Journée internationale des personnes âgées : Nos gran dimounn, un trésor à préserver

Rendons à César ce qui appartient à César. Si la Journée des personnes âgées à Maurice est désormais associée aux grands rassemblements pour convaincre en cette année électorale comme la grand’messe où elles sont conviées aujourd’hui au SVICC à Pailles… elle reste surtout l’occasion pour rendre hommage à toute une génération de Mauriciens qui, loin des facilités du monde contemporain, ont contribué à construire la République mauricienne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Bien que souvent victimes de brimades sur les réseaux sociaux, ou d’agressions de plus en plus virulentes, nos aînés, piliers de notre société, gardent la tête haute. Week-End fait le point.

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C’est un fait. Maurice assiste à un vieillissement progressif de sa population. Selon le National Integrated Care for Older People Strategic and Action Plan (2022-2026), la population des personnes âgées augmente à la fois en nombre et en proportion. Le rapport indique que le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus devrait augmenter de 44%, passant de 237 195 en 2021 à 340 541 en 2061. La part de la population âgée de 60 ans ou plus dans la population totale devrait augmenter de 18,7% en 2021 à 36,5% en 2061, tandis que la part de la population âgée de 15 à 59 ans devrait diminuer de 64,6% en 2021 à 51,9% en 2061.

Par ailleurs, l’espérance de vie à la naissance s’est considérablement améliorée au fil des ans. Ainsi, celle des hommes à la naissance est passée de 59 ans en 1962 à 70,3 ans en 2020 et celle des femmes est passée de 62 ans en 1962 à 77,2 ans en 2020. Puisque les femmes vivent plus longtemps, elles sont majoritaires dans les groupes des “personnes âgées.” D’ailleurs, les associations pour seniors ont la cote sous les tropiques. L’on comptait ainsi, en 2020, 825 associations régionales pour personnes âgées à Maurice et 72 clubs à Rodrigues.

Si de nos jours les seniors commencent petit à petit à mieux planifier leur retraite, en fréquentant des clubs de troisième âge ou encore en faisant des pèlerinages ou des croisières, force est de constater qu’il y a encore beaucoup trop de préjugés autour des « vie dimounn », qui vivent mal leur solitude. En effet, à Maurice, les soins de longue durée sont considérés comme une responsabilité familiale, bien que cette pratique évolue. Faute de temps ou de moyens, les enfants n’ont parfois pas les outils nécessaires pour comprendre ce mal-être. Ainsi, toujours selon le National Integrated Care for Older People Strategic and Action Plan (2022-2026), l’on prévoit une augmentation des taux de démence et de handicap, ainsi qu’une augmentation de la demande globale de soins de longue durée à l’avenir. En 2020, 52 foyers privés fonctionnaient dans le pays.

Le Study on the Integration of the Elderly in the Family, publié en 2004 par le Mauritius Research Council, relève des points importants et qui restent d’actualité, même 20 ans après. Abordant la question du rôle des personnes âgées dans les familles, et la société en général, le rapport soulevait un gros problème d’exclusion. Les seniors sondés l’expliquaient eux-mêmes par le mode de vie moderne où le mari et la femme travaillent, l’éclatement de la famille élargie et son remplacement par la famille nucléaire, ainsi que les valeurs du matérialisme et de l’individualisme qui transcendent les valeurs dites « traditionnelles » telles que l’entraide, et le souci et le respect des parents âgés et d’autres personnes.

Le rapport indique aussi qu’avec l’arrivée des jeux informatiques, le rôle des grands-parents, notamment en ce qui concerne la narration d’histoires et la compagnie en général, est devenu obsolète. Par ailleurs, la plupart des personnes interrogées ont convenu que, si les personnes âgées ont sacrifié et consacré leur vie à leurs enfants, ces derniers, une fois mariés, ont tendance à concentrer leur attention sur leur nouvelle famille et, ce faisant, à créer un vide dans la vie de leurs propres parents. Certaines des personnes interrogées ont aussi confié que les simples formalités et courtoisies, qui sont très importantes pour elles, telles que les salutations, les visites et les conversations, leur sont désormais souvent refusées par leurs propres enfants. Beaucoup ont estimé qu’il leur incombait d’approcher leurs enfants, par exemple, en prenant sur eux pour les inviter à manger, afin d’être en leur compagnie.

Des témoignages poignants qui lèvent le voile sur un problème grandissant. Si nous ne citons que deux rapports dans cet article, il en existe des dizaines d’autres, tous abondant dans le même sens : nos seniors ont des droits, dont le droit au bonheur. Si aujourd’hui l’on sera tentés de s’indigner ou de se moquer des ti-matant et ti-tonton amassés dans un centre et « ki ti kapav al vey tizanfan olie ekout dimounn koze », n’oublions pas que ce sera sans doute, pour eux, une des rares sorties où ils pourront se sentir importants. À bon entendeur.

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