L’abécédaire 2024

A comme argent. 2024 s’achève sur une note salée. La caisse, comme dirait l’autre, est vide. L’économie est sous perfusion. La dette publique de Maurice avait atteint Rs 559,1 milliards à la fin de juin dernier. soit 83,4% du PIB. Et passera à 87%. Les recettes fiscales, Rs 13,8 milliards, reflètent des dépenses mal planifiées. En déficit, des entités de l’État, notamment la State Trading Corporation, Rs 5,6 milliards, la Wastewater Management Authority, Rs 527 millions, le Central Electricity Board avec un découvert bancaire de Rs 5,49 milliards, le Mauritius Post Ltd, pertes de Rs 83 millions et un déficit cumulé de Rs 2 milliards dans ses fonds de pension. Et quid des Rs 56,8 Md déboursées « en connivence avec la Banque de Maurice » et distribuées généreusement par la Mauritius Investment Corporation Limited à des groupes dont le gestionnaire de hôtels Sands et Maradiva, NG Group… L’argent, il en a aussi été question dans les promesses et programmes électoraux.

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B comme Belal. Le cyclone du 15 janvier aura fait vivre un cauchemar aux Mauriciens. Scène de chaos, de panique et de détresse dans toute l’île avec des inondations, dont les images avec les voitures emportées ont fait la une des médias étrangers. Belal, qui a fait deux morts, aura mis en avant la gestion catastrophique du cyclone par les autorités placées sous la tutelle de l’ex-ministre des Collectivités locales et de la Gestion des catastrophes et des risques, Anwar Husnoo. La météo en fera les frais avec pour résultat la démission du directeur d’alors, Ram Dhurmea.

C comme Chagos. Octobre dernier marque un tournant historique dans la lutte de Maurice pour la reconnaissance de sa souveraineté des Chagos, y compris Diego Garcia, mais qui reste toutefois une base militaire pour les USA pendant 99 ans. Le PM Keir Starmer du Royaume-Uni signe un accord politique dans ce sens avec l’ex-PM Pravind Jugnauth. La nouvelle, qui tombe alors que Maurice est en pleine campagne électorale, émeut la communauté chagossienne, mais la divisera aussi. Navin Ramgoolam, désormais aux commandes du gouvernement, a exprimé des réserves sur cet accord et veut davantage de temps pour en analyser les termes.

D comme Dip. L’ex-commissaire de police, Anil Kumar Dip, qui a démissionné au lendemain de la défaite historique du gouvernement MSM, n’aura pas quitté les casernes centrales avec les honneurs. Dip, qui a démissionné après la défaite historique du gouvernement MSM, quitte ses fonctions dans la controverse. Les révélations de Missie Moustass ont mis en lumière des allégations d’ingérence dans les affaires de l’État, son implication présumée dans la grâce présidentielle accordée à son fils, condamné pour détournement de fonds, ainsi que son manque d’impartialité dans la gestion de dossiers sensibles. Dip est également connu pour avoir été le premier commissaire de police incarcéré, ayant passé une nuit en prison en 2013 dans l’affaire Bramer Bank. Il a aussi contesté les pouvoirs du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) devant la Cour suprême. Avant sa démission, une plainte a été déposée contre lui pour utilisation abusive de véhicules de fonction par ses proches.

E comme élections. Les élections du 10 novembre 2024 marqueront les esprits pendant longtemps. Elles ont vu le 3ème 60-0 de l’histoire du pays depuis son Indépendance, mais aussi la détermination avec laquelle les Mauriciens se sont rendus aux urnes, très tôt, pour voter, plume en main, pour beaucoup. Jamais la méfiance envers un gouvernement sortant n’aura été à son paroxysme durant un scrutin, forçant candidats, agents et sympathisants à surveiller de près l’accès aux centres de dépouillement. Jamais, non plus, les Mauriciens n’auront autant célébré le départ d’un régime qui basculait vers l’autocratie et dont les dérives ont été dévoilées par des fuites téléphoniques pendant plusieurs jours.

F comme Facebook. « Pa tous nou Facebook », pourrait-on dire, lorsque ce vendredi 1er novembre 2024, l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), sous les directives du gouvernement, a suspendu l’accès aux réseaux sociaux, à quelques jours des élections. Plus qu’une plateforme sociale, Facebook (notamment) incarne un espace d’expression et de liberté, et aussi un outil de travail pour de nombreux Mauriciens. Suspendre les réseaux sociaux a été une erreur aussi ridicule que monumentale, vite rectifiée.

