Le PM favorable à la participation d’un représentant US aux discussions anglo-mauriciennes
Le lancement du livre autobiographique consacré à Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos (GRC), réalisé par le Dr Ibrahim Alladin, s’est déroulé hier au Lizette Talate Community Center, à Pointe-aux-Sables, devant un parterre composé de représentants du gouvernement et de l’opposition. Outre la présence du Premier ministre, Navin Ramgoolam, et du Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, étaient également présents l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le leader de l’opposition, Joe Lesjongard. Ont également fait le déplacement d’anciens présidents ainsi que l’évêque de Port-Louis, Mgr Jean-Michael Durhône, et le cardinal Maurice E. Piat.
Dans son intervention, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, s’est réjoui que le livre, intitulé Olivier Bancoult, A cry for freedom, retrace non seulement la vie du leader du GRC, mais également de tous ceux qui ont participé à cette lutte avec lui. « C’est une lutte inlassable menée avant l’accession de Maurice à l’indépendance. Il n’y a pas plus grande injustice que celle consistant à déraciner un peuple », a-t-il dit.
Il soutient que la lutte contre le détachement des Chagos de Maurice a commencé avant la conférence constitutionnelle, soit en 1963, parce que, déjà à cette époque, les Américains convoitaient les Chagos et avaient demandé aux Britanniques de faire partir tous les habitants de l’archipel, bien qu’intéressés uniquement avec la création d’une base militaire à Diego-Garcia. Il a également cité les deux résolutions adoptées à l’époque aux Nations unies contre le démembrement du territoire mauricien avant l’accession à l’indépendance.
Le Premier ministre a par ailleurs rappelé que feu sir Seewoosagur Ramgoolam avait résisté à l’excision des Chagos du territoire mauricien. Ainsi, dit-il, le Père de la nation avait été mis devant un choix difficile par les Britanniques, à savoir accepter le détachement des Chagos, soit de rentrer à Maurice sans indépendance. « On lui avait fait comprendre que de toute façon, Maurice était une colonie, et que le gouvernement britannique pouvait procéder au détachement des Chagos par le biais d’un Order in Council. De retour à l’hôtel où il était descendu, SSR avait alors écrit sur un papier que Maurice devrait avoir le droit d’exploiter le pétrole ou le gaz si l’on en découvrait dans les eaux chagossiennes. De plus Maurice aurait dû avoir le droit de pêche ainsi que des Landing Rights », poursuit Navin Ramgoolam.
Le chef du gouvernement expliquera ainsi que ce document aura eu toute son importance bien plus tard, soit lorsque Maurice avait contesté devant le Tribunal des droits de la mer une décision du ministre britannique David Miliband, qui voulait convertir les eaux autour des Chagos en une zone marine protégée. À la cour de l’ITLOS, grâce à ce papier, la communauté internationale s’est finalement prononcée en faveur de Maurice et estimé que Maurice avait pleine souveraineté sur les Chagos.
Abordant les négociations entre Maurice et le Royaume-Uni concernant la souveraineté de Maurice sur l’archipel, Navin Ramgoolam est revenu sur le fait qu’il n’était pas d’accord avec le deal conclu en octobre de l’année dernière. L’objectif du nouveau gouvernement était qu’il ne devrait y avoir aucune ambiguïté au sujet de la souveraineté mauricienne sur les Chagos, y compris Diego-Garcia. « Nous ne voulions pas que le propriétaire devienne finalement locataire », maintient-il, ajoutant que les négociations s’étaient déroulées autour de trois points, à savoir la souveraineté de Maurice, la durée du bail et le package financier, sans toutefois donner plus de détails à ce sujet.
Navin Ramgoolam a par la même occasion révélé que les Américains ont manifesté le souhait d’avoir un représentant à la table des discussions entre Maurice et le Royaume-Uni. Maurice considère qu’il n’y a aucun problème, a-t-il dit. « Ils peuvent envoyer un représentant. Il est bon qu’ils soient au courant de ce qui se passe. Nous nous attendons à une réponse positive des États-Unis », fait-il comprendre.
Paul Bérenger (DPM) : « La souffrance des Chagossiens n’a pas de prix »
Paul Bérenger estime que les discussions entre Londres et Port-Louis sont terminées et que les Britanniques reconnaissent sans aucune nuance la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos. « C’est un grand pas en avant que les Britanniques reconnaissent sans aucune nuance la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos. Ils ont ainsi signé l’arrêt de mort du BIOT. Ni le Premier ministre ni moi-même ne pouvons dire beaucoup de choses sur l’accord que nous sommes prêts à signer, mais les Britanniques reconnaissent notre souveraineté entière », déclare Paul Bérenger. Avant de remercier les Chagossiens et Chagossiennes pour leur soutien à Maurice dans ce combat.
« J’ai appris beaucoup de choses, mais j’ai été parmi les premiers Mauriciens qui, en 1971, avaient découvert la souffrance du déracinement des Chagossiens et Chagossiennes sur le quai à Port-Louis. Michel Gérard Nina, aussi connu comme Ti-Moignac, avait été le premier, avant moi, à découvrir le drame à l’arrivée des Chagossiens. Je suis fier de cela. Aujourd’hui, nous finaliserons l’accord ensemble avec les Chagossiens et les Chagossiennes. Les Chagossiens peuvent être certains qu’après la signature de la souveraineté sur les Chagos, nous ne les abandonnerons pas ! » s’est-il appesanti.
