« L’œcuménisme, c’est célébrer la différence. On est conscient de ses différences, mais cela n’empêche pas de marcher ensemble », fait ressortir le révérend anglican Eddy Cheong See dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, du 18 au 25 janvier. Pour lui, la mission de l’Église ne peut se faire sans l’œcuménisme. « Il n’est pas possible d’avancer en solo. Bien sûr, chacun garde sa spécificité, mais l’Église chrétienne est appelée à se tenir par la main pour avancer, car l’autre a quelque chose à me dire, à m’apporter… », dit-il.
« Aidons-nous les uns les autres ! » Tel est l’appel lancé à cette occasion par le pape François, qui a invité les chrétiens de diverses confessions à cheminer ensemble vers une pleine communion. Pour Eddy Cheong See, l’œcuménisme a lieu quand « les chrétiens trouvent un créneau malgré leurs différences doctrinales ». Il explique qu’à Maurice, chaque année, lors de cette semaine de l’Unité des Chrétiens, le cardinal (catholique) rencontre l’évêque de Maurice (anglican), l’Église presbytérienne et des pentecôtistes. « Ces Églises se sont regroupées en un Comité œcuménique. Même si parfois, cette rencontre peut connaître des difficultés au fil des longues années, grâce à la persévérance, elles arrivent à avancer ensemble », ajoute le prêtre anglican. « L’œcuménisme est une composante intégrante de l’Église. »
Le terme œcuménisme est issu du mot grec oikos, qui signifie la maison. « Dans l’histoire, il y a eu des cassures, des séparations, à l’exemple du schisme de 1054, la séparation des Églises d’Orient et d’Occident. Mais aujourd’hui, on voit le patriarche orthodoxe aller à la rencontre du pape. Par ailleurs, régulièrement, l’archevêque de Canterbury est en dialogue avec le pape. L’ancien évêque anglican, Mgr Ian Ernest, lui-même directeur du Centre anglican de Rome au Vatican, agissant comme le représentant de l’archevêque de Canterbury », fait ressortir Eddy Cheong See.
Sur le plan de la formation aussi existe cette ouverture. « Imaginons un aspirant prêtre anglican qui se forme seulement dans un collège anglican… Il faut aller dans une école de théologie, où il y a plusieurs dénominations. Cela se ressentira sur l’éventail d’approche des textes bibliques. Dans les écoles théologiques, la formation se fait en milieu œcuménique. Autrement, on se cantonnera à une seule lecture du texte sacré, telle que perçue par son Église. On peut ne pas être d’accord avec la lecture de l’autre, mais au moins a-t-on une approche différente de la mission de l’Église. Quand j’ai préparé ma thèse, il y avait plusieurs prêtres catholiques qui animaient les cours. Mgrs Ian Ernest, Stenio André, James Wong ont tous suivi leur formation avec des catholiques au Foyer La Source. »
Citant un autre exemple d’œcuménisme, le prêtre anglican se réfère à la Communauté du Chemin Neuf, « qui accueille plusieurs courants », tels que les baptistes, les luthériens etc. « Quand j’avais fait une retraite en France dans cette communauté, l’accueil qu’on m’a réservé en tant que prêtre anglican était formidable. Cette ouverture est caractéristique de cette communauté. De même, si j’accueille un catholique dans mon église, je ferai attention quant à la manière dont je traiterai cette personne. Il y aura du respect des deux côtés. »
À Maurice, un événement fort dans l’histoire de l’œcuménisme a été la Charte de Bonne Entente, signée en 2009, par les Églises catholique, anglicane et presbytérienne. « On a également inclus l’Église pentecôtiste. »
De l’œcuménisme à l’unité nationale
Dans une perspective plus élargie, l’union entre les Églises rejaillit sur la société mauricienne et encourage à l’unité nationale, fait voir Eddy Cheong See. « Imaginons que les prêtres de différentes dénominations se rencontraient sans se dire bonjour… Ce qui est louable, c’est que quand il y a une ordination, disons dans l’église presbytérienne, le cardinal et l’évêque de Maurice sont invités. Si, demain, l’archevêque de Canterbury est à Maurice, le premier réflexe, c’est d’inviter les chefs des autres confessions. C’est un réflexe chrétien. Jésus d’ailleurs a dit : “Que tous soient un !”. Du reste, éthiquement parlant, ce n’est pas possible qu’une église vienne dire qu’elle détient la vérité et pas l’autre. Au contraire, c’est quand on considère que l’autre est meilleur que soi qu’il y aura un partage. »
Il poursuit : « Prenons le regard de Mère Teresa et de l’abbé Pierre sur le pauvre : c’est l’humain créé à l’image de Dieu qui est mis en valeur. Cela rejoint l’altruisme chez les bouddhistes et pour les chrétiens, notre prochain est un sacrement d’amour. C’est la signification du Namasté : le divin en moi reconnaît le divin en toi ! »
Ce qui pousse le révérend à conclure que « la mission de l’Église, aujourd’hui, ne peut se faire sans l’œcuménisme ». Il développe : « Il n’est pas possible d’avancer en solo. Bien sûr, chacun garde sa spécificité. L’œcuménisme n’est pas un débat d’idées, ce n’est pas de savoir si un est meilleur que l’autre, mais aujourd’hui, l’Église chrétienne est appelée à se tenir par la main pour avancer. L’autre a quelque chose à me dire, à m’apporter, parce que je suis limité dans ma compréhension des choses. »
Le thème de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens cette année est tiré de l’Évangile de Saint-Matthieu : « Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. » À cette occasion, le pape François a déclaré que tout comme la tradition ecclésiale a vu les mages comme des représentants de diverses cultures et peuple, « nous aussi, surtout en ces temps, sommes mis au défi de prendre le frère par la main, avec son histoire concrète, pour avancer ensemble ».