La coopération régionale au cœur de la protection de la biodiversité indianocéanique, une région identifiée comme hotspot ou point chaud prioritaire à l’échelle mondiale. Le programme Varuna mis en œuvre par Expertise France et financé par l’Agence Française de Développement (AFD), a dévoilé en début de mois les noms des lauréats de l’appel à projet Fonds Business Biodiversité Océan Indien, dont parmi quatre entreprises et fédérations d’entreprises, installées sur le territoire mauricien. Elles bénéficieront d’un financement pour développer davantage leurs projets de préservation et de restauration des écosystèmes marins et-ou terrestres entre autres. Julie Delaire, cheffe de projet du programme Varuna, nous en dit plus.
Le programme Varuna a été mis en œuvre par Expertise France pour une durée de cinq ans (2022-2026) et a pour objectif de lutter contre l’érosion de la biodiversité dans le sud-ouest de l’océan Indien. C’est ce que nous indique Julie Delaire, en déplacement à Maurice la semaine dernière. Financé à hauteur de 10 millions d’euros par l’Agence Française de Développement (AFD), « Varuna c’est un programme articulé autour de huit projets mis en œuvre par un réseau de sept partenaires établis dans la région océan Indien, œuvrant quotidiennement pour un objectif commun, celui de mettre la biodiversité au cœur de nos décisions, au bénéfice de tous », dit-elle. Elle explique que le programme et ses projets s’articulent autour de trois axes d’action : la mise en réseau des acteurs pour inciter des efforts coordonnés de préservation de la biodiversité ; le soutien à l’intégration des enjeux de transition écologique auprès des acteurs économiques de la région et l’appui au dialogue science-société à propos de la biodiversité.
L’on ne s’en rend pas souvent compte, mais la région océan Indien est l’une des plus riches au monde en matière de biodiversité. C’est d’ailleurs le constat d’Expertise France/Varuna sur la région. « La biodiversité de l’océan Indien, particulièrement dans la région de Madagascar et des îles environnantes, est exceptionnelle en raison de son taux élevé d’endémisme. Cette région est l’un des 36 points chauds de biodiversité dans le monde, abritant une diversité biologique riche, mais menacée. » Et ajoute que « la déforestation, principalement due à l’agriculture sur brûlis, a réduit la couverture forestière naturelle de Madagascar à environ 12%. La perte de forêt entraîne une extinction rapide des espèces, exacerbée par la pression démographique et le manque d’alternatives économiques pour les populations rurales . »
Julie Delaire insiste que Madagascar n’est pas le seul cas, et indique que « les îles de l’océan Indien, comme les Comores, Maurice et les Seychelles, subissent également des pressions environnementales telles que les espèces invasives, le changement climatique et la dégradation des écosystèmes. » Par ailleurs, « ces menaces ont réduit la résilience des écosystèmes, rendant la conservation de la biodiversité d’autant plus cruciale. Les récifs coralliens de l’océan Indien occidental sont également en danger critique. Selon l’International Union for Conservation of Nature (UICN), tous ces récifs risquent de s’effondrer d’ici 50 ans à cause du réchauffement des océans et de la surpêche. Ces menaces perturbent l’équilibre écologique et réduisent les services écosystémiques essentiels, tels que la fourniture de nourriture et la protection côtière. »
Face à ces menaces, Varuna est persuadé que les efforts de conservation nécessitent une coopération internationale et des actions concertées pour assurer la survie à long terme de la biodiversité de l’océan Indien et la résilience des communautés qui en dépendent . « C’est ce qu’entend porter Varuna qui, aujourd’hui, constitue un réel réacteur d’action pour un écosystème de partenaires dans la région : outre les 7 partenaires principaux du programme, 10 lauréats, acteurs du secteur privé de la région, ont rejoint Varuna cette année. Tous ces partenaires ont eux-mêmes leur propre réseau de partenaires : un écosystème foisonnant pour un enjeu crucial ! »
Quant à l’île Maurice, « bien que réputée pour sa biodiversité unique, fait face à plusieurs défis de conservation, exacerbés par des événements comme le naufrage du MV Wakashio en août 2020 », dit-elle. Si l’impact immédiat sur les oiseaux ait semblé limité, dit-elle, « les effets à long terme des marées noires peuvent être dévastateurs, mettant en évidence la fragilité des écosystèmes de l’île. » Les experts d’Expertise France sont ainsi conscient des « défis en matière de biodiversité, liés à la fois à des facteurs naturels et anthropiques » auxquels Maurice doit faire face (voir encadré). C’est d’ailleurs pourquoi Varuna a choisi de financer quatre lauréats mauriciens sur 10 lauréats totaux du Fonds Business. Il s’agit des sociétés Odysseo, ENL Agri, Regional Training Center (RTC) et le groupe Rogers, associés à leur réseau de partenaires (parmi lesquels : la Mauritian Wildlife Foundation, l’Association pour le Développement Durable, la Chambre d’Agriculture, Reef Conservation, mais aussi la Fondation solidarité du groupe Eclosia et l’Attitude Foundation du groupe Attitude Hotels).