G comme gouvernement. Un nouveau gouvernement à l’Assemblée nationale en cette fin 2024 prend la barre d’un pays à la caisse quasi vide. Il doit répondre aux promesses faites à la population, plus ou moins pressée de voir les changements qui lui ont été promis. Ce gouvernement, avec un Premier ministre, Navin Ramgoolam, qui occupe ce poste pour la 4ème fois, sait qu’il marche sur des œufs et n’a pas droit à l’erreur. Le slogan BLD n’a pas été rangé aux oubliettes après le 10 novembre. Malgré une économie amputée de plusieurs milliards, le gouvernement doit, en peu de temps et preuves à l’appui, montrer qu’il mérite ses 60 sièges.

G (aussi) comme Grand-Bassin. Le dimanche 3 mars 2024, jour du pèlerinage dans le cadre de la fête de Mahashivaratree, est marqué par un tragique événement. Six jeunes hommes, âgés de 18 à 21 ans, trouvent la mort à Arsenal alors qu’ils se rendent à Grand-Bassin. Leur kanwar prend feu après avoir heurté un câble électrique à haute tension. Cet accident dramatique fait également 22 blessés.

H comme hippisme. Après avoir fait la pluie et le beau temps au Champ de Mars, ces dernières années, avec la bénédiction du MSM au pouvoir, le PTP qui a pour actionnaire majoritaire Jean-Michel Lee Shim, et qui officiait sous l’égide du bureau du PM, laisse les lieux, y compris la piste dans un état lamentable. À l’image de l’organisation des courses par cet organisme pendant deux ans. Ce qui avait poussé des écuries comme Gujadhur, Maingard et Merven de se retirer du Champ de Mars. Depuis novembre, un vent de changement souffle sur la piste avec le retour du Mauritius Turf Club, qui en aura le contrôle exclusif.

I comme incendie de Mare Chicose. L’incendie au centre d’enfouissement de Mare Chicose, survenu dans la nuit du 5 novembre, aura duré un mois. Il a été maîtrisé après une mobilisation accélérée des autorités de l’Environnement, pilotées par le nouveau ministre de tutelle, Rajesh Bhagwan, et la Junior minister Joanna Bérenger. C’est dans des conditions précaires de travail que des pompiers, manquant d’équipement, ont dû, dans un premier temps, faire face à cet incendie qui ravageait les 350,000 m2 du centre technique d’enfouissement. La collaboration des particuliers a été sollicitée et 25,000 tonnes de terre ont été acheminées pour circonscrire l’incendie, dont la fumée, poussée par le vent, a atteint des régions aussi lointaines que Quatre-Bornes. Le centre, qui existe depuis 1997, a atteint son niveau de saturation. Le gestionnaire, le duo Sotravic Ltée/Strata, a été sous le feu des critiques pour sa gestion. Un rapport avec des recommandations de la part du ministère de l’Environnement est attendu.

J comme Jugnauth. Mais où est Pravind Jugnauth ? Hormis des clichés volés pendant ses déplacements en Europe, partagés sur les réseaux sociaux, l’ex-PM a disparu après sa défaite aux élections générales de novembre dernier. Contrairement à son successeur et prédécesseur, Navin Ramgoolam, qui avait procédé à l’autopsie de sa défaite en 2014 en tant que PM sortant, assumant pleinement ses responsabilités lors d’une conférence de presse, Pravind Jugnauth n’a pas fait cet exercice. En revanche, il s’est adressé à cœur ouvert à ses candidats battus du MSM, qu’il avait conviés au Sun Trust.

K comme Kathalea Gaspard. L’innocence volée et la vie enlevée de la manière la plus sordide d’une petite fille âgée de 7 ans, un soir du 30 novembre, à Cassis. Son meurtrier, un proche de sa famille. Ce drame, qui a révolté tout un pays, est venu rappeler que n’importe quel enfant est à risque, mais aussi que la responsabilité de la famille est primordiale en matière de prévention et de protection. La loi aura beau être renforcée, il y aura toujours des prédateurs sexuels qui agiront. Face à cette réalité, les autorités de l’enfance n’ont toujours pas revu et corrigé les problématiques systémiques qui nuisent à la prévention.

L comme Loudspeaker. Sans aucun doute, le seul Speaker de l’histoire post-indépendante de Maurice à avoir été affublé d’un surnom (im)populaire, Sooroojdev Phokeer, n’a pas été un modèle d’impartialité pendant qu’il occupait la chaire de l’Assemblée nationale. Après son élection comme Speaker en novembre 2019, il avait déclaré à la presse : « Je serai impartial. » Mais il a prouvé le contraire tout au long de sa carrière dans l’hémicycle, lui valant les critiques de la population, jusqu’à sa démission en juillet dernier pour des raisons de santé.

