Le 27 février sera célébrée la Journée mondiale des Ong. Celles-ci militent pour une cause précise ou défendent les droits d’une section de la population, voire ont un rôle d’éducateur. Mais alors que certaines sont déjà très connues, d’autres petites organisations se font plus discrètes, ce qui ne rend pas leur travail moins important.
Geerish Bucktowonsing, activiste social et ancien président du Mauritius Council of Social Service (MACOSS), fait ainsi voir que nombreux sont les enfants en situation de handicap ou en échec scolaire qui seraient livrés à eux-mêmes en l’absence d’Ong. Il se dit par ailleurs en faveur de l’amendement des lois pour que les Ong soient professionnalisées et puissent militer dans la durée.
Allia Syed Hossen-Gooljar, souligne, elle, « l’approche humaine » que les Ong ont de plus par rapport aux services publics. Mais que le plus grand problème demeure de « trouver des fonds ». L’imam Arshad Joomun, président de M-Kids, soutient de son côté qu’une réforme du système est « plus que nécessaire, car les Ong sont en train de donner un gros coup de pouce au gouvernement en prenant la moitié du travail que le ministère de l’Intégrité sociale aurait dû faire ». Le ministère, dit-il, « devrait ainsi soutenir les Ong en mettant à leur disposition des outils pour mener à bien leur mission ».
« N’importe quelle société moderne et démocratique ne peut se passer des Ong. Il ne faut pas oublier le système dans lequel nous opérons, soit un système de marché avec, d’un côté, le gouvernement qui travaille sur les Policy Papers et la gestion de la richesse publique et, de l’autre, le privé, qui travaille pour la création d’emplois et de richesses. Au milieu des deux, les Ong travaillent dans un but non-lucratif. Là où le travail des autorités s’arrête, celui des Ong prend tout son sens. Les Ong travaillent pour le bien commun », fait ressortir Geerish Bucktowonsing.
Les fonds en question
Ce dernier interpelle sur ce que serait le sort de tous ces enfants en situation de handicap ou en échec scolaire s’il n’y avait pas toutes ces Ong qui travaillent pour leur cause. Et, souvent, dit-il, à l’origine d’une Ong, militant pour des enfants handicapés par exemple, « il y a un parent d’enfant en situation similaire, qui a commencé à militer dans un garage, avec l’aide de quelques sponsors, et qui s’est battu pour la reconnaissance de son association ». Ce qui fait que, souvent, cette personne connaît la situation de ceux à qui elle propose de l’aide, pour l’avoir vécue elle-même.
Il se réfère par ailleurs à la question du VIH/Sida pour rappeler qu’avant 1987, « on disait qu’à Maurice, ce virus ne viendrait pas », dit-il. « Imaginez une femme qui a contracté le VIH dans un village et qui est rejetée parce qu’on croit que le moustique qui va la piquer pourrait être vecteur du sida… L’éducation, la sensibilisation et l’accompagnement sur la question ont été assurés par les Ong. »
L’activiste social renvoie aussi au travail des nombreuses Ong ayant permis de défendre la cause et le droit des jeunes filles, leur frayant un chemin vers l’université et le monde du travail. « Même là, la lutte continue, car il y a encore des femmes qui n’ont, par exemple, pas le même salaire que les hommes. » Les Ong, pour Geerish Buctowonsing, sont « la voix des sans voix, et ne sont ni dans le gouvernement, ni dans le privé ».
Il reconnaît qu’en temps de crise, il est plus difficile pour les Ong de trouver des fonds. « Bien des Ong dont je fais partie me font part de cette difficulté, elles sont dépendantes de l’argent qu’elles doivent recevoir du public ou du privé. C’est là où elles deviennent demandeuses. » D’où son plaidoyer pour le développement d’un secteur civique ou Non Profit Sector, « qui peut créer de l’emploi et rémunérer, mais ne déclare pas de dividends/profits ».
