Le KM entre en Grade 12 : Une suite logique, 13 ans après son introduction à l’école

L’introduction du Kreol Morisien (KM) au HSC (Lower Six, d’abord), cette année, marque une étape clé dans la place qu’ocupe désormais la langue au sein du système éducatif mauricien. Treize ans après les premiers pas officiels du KM au primaire et son introduction en tant que matière dans les examens nationaux, il était grand temps que la boucle soit enfin bouclée au niveau secondaire.

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“Le Kreol Morisien au HSC débute dès cette année” : cette déclaration du ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad, à l’issue d’une réunion à ce sujet lundi dernier, marque un tournant important dans la place de la langue créole au sein du programme éducatif. Cette initiative constitue le maillon manquant, tant attendu, dans le circuit éducatif, permettant ainsi de boucler la boucle au niveau secondaire. Alors que l’Université de Maurice s’apprête à franchir une étape clé en proposant, dès cette année, un cours de BA(Hons) en Creole Studies, il aurait été impensable que l’enseignement secondaire reste à la traîne. Depuis plusieurs années déjà, l’Université de Maurice propose un BA(Hons) en French and Creole Studies. Cependant, cette séparation des langues fera du Kreol Morisien, au niveau de l’enseignement supérieur, une matière à part entière, enseignée dans toute sa globalité pendant trois ans.

Pour un élève ayant appris le Kreol Morisien dès la Grade I, ayant passé des examens nationaux tels que le Primary School Achievement Certificate, le National Certificate of Education, puis le National School Certificate, être finalement privé d’un cours de Kreol Morisien à la fin de son cycle secondaire aurait constitué une forme d’injustice. Depuis son introduction officielle dans le système scolaire en janvier 2012, le nombre d’inscriptions au Kreol Morisien n’a cessé de rester stable, sans jamais enregistrer de baisse significative. Cette année-là, 3,384 écoliers de Grade I (anciennement Std I) ont été les premiers élèves de la République de Maurice à débuter l’apprentissage du Kreol Morisien à l’école. Depuis, le nombre d’inscrits demeure relativement constant. Les avancées du Kreol Morisien dans le système éducatif national ne peuvent être abordées sans évoquer le concept de Prevokbek, qui a vu le jour dans les filières pré-professionnelles de l’Éducation catholique. Ce programme, dans lequel le créole est utilisé comme médium d’enseignement et moyen d’apprentissage, avait déjà fait ses preuves dans plusieurs établissements catholiques, bien avant l’introduction officielle du KM à l’échelle nationale.

Maintenant que l’offre pour l’enseignement du KM au HSC est mise en place, il s’agit désormais de mesurer la demande qui en découlera. Un sondage en ce sens a été lancé dans les collèges. Selon le ministre, même si la demande est faible dans un établissement donné, une stratégie sera mise en place pour ne pas priver les élèves de cours de KM. Il est, donc, probable qu’ils devront suivre les cours de créole dans des collèges où la demande est plus forte. Lors des derniers examens nationaux du School Certificate, 546 jeunes ont participé aux épreuves de KM, avec un taux de réussite de 92,13%. Il n’est, cependant, pas certain que la totalité des 506 élèves ayant obtenu leur certificat en KM choisiront cette matière en première année de HSC. Toutefois, en termes d’intérêt pour le KM au SC, le nombre d’élèves a augmenté.

En 2023, année où les premiers examens dans cette matière ont eu lieu, ils étaient 188 à s’y inscrire. Au National Certificate of Education (Grade 9) de 2024, ils étaient 2,219 à avoir opté pour le KM. Et fait intéressant, le taux de réussite a frôlé les 90%. Au PSAC 2024, 3,446 enfants ont concouru aux examens de KM, avec un taux de réussite de 80.73%. Avec la possibilité d’opter au HSC pour le KM, qui deviendra une matière principale en 2026, avec une bourse en jeu, il sera intéressant de suivre l’évolution de la demande pour cette matière dans les années à venir.

À quasiment pareille époque en 2024, l’ex-ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun Luchoomun avait refroidi tous ceux qui réclamaient l’introduction du KM au HSC. La prédécesseure de Mahend Gungapersad avait fait comprendre que le nombre insuffisant d’ouvrages littéraires dans cette langue et la pénurie de personnel enseignant qualifié rendaient impossible l’enseignement du KM en Grades 12 et 13.
En ce qui concerne le matériel pédagogique, cela ne devrait pas poser de problème, d’autant que l’introduction de la matière en subsidiaire offrira au Mauritius Institute of Education et à ses collaborateurs le temps nécessaire pour ajuster le programme. De plus, le KM en tant que matière subsidiaire au HSC évalue les compétences orales, la compréhension et la rédaction. Quant aux ouvrages littéraires en Kreol Morisien, là encore, le problème ne se pose pas. Affirmer que la littérature en KM est pauvre serait une insulte au travail de tous ceux qui ont contribué à enrichir cette langue et à lui donner une place légitime dans la littérature créolophone.

De Charles Baissac à François Chrestien (avec Zistwar depi enn bob afrikin en version KM), en passant par Dev Virahsawmy et Michel Ducasse, la liste d’auteurs et d’ouvrages en créole mauricien, adaptés ou originaux, est loin d’être négligeable. En mars prochain, Cahier d’un retour au pays natal – l’œuvre poétique d’Aimé Césaire publiée en 1939 et considérée comme un chef-d’œuvre de la littérature martiniquaise – sera disponible en Kreol Morisien après la traduction entreprise par Michel Ducasse. Ce dernier est également l’auteur de Enn bouke bwa tanbour, publié en 2017, qui comprend la traduction en Kreol Morisien d’une trentaine de poèmes de grands poètes. Quant aux enseignants de KM au HSC, le ministre de tutelle a parlé de déploiement de ces derniers en fonction de la demande des élèves pour cette matière.

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