M comme Mauriciens/nes. On dit souvent d’eux qu’ils/elles sont un peuple admirable. Lepep admirab, pour reprendre le terme consacré, qui est employé à la fois de manière sarcastique, lorsque ce peuple se plaint et subit sans manifester plus son indignation, ou lorsqu’une action collective de la population suscite l’admiration. Mais 2024 a été une année où les Mauriciens/nes ont forgé l’admiration en montrant qu’ils/elles sont capables de réagir et de changer leur destin dans le calme, sans violence. C’est aussi cela la maturité d’un peuple.

M comme Missier Moustass avec ses Moustass Leaks a plus haute échelle de l’Etat qui ont captivé les Mauriciens deux semaines durant avant les élections contribuant au 60-0. M aussi comme Mauriciens

N comme (la) Nouvelle Constitution a régulièrement alimenté les débats, notamment pour améliorer la gouvernance et l’efficacité politique. Les discussions sur la révision constitutionnelle sont liées à des réformes institutionnelles et des ajustements politiques, afin de répondre aux défis contemporains du pays.

O comme Ombudsperson pour les enfants. Aneeta Ghoorah est l’Ombudsperson des enfants depuis février 2024. Elle succède à Rita Venkatasawmy, qui a occupé ce poste de 2015 jusqu’à décembre 2023, date à laquelle son contrat a pris fin. Parmi les problématiques qui devraient retenir son attention, figure la déscolarisation des enfants, en particulier des filles avant l’âge de 16 ans. Le secteur éducatif ne lui est pas inconnu : elle a été enseignante, rectrice, puis directrice à l’Éducation. L’accès à l’éducation est un droit fondamental. Pourtant, de nombreuses jeunes filles, issues principalement de foyers vulnérables, quittent l’école avant l’âge de 16 ans, souvent parce qu’elles tombent enceintes. Le bureau de l’Ombudsperson n’a jamais réellement abordé ce problème en amont. Il est grand temps que le bureau d’Aneeta Goorah agisse !

P comme pouvoir d’achat. En constante baisse depuis ces dernières années, le pouvoir d’achat des foyers mauriciens n’a pas remonté la pente en 2024. Le pays, qui fait face à une dette publique record, repose sur une économie où l’inflation galopante – en raison de l’augmentation constante des prix des produits de première nécessité – a davantage affecté le pouvoir d’achat des Mauriciens, particulièrement les ménages les plus vulnérables, tout en rétrogradant la classe moyenne. Entre 2019 et 2024, le coût de nombreux biens essentiels a augmenté de 10 à 114%. Des familles qui peinent à se nourrir  convenablement sont, hélas, une triste réalité!

Q comme quatorzième mois. La promesse électorale du gouvernement a été tenue à moitié. Le ciblage a été appliqué pour honorer un engagement qui coûtera Rs 18.7 MD à l’État, alors que le 2ème boom économique vendu par l’ancien régime n’était en réalité qu’un miroir aux alouettes. Seuls les employés percevant un salaire allant jusqu’à Rs 50,000 sont éligibles à cette mesure (payable en 2 tranches) et dont on ne connaît pas encore les répercussions sur l’économie du pays. Dehors, l’incompréhension des uns rime avec la frustration des autres…

R comme réforme dans l’éducation. Le secteur n’échappera pas à une autre réforme. C’est l’examen de rattrapage après les résultats du Primary School Achievement Certificate qui, si l’on peut dire, a donné le ton à la réforme ‘subtile’ (selon le ministre de tutelle) initiée par le successeur de Leela Devi Dookun-Luchoomun. Désormais, les candidats peuvent se rattraper dans 3 matières, au lieu d’une. Mahen Gungapersad, pédagogue, a lui-même ouvert le dialogue avec tous les acteurs de l’éducation, lesquels semblent déjà conquis par le locataire de la MITD House. À l’agenda : plus d’Extended Programme, plus de Bright Up Programme, plus de NCE et, très probablement, plus d’académies.

S comme scandale de la Silver Bank. Adieu les Rs 8,1 MD émanant des fonds publics et déposées dans l’institution. Une enquête est en cours pour établir les responsabilités et mettre en lumière les pratiques controversées (sur fond de soupçons de collusion sous l’ancien régime) ayant conduit à cette débâcle financière. Rama Sithanen, le nouveau Gouverneur de la Banque de Maurice, a déclaré qu’il y a « peu d’espoir » de récupérer la somme astronomique volatilisée. Selon les premiers résultats de l’enquête, la majorité des prêts accordés par la Silver Bank a été obtenue par Prateek Gupta, époux de Ginny Gupta, l’actionnaire principale de la banque, qui détient 75% des parts via une société enregistrée aux îles Caïman. Comme dirait l’autre, affaire à suivre.

