Dans une lettre ouverte adressée au Gouverneur de la Banque de Maurice, le Groupe Déposants Mauriciens Silver Bank, composé de 10 déposants mauriciens issus de l’ancienne Banyan Tree Bank, exprime sa colère face aux dérives financières de la Silver Bank et l’absence de solutions pour récupérer leurs fonds bloqués depuis des années.
Dans ce courrier, le Groupe Déposants Mauriciens Silver Bank dénonce les dérives financières et l’injustice dont ils se disent victimes. Ces déposants, dont les fonds sont bloqués depuis plus de quatre ans, exigent la restitution totale de leurs économies, souvent fruits d’une vie de travail. Ils pointent du doigt des prêts massifs et risqués accordés principalement à des sociétés liées à Prateek Gupta, avec la complicité présumée de la Banque de Maurice (BM) et du ministère des Finances. Alors que des institutions publiques ont pu récupérer une partie de leurs dépôts, environ Rs 1 milliard reste immobilisé dans la Silver Bank, tout comme les fonds des épargnants individuels, laissés sans solution.
Le groupe dénonce également le silence du conservateur de la banque, rémunéré à Rs 4 millions par mois, sans avancées concrètes pour résoudre la crise. Dans ce contexte, ils demandent justice et avertissent que cette affaire pourrait ternir la réputation de Maurice en tant que centre financier international. Les déposants réclament une réponse rapide et favorable, faute de quoi ils n’excluent pas d’engager des actions judiciaires.
“Cas perdu”
Pour rappel, Rama Sithanen, le nouveau Gouverneur de la BM, a fait, le 9 décembre, des révélations alarmantes sur la crise financière qui secoue actuellement la Silver Bank. Qualifiant l’institution de « cas perdu », il a mis en lumière des pratiques financières irresponsables, des prêts douteux et la complicité du ministère des Finances dans la mise en péril des fonds publics.
Placée sous tutelle par la BM, en février dernier, la Silver Bank, anciennement BanyanTree Bank, a été au cœur d’enquêtes qui révèlent que Prateek Gupta, époux de Ginny Gupta, actionnaire majoritaire de la banque, a bénéficié de prêts totalisant Rs 8,3 milliards. Ce montant équivaut presqu’à l’ensemble des actifs dépréciés de la banque. Par ailleurs, Prateek Gupta est également impliqué dans un scandale international de fraude estimé à 577 millions de dollars (Rs 26,9 milliards), ce qui aggrave la situation de la Silver Bank.
Des institutions publiques, notamment le ministère des Finances, le NIC, le SIFB et la municipalité de Curepipe, ont déposé plusieurs milliards de roupies dans la banque, malgré sa situation précaire. À ce jour, Rs 550 millions de fonds publics restent bloqués, avec de très faibles chances de récupération. Sithanen a vivement critiqué l’implication du ministère des Finances et la complaisance du précédent gouvernement, en s’interrogeant sur l’éventuelle perception de commissions et sur les liens qui auraient facilité les opérations douteuses de la banque.
Alors que la situation a été évoquée plusieurs fois au Parlement, Sithanen appelle à des décisions rapides pour corriger ces graves défaillances et exiger des comptes. Avec des actifs bancaires jugés presque sans valeur, cette affaire met en lumière l’urgence de réformes pour renforcer la transparence et les mécanismes de surveillance financière à Maurice.
Week-End publie dans son intégralité la lettre ouverte du Groupe Déposants Mauriciens Silver Bank au nouveau Gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen.
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Monsieur le Gouverneur,
Suite au premier courriel qui vous a été adressé le 9 décembre de cette année par Mr G.P, resté sans retour, c’est en tant que groupe tout récemment constitué, réunissant 10 déposants mauriciens de la Silver Bank, tous issus de la « feu » Banyan Tree Bank, que nous revenons vers vous.
