Journée mondiale de l’autisme — Sandrine Beauharnais : « Peu importe le regard des autres, c’est votre enfant »

Nous l’avions rencontré alors qu’il n’avait que 11 ans et nous découvrions ses dessins dans sa maison à Goodlands. Aujourd’hui, Noah Beauharnais a 17 ans et est un artiste autodidacte des plus talentueux. Dans le cadre de la journée mondiale de l’autisme célébrée tous les ans le 2 avril, nous avons demandé de ses nouvelles à sa maman, Sandrine Beauharnais. Pas peu fière du parcours de son aîné, elle avance sereinement avec Noah dans un monde où l’autisme, auparavant inconnu du grand public, est reconnu par tous ou presque tous. Rencontre.

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Notre dernière rencontre remonte à 2019 et nous gardons un doux souvenir de ce petit gaillard haut comme trois pommes, en train de griffonner sur son cahier de dessin, pendant que son frère et sa sœur jouaient. «Noah a 17 ans et il se porte très bien. Il va à l’école d’Autisme Maurice Calodyne», nous confie sa mère Sandrine Beauharnais, enseignante au collège BPS Fatima. «Ce n’est plus du tout le petit Noah que vous aviez rencontré. Il est aujourd’hui un ado bien robuste», ajoute-t-elle.

Même si cela remonte à plus de 10 ans, Sandrine Beauharnais se souviendra toute sa vie comment elle a su que Noah était autiste. «C’est à l’âge de trois, quatre ans que j’ai commencé à me poser des questions. Les premiers signes c’était qu’il ne parlait pas, qu’il ne faisait pas de eye contact, qu’il ne savait pas pointer du doigt et qu’il était hyperactif», se souvient-elle.

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Sandrine Beauharnais décide alors de prendre contact avec feu Géraldine Aliphon, fondatrice et directrice d’Autisme Maurice, figure clé dans le combat pour la reconnaissance des troubles du spectre autistique à Maurice. «Elle m’a recommandé le Dr Bodet qui a diagnostiqué l’autisme de Noah. Nous avons cependant fait un deuxième diagnostic deux ans plus tard, car lors du premier il était trop petit. Et son autisme a été confirmé.» Elle nous raconte qu’à l’époque, l’autisme était un sujet dont on parlait très peu : «C’était un handicap que les gens ne connaissaient pas beaucoup. Moi, j’avais vu une pub sur Canal plus et c’est par rapport à cela que j’ai commencé à faire mes recherches.»

Si ses proches ont de suite accepté la condition du petit Noah, Sandrine Beauharnais, elle, aura du mal, beaucoup de mal. «J’étais dans le déni. Je n’acceptais pas ça ! Aux étrangers, je disais que Noah parlait parce que c’était dur pour moi de dire le contraire, mais j’ai finalement eu un déclic un jour et je me suis dit : si moi je n’arrive pas à accepter cette réalité-là, jamais mon enfant ne pourra s’épanouir. J’ai donc commencé à accepter l’autisme de Noah et comme on dit, il est différent, mais pas moins. Bien au contraire! Il d’autres talents, d’autres dons.Depuis, les choses ont commencé à changer. »

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Elle poursuit, par ailleurs, que «mes proches ont compris et m’ont soutenue, mais il est vrai que les étrangers regardaient Noah différemment, parce qu’ils ne savaient pas justement ce qu’il avait. Ils voyaient que Noah avait des comportements inhabituels et certains faisaient des remarques ou lui criaient dessus, mais j’intervenais toujours pour leur expliquer qu’il n’était pas un enfant comme les autres. Le regard des gens changeait automatiquement.» Sandrine Beauharnais a, par ailleurs, à sa manière, beaucoup contribué au combat pour la reconnaissance de l’autisme à Maurice en partageant son vécu, son expérience : autrement dit, le meilleur moyen pour sensibiliser l’autre. «Beaucoup de parents ne savaient pas que leur enfant était autiste, mais en leur racontant mon parcours, ils ont décidé d’aller faire un diagnostic», dit-elle.