T comme téléphone portable. Cet objet de toutes les attentions et qui gagne de plus en plus de terrain chez les très jeunes pourrait être interdit dans les écoles. Pour le moment, son utilisation en classe est strictement prohibée. Mais l’idée qu’il soit complètement banni dans les établissements scolaires s’est renforcée. Le nouveau ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad, est pour. Il a même demandé aux principaux acteurs du secteur éducatif de le soutenir sur cette question. Le débat est ouvert.

U comme unité nationale. Nous avons été témoins que même une campagne électorale intense n’a pas eu raison de l’unité nationale à Maurice. Elle a su résister aux tensions et aux risques de dérapages. Dans les moments les plus délicats, les Mauriciens ont démontré une maturité remarquable, privilégiant le respect des différences. Ce maintien de la cohésion sociale reflète la solidité des valeurs mauriciennes ainsi que l’importance accordée à la paix et au vivre-ensemble, même dans les périodes les plus critiques.

V comme VIH. Officiellement, 12,455 personnes vivent avec le VIH à Maurice. 279 nouveaux cas ont été rapportés entre janvier et juin 2024. L’introduction du HIV self-test kit le 1er décembre est une initiative qui marque un tournant dans l’engagement de Maurice à vouloir faire reculer le virus. Désormais, toute personne estimant qu’elle a eu un rapport sexuel à risque peut avoir recours à l’auto-test et par ricochet au PrEP en cas d’un résultat réactif.

W comme water. Les réservoirs se vident, alors qu’un plan directeur pour une gestion durable du secteur de l’eau fait toujours défaut. Quant à l’objectif d’une fourniture en eau potable 24/7, il est tombé à l’eau ! Pourtant, en octobre 2023, le gouvernement mauricien avait signé un prêt de Rs 3 MD avec le Saudi Fund for Development pour financer la construction du barrage de Rivière-des-Anguilles, un projet estimé à Rs 8,7 MD. Et qui ne cesse de revenir sur le tapis. Parallèlement, le recrutement d’un consultant a été envisagé dans le cadre d’un prêt de 200 M d’euros (environ Rs 9,72 MD) consenti par l’Agence française de Développement (AFD). En complément, l’AFD a octroyé une subvention de Rs 73,9 M (1,520,000 euros) pour une assistance technique visant à accompagner le gouvernement dans l’élaboration de plans et de stratégies liées à la gestion de l’eau. Le problème de l’eau, c’est l’argent ?

X comme x-rated. Si les adultes pensent encore que la sexualité est un sujet tabou, de leur côté, les plus jeunes en parlent et y sont exposés. Entretemps, l’éducation à la sexualité peine encore à trouver sa place dans le programme scolaire à Maurice, malgré une réalité où les jeunes sont justement exposés à des questions de sexualité dès leur plus jeune âge, notamment à travers les médias et les réseaux sociaux. Il est souhaité que le nouveau ministre de l’Éducation, Mahend Gungaparsad, intègre cette thématique essentielle dans sa « réforme subtile ». Une telle initiative permettrait de mieux outiller les jeunes mauriciens pour faire face aux enjeux liés à la santé sexuelle et affective, aux relations et aux responsabilités.

Y comme Yovanni Philippe. Il a ramené une médaille de bronze des Jeux paralympiques de Paris 2024 qui vaut de l’or, pour lui comme pour toute l’île Maurice. Quelle bouffée d’air frais, quelle sensation et quelle fierté ce jeune athlète de 22 ans nous a offertes en septembre dernier ! Depuis son 9e couloir au Stade de France, il s’est élancé dans sa course : 400 m de la catégorie T20, pour se hisser à la 3ème place grâce à un chrono de 48 secondes et 30 centièmes. Yovanni Philippe est entré dans l’histoire du sport mauricien en devenant le premier athlète paralympique médaillé.

Z comme Zone d’Éducation Prioritaire. Avec un taux de réussite de seulement 42,50% aux derniers examens de Primary School Achievement Certificate dans les 28 écoles en Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP), il devient évident qu’une réflexion approfondie sur ce concept s’impose. Ce chiffre met en lumière l’urgence de repenser les approches éducatives pour répondre aux besoins spécifiques des élèves pour la plupart issus de milieux vulnérables en difficulté d’apprentissage. Une pédagogie différenciée, adaptée aux réalités et aux défis de ces enfants, pourrait permettre d’améliorer leur apprentissage, leur engagement scolaire et, in fine, leurs résultats.

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