Cardinal Piat : « Le chemin pour arriver à la paix passe par le dialogue et la rencontre »
La traditionnelle Messe de la Paix de la Commission diocésaine Justice et Paix dite chaque premier jour de l’an était axée, hier matin, 1er janvier 2022, autour du thème du dialogue comme chemin de construction pour une paix durable. « Le chemin pour arriver à la paix passe par le dialogue et la rencontre, un dialogue sincère et respectueux qui n’a pas peur des différences. Le but d’un tel dialogue est non pas de marquer des points et de gagner, mais d’avancer ensemble vers le bien commun de notre société, de notre pays. Notre société a besoin de trouver ce type de dialogue pour pouvoir respirer, retirer un souffle et avancer pendant cette année qui s’ouvre devant nous », dit d’entrée le Cardinal Maurice Piat qui a célébré la messe. Il a invité tout un chacun à être un artisan de paix. Le vicaire général du Diocèse de Port-Louis, Jean-Maurice Labour, a mis en avant qu’il ne peut y avoir de paix durable sans le dialogue durable, comme le souligne le pape François.
“Vrai dialogue constructeur de paix.”
Restrictions sanitaires obligent, c’est dans l’intimité, sous la varangue de la cure située à quelques pas de la Cathédrale Saint-Louis, qu’a été dite la messe annuelle organisée par Justice et Paix à l’occasion de la journée mondiale de la Paix célébrée par l’Église catholique le 1er janvier. Comme cela est pratiqué dans toutes les paroisses, les protocoles sanitaires, c’est-à-dire la distanciation sociale et le port du masque étaient de rigueur, alors que les membres de l’assistance avaient soit été invités ou avaient réservé leur place au préalable. Présidée par l’évêque de Port-Louis, le cardinal Maurice Piat, et minutieusement préparée par la Commission Justice et Paix, la messe était animée par une chorale composée de jeunes. L’homélie à cette célébration a été dite par l’aumônier de la Commission et vicaire-général, le père Jean-Maurice Labour qui indiqua que le discours des Béatitudes puisé de l’Évangile de Matthieu est comme la Charte du Royaume de Paix qu’il incombe aux chrétiens de construire avec leurs frères et sœurs des autres confessions. Une charte qui, selon le prédicateur, indique les chemins d’un “vrai dialogue constructeur de paix.” Selon le père Labour, la paix se construit en cultivant en nous les vertus d’humilité, en ayant le courage d’affronter le conflit et en ayant la pureté d’intention.
Le dialogue pour une paix durable
“Le dialogue est la condition incontournable de la construction d’une paix durable”, a fait valoir l’aumônier de la Commission Justice et Paix, rappelant que, selon le Pape François, cette paix durable consiste à créer et maintenir des processus d’écoute mutuelle. Il évoqué les circonstances où le dialogue peut être difficile mais pas impossible, notamment dans les familles où la difficulté de dialogue entre l’homme et la femme peut aboutir à des drames passionnels; ou entre la société civile et le gouvernement, comme témoigné lors des manifestations suivant le naufrage du Wakashio et la première vague du Covid-19. Le prédicateur devait aussi faire état des relations délétères entre Majorité et Opposition à l’Assemblée nationale “qui devrait, pourtant, être le temple du dialogue”. Le père Labour a aussi mis en exergue les “perpétuels walk-out et autres vociférations des deux côtés de la Chambre” et a dire comment “le peuple souffre de voir ses représentants les plus dignes afficher des exemples flagrants d’un impossible dialogue contradictoire d’une démocratie en souffrance.”
L’aumônier a aussi cité le monde de la culture. Là où, selon lui, il arrive aussi que le dialogue s’établit difficilement. Il s’est, à cet égard, référé à un récent constat fait par le président de la English Speaking Union, Serge Rivière pour qui “il y a trop d’arrogance dans le monde académique.” Le père Labour devait ainsi appeler à ne pas porter de jugement de valeur sur les autres en citant un extrait du fameux poème If du célèbre écrivain britannique Rudyard Kipling. Le prêtre a, en outre, cité la propre Église catholique où le dialogue se fait aussi difficilement entre “progressistes et conservateurs” et “partisans d’une Église entièrement tournée vers le spirituel et ceux plus favorables à une Église plus engagée socialement.” Le vicaire-général a aussi évoqué le dialogue interreligieux “qui demeure difficile”, en dépit des énormes progrès réalisés.
Les medias
acteurs majeurs
Dans son homélie, l’aumônier de la Commission Justice et Paix a, par ailleurs, parlé des médias, “acteurs majeurs du dialogue social” et comment aujourd’hui, avec l’explosion des supports médiatiques, l’émotionnel est favorisé au détriment de la raison. “Le défi posé au dialogue social dans ce domaine, c’est le filtrage du bla-bla spontané qui déferle chaque jour sur les réseaux et les radios.” Mais le prédicateur reconnaît que s’il faut réguler le mauvais usage de la liberté d’expression, il existe quand même “la tentation dictatoriale de museler cette liberté, au nom même de la démocratie.” Regrettant que les acteurs des médias n’arrivent pas à s’accorder sur l’importance d’une autorégulation.
Pour le prédicateur, l’exigence d’un dialogue constructeur de paix passe aussi par un dialogue intérieur. “Faire dialoguer en nous ce qui, dans un premier temps, paraît opposé aboutit à une vérité supérieure”, fait valoir le père Labour qui a cité le Pape François pour qui “une pensée féconde doit toujours rester inachevée afin de laisser la place à un développement ultérieur.” Et de souligner comment le Saint Père s’est complètement départi de la vieille doctrine dite de “l’infaillibilité papale”. “Le Pape François dit avoir appris de ne pas exiger des certitudes absolues en toute chose.”
Pour le père Labour, le manque de dialogue peut “conduire à une absurdité comme la censure du message de Noël du cardinal.” Ou encore, a-t-il dit, à la contradiction d’autoriser 50 personnes pour les mariages et les enterrements dans des lieux de culte pourtant interdits à plus de 10 personnes.
Il a insisté sur le fait que le dialogue doit être durable et ne pas intervenir uniquement en temps de crise. Pour lui, “Construire la paix dans la diversité des opinions et des options exige de se mettre en dialogue permanent. Ce dialogue suppose bien d’autres vertus à développer : il ne peut y avoir de dialogue sans la conviction que l’autre a une vérité à m’apporter. D’où l’importance d’avoir l’humilité de reconnaître que je ne détiens pas toute la vérité. Le dialogue exige également une écoute empathique.” Exprimant ses souhaits, en conclusion de son homélie, le prédicateur devait appeler pour la nouvelle année 2022 à un dialogue “vrai, sincère, intelligent et contradictoire, au besoin.” Un dialogue qui habite “toutes les institutions de notre République.”