Paul Bérenger a par ailleurs rendu un vibrant hommage aux Chagossiennes, telles que Charlésia Alexis, Lisette Talate et d’autres. « Je me souviens des manifestations au Jardin de la Compagnie, où les femmes étaient au premier rang devant les éléments de la Riot Unit », a-t-il dit, faisant état du Chagos Trust Fund, créé et dirigé par des personnes élues par les Chagossiens. « Zame pou ena ase pou repar soufrans Sagosien ek Sagosienn. Pena pri sa », devait-il avouer.
Paul Bérenger a aussi fait comprendre que dans cet accord, il n’est pas seulement question du bien-être des Chagossiens. « Il y a une aussi l’idée d’une nouvelle alliance stratégique entre Maurice, ancienne colonie, et la Grande-Bretagne, ancien pouvoir colonial. Nous pouvons prendre un nouveau départ dans les relations entre nos deux pays. La dernière colonie tire à sa fin, et nous avons une chance pour un nouveau départ », affirme-t-il. Avant de conclure en présentant Olivier Bancoult comme « un petit frère ».
Olivier Bancoult : « Nous sommes appelés à travailler avec le GM du jour »
« Nous sommes appelés à travailler avec le gouvernement du jour », affirme le leader du GRC, Olivier Bancoult. « Moris inn donn nou sans pou prezan divan pli gran instans zidisier kom Lakour internasional de zistis, kot Liseby Elysé inn rakont so soufrans. Kouma enn sel kou inn met li dan bato, li ti ansint kat mwa ek linn perdi so zanfan », dira-t-il avec force. Ce témoignage, selon lui, est venu démontrer que le déracinement du peuple chagossien est « une violation des droits de l’homme ».
Il relève également que la lutte chagossienne soutenue par le pays et de nombreuses personnes est « une lutte exemplaire, s’appuyant sur la non-violence », et ce, dans un monde dominé par la violence. Il note en outre que cette lutte est passée par la justice et par la voie diplomatique entre Maurice et la Grande-Bretagne.
Pour autant, pendant longtemps, le peuple chagossien aura été interdit d’accès sur l’archipel. De ce fait, il déplore le fait que « certains, aujourd’hui, lorsque nous pouvons nous retrouver sur Peros Banhos et Salomon, ne sont pas d’accord avec le deal ». Il ajoute que l’inscription « BIOT » sur la mappemonde sera retirée sous peu, avec la restitution dans son intégralité de la souveraineté de l’archipel des Chagos à Maurice.
Olivier Bancoult a par ailleurs donné l’assurance que « nou sir ek sertin ki avek dil ant Moris ek Langleter, pou bizin ena kitsoz pou Sagosien ». Et de faire part de la volonté du gouvernement mauricien et de celui de Grande-Bretagne, en plus des autorités américaines, de trouver une solution. Le leader du GRC s’est ensuite dit heureux de voir de nombreux Chagossiens natifs dans l’assistance. Avant de souligner que s’il devait choisir entre son identité et sa nationalité, il choisirait la seconde. « Se mo drwa. Mo pa pou les mwa pieze ! »
Il confirme par ailleurs que le GRC est en contact permanent avec le Premier ministre, le Deputy Prime Minister, l’Attorney General et même avec l’ancien gouvernement. Il a ainsi tenu à saluer « tous ceux qui ont soutenu et lutté aux côtés des Chagossiens dès le départ », citant entre autres les précédents Premiers ministres, à savoir sir Seewoosagur Ramgoolam, sir Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam et son adjoint, Paul Bérenger, mais aussi l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, Sylvio Michel, Kishore Mundil et Fernand Mandarin, parmi d’autres.
« Sans oublier toutes les Chagossiennes, qui ont toujours été au front en premier », dit-il, citant Charlesia Alexis, Lisette Talatte, sa mère, Rita Bancoult, ou encore Liseby Elysé. Il rappelle que plus de 300 natifs chagossiens sont encore en vie à Maurice, aux Seychelles, en Angleterre et en France. Dont une Chagossienne qui sera centenaire sous peu. « A ce jour, la communauté compte sept centenaires. »
Olivier Bancoult est aussi revenu sur les débuts de sa lutte aux côtés de sa mère, alors qu’il avait à peine 18 ans. « Une expérience difficile », selon lui, mais une lutte qu’il n’a pas abandonnée grâce aux encouragements et au soutien de celle-ci. Le jeune Olivier aura ainsi vite pris connaissance des droits de chacun de vivre sur sa terre natale. Et de se demander : « Kifer Sagosien ekspilse depi larsipel Sagos ? »
Olivier Bancoult se souvient aussi de son fils, Oliver, élève en Std IV, qui était venu le voir un jour pour lui demander dans quel district il était né : « Je lui ai répondu : “Je ne suis pas né ici, mais à Peros Banhos.” Et là, il m’a dit : “Be papi, enn zour to bizin amenn nou enn kou.” C’était un cri du cœur ! Un cri du cœur pas seulement de mon fils, mais de tous les garçons chagossiens. »
La cérémonie du lancement de l’ouvrage était également marquée par un discours de remerciement touchant de sa fille, Evelyna Bancoult, et du Vote of Thanks prononcé par son fils, Oliver. Philip Ah-Chuen, Ibrahim Alladin et le révérend Mario Li Hing se sont aussi adressés aux invités.