À 31 ans, Jennifer Ackbar est la seule femme armée de l’équipe — majoritairement masculine — chargée du transport de fonds de la Caudan Security Services Ltd. Passionnée par son métier, cette mère de cinq enfants, qui sillonne le pays en convoi blindé, nous raconte son parcours avec une légitime fierté. Sa détermination, son courage et sa rigueur ont fait d’elle une figure incontournable de son équipe. Chaque jour, elle prouve qu’il n’y a pas de limites à ce qu’une femme peut accomplir dans un métier où la force et la sécurité sont primordiales.
1,52m et du caractère, Jennifer Ackbar ne sourit pas toujours. Pas quand elle est en service. Sa détermination est inébranlable. Son petit gabarit est trompeur. Qui la cherche, la trouve. La défense et l’attaque sont son fort. « Je peux mettre à terre un homme de forte corpulence. Je suis entraînée à cela », dit-elle sans détour. Et s’il y a nécessité, dans une situation à risque où, par exemple, sa vie ou celle de ses collègues est menacée, Jennifer Ackbar peut compter sur son « ti baba », allié indispensable pour dissuader toute tentative d’intimidation. Ce qu’elle appelle affectueusement « mo ti baba » est son pistolet, toujours à sa taille lorsqu’elle est en service.
Marchant d’un pas décidé, la jeune femme, que nous avons rencontrée au siège de l’entreprise de services de sécurité, se dirige vers un local où l’accès est contrôlé. À la voix masculine, derrière la porte, qui lui demande de décliner son identité, elle répond d’un ton ferme : « Ackbar ! » C’est dans ce local qu’elle récupère son arme avant de prendre la route à bord d’un véhicule blindé. Derrière ses lunettes noires vissées sur le nez, Jennifer Ackbar a les yeux qui pétillent. Chaque sortie est une mission, et c’est non sans fierté qu’elle en parle.
« Quand je porte l’uniforme, je ne pense pas à mon statut de femme. Je suis une agente de sécurité armée, chargée d’accomplir les responsabilités qui me sont attribuées, comme le transfert d’argent de nos clients. Et cela concerne des sommes importantes », confie Jennifer Ackbar. « J’ai toujours rêvé d’être policière. Quand j’étais plus jeune, j’admirais un membre de ma famille qui fait partie de la force policière. Ce métier symbolise l’autorité et le respect », dit-elle. Mais Jennifer Ackbar ne remplissait pas les critères, à commencer par sa taille, pour être recrutée dans la police. « Je me suis mariée très jeune », raconte l’agent de sécurité armée.
Devenue mère très tôt, cette habitante de Saint-Pierre a rangé son rêve de devenir policière aux oubliettes pour trouver un emploi qui allait subvenir aux besoins de son foyer. « J’ai été embauchée par une compagnie de nettoyage. J’étais postée au Caudan Waterfront. Là-bas, je voyais les agents de sécurité de Caudan Security Services Ltd. Je les regardais avec admiration, tant j’étais impressionnée par leur prestance. Et quand il y avait des exercices de simulation d’incendie, j’étais encore plus impressionnée en les voyant à l’œuvre », explique Jennifer Ackbar.
Lorsque l’entreprise de nettoyage a fermé ses portes, elle n’a pas tardé à trouver un autre emploi. Le hasard, la chance, sa bonne étoile ou le destin a voulu qu’on lui propose d’intégrer l’équipe de sécurité de Caudan Security Services Ltd. Jennifer Ackbar n’a pas mis longtemps à réfléchir et a répondu affirmativement.
Quand elle prend son nouveau poste au sein de la compagnie de Saint-Pierre, Jennifer Ackbar rejoint la grande équipe d’agents de sécurité. « C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que je devais afficher mon caractère, franc et sérieux, pour le public, les clients et aussi pour mon métier. Pour parvenir à faire transparaître ce trait de caractère, je me suis mise dans la peau d’un homme, juste pour comprendre comment cela pouvait fonctionner », concède Jennifer Ackbar en souriant. Depuis, c’est son caractère à part entière qu’elle démontre et défend : « Mo’nn kontign gard mo figir serie. » Être agent de sécurité a été une belle expérience, dit-elle. La formation reçue, le contact avec le public et les principes du métier l’ont forgée.
Au bout d’un an, Jennifer Ackbar est convoquée par son supérieur. « Il m’a dit que j’avais le profil recherché pour faire partie de l’équipe de Cash in Transit. Il y avait des retours positifs sur mon professionnalisme. J’ai été surprise. Intégrer cette équipe signifie entrer de plain-pied dans un univers masculin », confie-t-elle. « À cette époque-là, j’étais physiquement plutôt frêle. D’ailleurs, j’ai entendu certains se demander, en parlant de moi, si sa madam-la pou kapav lev lamal », raconte Jennifer Ackbar en esquissant un grand sourire.
Elle n’a pas tardé à leur prouver qu’elle était capable de transporter une malle. Mentalement conditionnée, Jennifer Ackbar rejoint l’équipe de service de transport de fonds du groupe. Elle suit le programme de formation qui couvre des exercices d’escorte à pied, des exercices contre les embuscades, des exercices offensifs et défensifs, l’autodéfense, ainsi que la manipulation et l’utilisation sécurisée du pistolet et des techniques de conduite défensive. « Je n’oublierai jamais le jour où j’ai tenu le pistolet pour la première fois en main. C’était pour l’exercice de tir. J’étais plutôt tendue et concentrée. Après les premières détonations, ça allait mieux. Et les balles avaient atteint la cible », dit l’agent de l’équipe de transport de fonds. Et pour maintenir sa forme, elle est tenue de participer au programme de formation continue en ce sens.
Munie de son gilet pare-balles et de son pistolet, Jennifer Ackbar sillonne l’île avec ses collègues tous les jours à partir de 8 heures, avant de rentrer au siège de la compagnie vers 17 heures. Banques commerciales et compagnies aux activités diverses font partie des clients qui comptent sur l’équipe de la CIT. Depuis cinq ans que Jennifer Ackbar assure le transport de fonds, elle continue à attirer les regards curieux et admiratifs, même si, au fil des années, ceux qui ont eu l’habitude de la voir à l’œuvre ont normalisé sa présence sur le terrain. Durant sa carrière, elle n’a jamais eu, dit-elle, à appuyer sur la gâchette. « Toutefois, cela ne veut pas dire que les agents et notre convoi soyons à l’abri des risques d’attaque. Même si nous ne travaillons pas dans le même environnement et dans les mêmes conditions qu’à l’étranger, nous pratiquons un métier qui comporte des risques », poursuit Jennifer Ackbar.
« À la fin de ma journée, quand je rentre chez moi, je troque mon uniforme pour la tenue de mère », confie Jennifer Ackbar. Pilier de sa famille, elle reconnaît que sans le soutien de sa mère, qui l’aide à s’occuper de ses enfants, elle n’aurait pas pu jongler entre son métier et son foyer. « C’est aussi ma mère qui m’encourage à prendre du temps pour moi. C’est ce que je fais le dimanche. D’ailleurs, c’est ce jour-là que je peux me faire coquette et mettre en avant ma féminité », explique l’agent Ackbar. Cette dernière fait la fierté de sa famille et de ses enfants. « Mes enfants sont fiers de moi. Mon jeune fils raconte à ses copains que sa mère est policière », dit-elle en s’esclaffant avant de reprendre : « Apre tou, nou travay preske parey. Nou gagn mem formasion fizik. »