En effet, en tant que maman d’un enfant autiste, elle ne sait que trop bien les challenges et les difficultés auxquels les autres parents doivent faire face. «Il y a plus de dix ans, j’essayais d’accompagner Noah de plusieurs façons. Au début, le fait qu’il soit non verbal, je me suis très renseignée sur Internet sur comment communiquer avec lui. Puis, il suivait des séances de Speech Therapy. Et c’est à la naissance de mon deuxième enfant qu’il a commencé à se développer davantage», raconte-t-elle. La maman dit que l’école d’Autisme Maurice a aussi beaucoup contribué au développement de son enfant «et pour cela, je remercie ses éducateurs et tous ceux qui l’ont accompagné dans son parcours, que ce soit la famille et les amis.»

Dix ans après, les choses ont beaucoup évolué. «Beaucoup de choses ont changé, oui. Surtout par rapport au regard des autres. Il y a aussi beaucoup de grandes compagnies qui font de la sensibilisation à ce sujet. Les parents d’enfants autistes sortent aussi de chez eux et descendent sur le terrain. Et il y a également des éducateurs formés pour travailler avec des enfants autistes, contrairement à avant», dit-elle. Cependant, le combat n’est pas fini. «Malgré tout cela, je soutiens qu’il faut toujours des changements au niveau des infrastructures, par exemple par rapport aux écoles. Il faut plus d’écoles pour les enfants autistes», affirme-t-elle. De plus, elle souligne qu’il y a un problème de transport et de vans scolaires. «Noah a des amis qui sont déscolarisés, car ils n’ont pas de transport pour aller à l’école, et cela est dommage.»

Sandrine Beauharnais est d’ailleurs d’avis qu’il faut davantage de sensibilisation dans les écoles, les espaces publics, partout. «Ce n’est pas que le 2 avril que l’on va mettre un vêtement bleu. Non, non. Il faut que ce soit tout au long de l’année, parce que tous les jours un enfant est diagnostiqué autiste et cela est de plus en plus commun, où l’on voit que chaque famille a un membre autiste. On ne connaît pas la cause réellement, mais nous tous devons être conscients de ce qu’est l’autisme», insiste-t-elle.

Des infrastructures adaptées ainsi qu’un accompagnement scolaire et inclusif ne pourront qu’être bénéfiques pour ces enfants différents, mais pas moins. «Par exemple, si Noah n’avait pas reçu ce soutien, je suis certaine qu’il ne serait pas devenu ce qu’il est aujourd’hui. Il est autonome à sa façon, il se débrouille, il peut réchauffer un plat, il peut préparer un jus et faire plusieurs petites choses du quotidien.» Et d’ajouter que «Noah est un peintre autodidacte qui a fait sa première exposition. Il a appris à faire de la peinture seul. Il était pendant un moment déscolarisé, et il a juste pris un téléphone, a cherché un dessin qu’il a essayé de reproduire et le résultat était magnifique. Il a même reçu depuis des commandes de tableaux!»

Mère d’un adolescent épanoui, Sandrine Beauharnais peut aujourd’hui avancer sereinement. Son conseil aux parents d’enfants autistes : «Donnez tout votre amour à votre enfant et laissez-le prendre son envol, et ce, malgré nos appréhensions et nos peurs que nous pouvons ressentir en tant que parents. Il faut aussi ne pas se tracasser du regard des autres parce que peu importe ce que les gens diront ou feront, c’est votre enfant. Et peu importe si votre enfant est dans sa bulle, vous y êtes ensemble avec lui.» Fière de Noah, Sandrine Beauharnais nous confie que «Noah, c’est la résilience. C’est un garçon qui a su s’adapter facilement. Il était à terre, étant non verbal et dans sa bulle, mais il a su se relever. Il a su se battre pour se faire une place dans ce monde qui l’entoure et il peut aujourd’hui accomplir de belles et grandes choses. Je suis fière de ce qu’il est et de ce qu’il fait.» Noah Beauharnais, un adolescent autiste, et certainement pas moins…

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