Les dernières informations que nous avons réussi à collecter, ici et là, montrent de façon évidente qu’il y a eu au sein de l’établissement Silver Bank de véritables dérives et même des extorsions de fonds, pourrions-nous dire, donc de réels délits. Cela, avec l’aval d’institutions publiques comme la banque de Maurice et le ministère des Finances, ce que vous avez d’ailleurs reconnu lors de votre intervention dans laquelle vous parliez, entre autres, de « la complicité évidente entre le ministère des Finances et cette banque ». Vous reconnaissiez également que lorsque la banque de Maurice est intervenue, s’inquiétant de la vitesse à laquelle la Silver Bank accordait des prêts, principalement à des sociétés étrangères, dont certaines appartenaient à Prateek Gupta, et surtout avec un risque de non remboursement, il y a eu des interventions pour continuer à accorder des prêts, notamment du ministère des Finances, en faveur d’entités qui manifestement ne pourraient pas honorer leurs engagements.
Sans revenir sur les dessous d’une suspicion de fraude dans le négoce de nickel, estimée à 577 millions USD, qui a amené la Cour de Londres à ordonner le gel des avoirs de Prateek Gupta, courant avril 2023, nous les signataires, nous nous demandons comment ce Prateek Gupta a-t-il pu récupérer l’ensemble de ses actifs, s’élevant à Rs 18 milliards, sans la complicité de hauts cadres de la BOM, qui étaient physiquement installés dans cette banque, suite à l’éclatement de l’affaire Trafigura à l’international.
Le dernier bilan financier publié par la Silver Bank, couvrant la période se terminant le 30 septembre 2022, montre que le total des actifs s’élevait à Rs 11,4 milliards. Aussi comment en si peu de temps (du 30.09.2022 à courant février 2023), la Silver Bank a-t-elle pu accorder autant de prêts, pour la plupart toxiques, puisque accordés aux nombreuses sociétés de Prateek Gupta, pour se retrouver à la fin en situation de pré-faillite, si ce n’est, avec l’aval des CEO de l’établissement, de Mme Gupta, et avec l’accord de la BOM ? ll semblerait qu’à ce jour, la Silver Bank détient encore environ Rs 1 milliard d’argent public, répartis entre les municipalités de Port-Louis, de Curepipe, de la NIC et du Trésor. Mais qu’en est t-il de l’argent des déposants locaux et étrangers ? Qu’en est t-il des dépôts des clients locaux, qui avaient investi dans la « feu » Banyan Tree Bank et qui sont, depuis plus de 4 ans, dans l’attente de récupération de leurs fonds, avec des situations, pour la plupart, bien difficiles dans leur vie quotidienne ?
Certaines institutions, y compris le Trésor, ont pu récupérer une partie de leurs fonds, avant ou après la reprise, mais pas nous, déposants mauriciens, contraints depuis la reprise de laisser nos dépôts pour à minima 3 années, sous peine de liquidation de l’ex-Banyan et le risque inhérent de pertes substantielles. D’après certaines informations, les émoluments du conservateur avoisinent les 4 millions Rs mensuels, qui rapportés à 11 mois représentent à ce jour la somme de 44 millions, pour un travail qui n’a, à ce jour, apporté aucune solution.
Montant exorbitant pour une banque dans une situation de faillite, et immoral, voir cynique, pour les déposants que nous sommes, en attente de retrouver nos dépôts ! Ce conservateur ne communique presque pas avec les clients. Pas de update depuis le dernier communiqué. Il refuse de prendre leurs appels et encore moins de les recevoir à la banque. Leur capital et leurs intérêts sont bloqués depuis que la banque est sous Conservatorship.
Aussi, vous comprendrez aisément, Monsieur le Gouverneur, que nous sommes aujourd’hui dans notre droit de recouvrer la totalité de nos actifs, « personnels », et qui pour certains correspondent à des économies de toute une vie de labeur, contrairement aux actifs des institutions publiques. Nous ne pourrons accepter qu’il puisse y avoir une autre issue que celle de récupérer la totalité de nos dépôts. Et, nonobstant le fait que vous n’êtes en rien responsable de l’ensemble des dérives de l’ancien gouverneur, de l’ancien ministre des Finances, tout comme de l’ancien gouvernement, nous vous informons que nous n’aurons pas d’autre alternative que de demander justice.
Nous vous saurions gré, Monsieur le Gouverneur, de bien vouloir accorder toute l’attention que nécessite ce courrier, et d’y apporter une réponse, que nous espérons favorable à notre demande. Cette affaire risque d’éclabousser la réputation de Maurice, comme centre financier de grande réputation, si elle ne l’a pas déjà été.
Groupe « Déposants Mauriciens Silver Bank »