramasser des ‘betay’ pour faire le dîner. » Ces coquillages – qu’on retrouve dans cette partie du Sud-Est – permettent ainsi aux femmes de se faire quelques sous et à la fois, de compenser les manques en cuisine à l’heure de la préparation des repas.

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