Leurs projets cumulés comptent pour près de la moitié du Fonds Business Biodiversité Océan Indien de Varuna, pour un montant de subvention total de 1 232 054 euros (sur les 2,5 millions disponibles). « Nous sommes très fiers de la cohorte de lauréats, aussi bien à Madagascar qu’à Maurice, de notre point de vue, les projets retenus font état d’un réel potentiel d’innovation et de passage à l’échelle. En soutenant ces initiatives, nous permettons à des acteurs importants de l’écosystème mauricien, de démontrer qu’il est possible d’allier développement économique et préservation de l’environnement. Nous sommes impatients de les voir décliner cette dynamique sur le terrain, et ainsi créer un effet d’impulsion pour d’autres initiatives de ce type dans la région », ajoute Julie Delaire.
De plus, pour freiner les effets du changement climatique et autres dans la région océan Indien, Expertise France est convaincue que « l’approche régionale pour la préservation de la biodiversité dans l’océan Indien est essentielle en raison des enjeux écologiques et socio-économiques qui dépassent les frontières nationales. » Julie Delaire explique que la connectivité écologique est cruciale dans cette région, « où les écosystèmes marins et terrestres sont interconnectés, influençant la santé de la biodiversité et les moyens de subsistance des populations locales. » Et elle ajoute que « la biodiversité de l’océan Indien est fortement interconnectée. Par exemple, les récifs coralliens, les mangroves et les herbiers marins jouent un rôle vital dans la chaîne alimentaire marine et dans la protection côtière. Une approche régionale permet de coordonner les efforts de conservation de ces écosystèmes critiques, garantissant ainsi la résilience de la biodiversité face aux menaces telles que le changement climatique et la surpêche. »
Elle souligne aussi que de nombreuses espèces menacées, comme les tortues marines et les oiseaux migrateurs, traversent plusieurs juridictions nationales au cours de leur cycle de vie. « Une gestion concertée entre les pays est donc nécessaire pour assurer leur protection tout au long de leurs trajets migratoires . » Par ailleurs, « les défis environnementaux tels que la pollution marine et les espèces invasives ne respectent pas les frontières politiques. La coordination régionale permet de partager des ressources, des données et des expertises, ce qui renforce les capacités locales à répondre efficacement à ces menaces . » En outre, une approche régionale favorise le partage des meilleures pratiques et des innovations en matière de conservation. « La coopération régionale est donc un levier puissant pour mobiliser des financements internationaux et attirer l’attention mondiale sur l’importance de la biodiversité de l’océan Indien. » Pour Expertise France et Varuna, « une stratégie régionale coordonnée pour la préservation de la biodiversité dans l’océan Indien est non seulement nécessaire, mais aussi avantageuse pour la santé écologique et le développement durable des pays de la région. »
Maurice et ses défis de conservation
Expertise France et le programme Varuna nous partagent les principaux enjeux identifiés auxquels Maurice doit faire face :
— Les espèces Invasives : Les espèces non indigènes continuent de menacer la faune et la flore locales. Ces espèces peuvent supplanter les espèces endémiques en raison de l’absence de prédateurs naturels, perturbant ainsi les écosystèmes locaux .
— La perte d’habitat : L’expansion urbaine, l’agriculture et le développement infrastructurel ont entraîné une réduction significative des habitats naturels. La conversion des terres pour l’agriculture et le développement touristique est une pression constante sur les écosystèmes naturels de l’île .
— La pollution : La pollution des sols et de l’eau, y compris les déversements de pétrole comme celui du MV Wakashio, pose un grave risque pour les écosystèmes marins et côtiers. La pollution affecte non seulement la vie marine, mais aussi les moyens de subsistance des communautés qui dépendent de la pêche.
— Changement climatique : Les impacts du changement climatique, tels que l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans et l’augmentation des températures, menacent directement les récifs coralliens et les écosystèmes côtiers, qui sont vitaux pour la biodiversité et la protection côtière.
— La surpêche : La surexploitation des ressources marines réduit les populations de poissons et perturbe l’équilibre écologique des récifs coralliens. Cela affecte également la sécurité alimentaire et les économies locales qui dépendent des ressources marines .