« Beaucoup d’Ong souffrent »
En effet, fait-il voir, « aujourd’hui, beaucoup d’Ong souffrent, n’arrivent pas à trouver des fonds, ne reçoivent pas le soutien des plateformes publiques mises à leur disposition, pour des raisons qui ne sont pas toujours claires ». Elles ne reçoivent pas non plus, dit-il, « de dons des entreprises ayant l’habitude de les aider, alors qu’elles défendent des causes très louables, comme d’accompagner des enfants ayant échoué à leur PSAC », par exemple. « Ces derniers sont alors livrés à eux-mêmes. Les Ong sont là pour leur donner une deuxième chance. »
L’ancien président du MACOSS plaide pour la professionnalisation des Ong afin qu’elles puissent voler de leurs propres ailes. « Il faut donner l’encadrement légal pour la création d’un secteur civique. Les Seychelles l’ont fait. Il est grand temps de créer le Non Profit Sector pour permettre à ces Ong de travailler dans la durée. »
Allia Sayed Hossen-Gooljar, président du Centre des Dames Mourides (CDM), explique que les Ong sont créées à partir d’un problème que les fondateurs ont eux-mêmes vécu. « C’est ce vécu qui les pousse à mettre sur pied une Ong. Ces personnes ont souvent une passion et sont guidées par l’empathie et la compassion. Souvent, à la radio, on entend des journalistes faire appel à des Ong, même si un tel service est proposé par le gouvernement. Par exemple, dans notre centre de dépistage du cancer du sein, quand on demande aux femmes pourquoi elles viennent chez nous, elles nous disent que chez nous, il y a cette approche humaine. Il n’y a pas cette atmosphère sévère », partage-t-elle. En effet, poursuit-elle, « quand les gens souffrent, ils recherchent de l’attention et de l’empathie ».
S’agissant de l’aspect financier, elle confesse que « le plus grand problème des Ong est définitivement de trouver les fonds ». Elle poursuit : « Depuis le Covid-19, beaucoup viennent vers les Ong parce qu’ils ont perdu leur travail. Il y a des cas où le mari a perdu son travail et où la femme travaille toujours, ce qui crée des tensions. L’homme perd confiance en lui. »
Pour qu’une Ong soit professionnelle, soutient la présidente du CDM, elle doit être gérée par des professionnels. « Et les professionnels, cela coûte. Vous verrez, les Ong qui sont connues emploient des professionnels. Il faut donner des outils économiques à ces Ong, surtout celles qui ont fait leurs preuves sur le terrain, pour qu’elles poursuivent leur mission. Il y a des Ong qui peuvent employer des personnes qui ne connaissent pas le terrain. » Elle ajoute : « On sait que le gouvernement a mis en place une institution pour gérer la distribution des fonds. Ces personnes doivent connaître la réalité du terrain. On ne peut s’asseoir dans son bureau et prendre des décisions. Quand on descend sur le terrain, on voit des choses qu’on n’aurait jamais imaginées. »
Allia Sayed Hossen-Gooljar fait aussi état de plus de difficultés aujourd’hui à trouver des volontaires. « Les gens ne sont plus aussi disponibles qu’autrefois. Aujourd’hui, on ne travaille plus de 9h à 16h, ce qui constitue un problème pour trouver des volontaires. »
« Le Macoss est mort »
L’imam Arshad Joomun, président de l’association M-Kids, fait voir que « le gouvernement ne peut tout faire de lui-même ». Il faut donc, dit-il, inspirer les citoyens pour se lancer dans le travail social. « Cela passe par le rejet du chacun pour soi, du chacun dans son coin. Il faut promouvoir le social. Si l’aide envers l’autre peut se faire au niveau individuel, l’aide envers l’autre à travers une association permet de s’enregistrer, d’œuvrer sous une structure légale et de bénéficier de certaines facilités. »
Toutefois, il concède que ces facilités ne sont pas toujours disponibles, ce qui rend le travail des Ong compliqué. « Autrefois, il y avait le NGO Trust Fund, le Macoss et les entreprises privées qui soutenaient les Ong. Or, ces entreprises, qui faisaient des dons sous forme de matériel scolaire, de fauteuils roulants pour les handicapés, etc., n’arrivent plus à donner, vu leur situation financière. »
Il regrette ainsi qu’en dépit du travail abattu par les Ong, celles-ci ne reçoivent pas toujours le soutien nécessaire. « Les Ong sont en train de donner un gros coup de pouce au gouvernement en prenant la moitié du travail que le ministère de l’Intégrité sociale aurait dû faire. Le ministère devrait ainsi soutenir les Ong en mettant à leur disposition des outils pour mener à bien leur mission. Le Macoss est aujourd’hui un éléphant blanc. On ne sait plus s’il est un instrument politique, mais on ne voit plus son rôle en faveur des Ong. Dans le temps, le Macoss était comme un grand-père, un parrain pour les Ong. Mais aujourd’hui, le Macoss est mort. Quel repère les Ong ont-elles ? » interpelle-t-il.
Depuis le Covid-19, confie l’imam Joomun, le nombre de demandes de bénéficiaires est allé croissant, car beaucoup ont perdu leur emploi. « Certains arrivent à se faire connaître, mais d’autres familles qui souffrent restent cachées. L’appel que je lance, c’est que le ministère de l’Intégration sociale comprenne mieux la signification de l’intégration sociale. Or, le ministère regarde plus la sécurité sociale. L’intégration sociale concerne des centaines d’Ong. Une réforme du système est plus que nécessaire. » conclut-il.