Après avoir prêté serment comme Chef Juge le 26 mars, Eddy Balancy a ce vendredi 5 avril confié à la presse six projets supplémentaires qui, dit-il, aideront à l’amélioration du système judiciaire.
1. Réorganisation de la bibliothèque de la Cour suprême
La première des idées évoquées est une réorganisation de la bibliothèque de la Cour suprême. Le Chef juge a parlé d’un « inventaire » des livres et documents s’y trouvant. Ainsi que de la restauration et de la digitalisation de certains ouvrages historiques qui, souligne-t-il, « sont réduits en poussière ».
La procédure d’achat de livre – faite par la bibliothécaire suivant les requêtes reçues pour un ouvrage – a été qualifiée d’« hasardeuse » par Eddy Balancy. « Je suis beaucoup trop méthodique pour accepter que cela se passe de cette manière », a-t-il ajouté.
Les avis des juges, des avocats et des étudiants en droit, entre autres, seront « considérés » pour ce projet, a souligné le Chef Juge.
2. Meilleure utilisation des JRO/JRA
Le rôle des Judicial Research Officers (JRO) et Judicial Research Assistant (JRA) sera revu. Le Chef Juge a indiqué que ces officiers sont « nommés par la Public Service Commission », et ce, « sans nous consulter » au niveau du judiciaire. « Nous n’avons aucun contrôle, on nous les a donnés ».
Le Chef Juge a souligné que, suivant un rapport du Pay Research Bureau, le recrutement des JRO a été stoppé. « C’est un poste qui va disparaître ». L’avenir des cinq JRO restant est de fait « incertain ». S’agissant des JRA, il en dénombre 15 en service. « C’est plus au moins un officier par juge mais pour quoi faire? », s’est-il demandé. Avant d’expliquer que d’autres juges et lui-même n’utilisent que « très peu » les services des JRO et JRA actuellement.
S’exemplant sur la façon dont il dirigeait une équipe de football, le Chef Juge a affirmé qu’« on peut utiliser au mieux quelqu’un même si ce n’est pas celui qu’on cherchait ». Et d’ajouter : « Ils seront utilisés au maximum de leur capacité ».
Il a annoncé la tenue d’atelier entre juges pour étudier comment mieux les utiliser, s’engageant à soumettre un bilan « dans six mois ».
3. Recours excessif aux juniors
« Une des raisons qui causent des délais et lenteurs » au niveau du judiciaire est « le recours excessif » à des junior counsels, a observé Eddy Balancy. Délégués par des Seniors Counsels, ces nouveaux avocats sont bien souvent « pas assez formés aux questions litigieuses de droit et de faits », selon le Chef Juge. D’où le fait qu’ils occasionnent des retards inutiles dans certaines affaires qui peuvent être réglée « rapidement ».
Le Chef Juge s’est basé sur le nombre de points d’appel « excessifs » logés par les avocats. Il a ensuite cité notamment Gaëtan Duval, qui a « renoncé à toutes séries pour ne choisir que deux ou trois raisons d’appel » les plus saillants. Evitant ainsi « d’irriter le juge » et d’éterniser l’affaire.
« Nous allons nous asseoir et préparer un plan d’action à travers un atelier », a indiqué le Chef Juge.
4. Examen des procédures
Les Masters Decision Rules seront « revues », a annoncé Eddy Balancy. Car, dit-il, « de petites procédures » engendrent des « incertitudes » parce la loi est « ambiguë » ou les pratiques inscrites sont « traditionnelles ».
Les incertitude seront « clarifiées » ou « enlevées » et de nouvelles règles devraient entrer en vigueur à compter du 1er juillet.
5. Décourager les « affaires frivoles »
« Vous serez étonnés du nombre d’affaires portées en cour. Les gens ont la manie de plaidé », a constaté le Chef Juge. « En France, en Angleterre, en Australie, ils ne pardonnent pas. Vous venez avec une affaire frivole, vous en subirez les frais. En Angleterre, par exemple, vous devez payer la cour par heure ».
Comment dissuader de porter ce type d’affaires frivoles en cour? Un projet de « Legal Fees and Cost Rules » – aux contours toujours quelque peu flous – entrera en vigueur à compter du 1er juillet. « Cela a été très difficile de trouver un consensus entre avocats et avoués », a reconnu le Chef Juge, qui a décrit un projet mis en place « aux forceps ».
Ainsi comprend-on que les honoraires des Counsels seront revus à la hausse dans le but, a expliqué Eddy Balancy, de réduire le nombre d’affaires frivoles logées.
6. Hybernation
Le dernier point évoqué par le Chef Juge a été le fait que, à partir du 19 avril, il se mettra en mode « hibernation » envers la presse durant six mois. Sauf condition exceptionnelle. « Je vous demanderais de me laisser tranquille afin que je puisse me dévouer du temps à mes projets et à ceux du judiciaire ».
Les six projets initials du Chef Juge
Après la cérémonie de serment comme Chef Juge, Eddy Balancy avait évoqué six projets qu’il comptait mettre en place au sein du judiciaire. Il les a détaillés lors de la rencontre avec la presse ce vendredi. Cela après avoir introduit cette conférence par des interrogations relatives à la théorie du créationnisme.
Eddy Balancy a réaffirmé son souhait d’être un Chef Juge de terrain. Dans cette optique, il a procédé à des visites surprises à la Cour suprême et au Bail and Remand Court (BRC). « J’ai été horrifié par l’état physique des meubles à la BRC », a-t-il déclaré, soulignant que des changements s’opéreront à ce niveau d’ici « deux semaines ».
Rehausser le niveau de dignité et de prestige des juges de la Cour suprême fait aussi partie de ses projets. « Les policiers vont maintenant toujours saluer les juges. J’ai appelé leur supérieur et leur a fait comprendre » que « ce salut n’est pas pour notre personne mais pour l’institution prestigieuse que représentent les juges de la République de Maurice ».
Le Chef Juge a aussi parlé de « faire connaître au public les juges et magistrats de nos cours ». Le nécessaire a déjà été fait pour que ce projet soit mis à exécution dans « deux ou trois jours ». Pour cela « un C.V. de pas plus de 10 lignes » et des « photos en hard copy » des juges ont été requis.
La rénovation du bâtiment historique de la Cour suprême tient également à coeur le Chef Juge. Même s’il est prévu que cette cour déménage dans un nouvel immeuble actuellement en construction.
Le Chef Juge a de plus présenté son équipe comprenant deux Confidential Assistants, un Official Chief Justice Secretary, et des Judges’ Secretary.
Et, bien évidemment, il a abordé la construction de la nouvelle Cour suprême, soulignant vouloir aménager les meubles antiques de la présente cour dans le nouveau bâtiment. Un tender sera toutefois nécessaire. « Do not go for cheapest tender, au risque de dégrader la Cour suprême », a souhaité Eddy Balancy.