Jardin de Pamplemousses : un coup d’épée dans le bassin !

Dans une correspondance adressée à Week-End, mais qu’il aurait aussi vulgarisé sur ses réseaux sociaux, Serge Astruc, initiateur du site FB Le Jardin de Pierre Poivre 1719-1786, émet des interrogations et réserves sur le contenu de l’article paru dans nos colonnes le 19 août 2024, avec pour titre « Le jardin botanique de Pamplemousses retrouve des couleurs », où nous avions mis l’emphase sur la réhabilitation de ce lieu mythique, mené par une équipe de scientifiques qui était en train de porter ses fruits. Se fondant… à ses risques et périls… sur les images prises récemment par l’ex-Présidente de la République et scientifique, Ameenah-Gurib-Fakim, Serge D. Astruc souligne que « ces images réfutent votre reportage, qui semble promouvoir le travail colossal actuellement mené par une équipe de scientifiques en vue de réhabiliter le jardin, sans pour autant convaincre. Je ne sais pas quels sont ces scientifiques car vous ne les nommez même pas. »

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Si M. Astruc avait pris la peine de lire l’article du Week-End du 26 mai dernier sur la réhabilitation avancée d’une partie du jardin, il aurait alors pris connaissance que le scientifique en question est Jean-Claude Autrey, un botaniste de renom, diplômé de l’Université de Londres, à qui a été confiée la lourde tâche de restaurer le jardin. Le travail ne faisait, certes, que commencer et si la réhabilitation n’a pas couvert la totalité du territoire dévolu à cette fonction, les points névralgiques importants pour les visiteurs ont, néanmoins, été restaurés.     

On ne compte plus le nombre de fois où Week-End a tiré à boulets rouges sur les autorités responsables de la maintenance et de la sauvegarde de l’Éden créé par le célèbre botaniste Pierre Poivre. Un crève-cœur ! Ce terme usé, parmi tant d’autres, n’était pas assez fort pour décrire ce « je-m’en-foutisme » dont ils ont fait preuve, avant la pandémie du Covid-19 et après, jusqu’à que le gouvernement ne sorte de sa léthargie, en décembre 2023.

À boulets rouges         

Ameenah-Gurib-Fakim fait ressortir que « I have not visited the garden over the past few years – Covid oblige – but I visited it recently. It had bad press just over two years ago, and I was hoping to see the garden in better shape… » En effet, le jardin était dans un état lamentable avant et durant la pandémie – sauf que si elle s’était rendue sur le site, comme nous, entre 2021 et mars 2024 –, elle aurait eu les larmes aux yeux en constatant que les choses s’étaient nettement détériorées depuis sa dernière visite, au point où les témoignages négatifs et acerbes de touristes ayant visité le jardin pullulaient sur le site TripAdvisor

Ameenah-Gurib-Fakim a beau s’appesantir sur tout ce qui n’a pas été encore fait, sauf que ce sombre tableau ne peut occulter les énormes progrès qui ont été accomplis en si peu de temps sur les 37 hectares qui composent le site. On persiste et signe. Il faut, parfois, se frotter les yeux devant cette métamorphose ! On aurait pu, comme l’a fait l’ex-Présidente, remettre en perspective le triste spectacle des carrés de fleurs vides et envahis de mauvaises herbes ou la santé précaire des fleurs de lotus qui – après avoir subi les foudres d’une maladie cryptogamique identifiée dans un des quatre bassins – font l’objet d’un vaste programme de réhabilitation, mis en place par Jean Claude Autrey, mais il est important de remettre les choses dans leur contexte.

Un long chemin à parcourir…

Ce ne sont  pas les centaines de photos publiées par des visiteurs étrangers et mauriciens sur leurs pages Facebook ou sur celle intitulée Ile Maurice, l’étincelante qui contrediront nos propos. Certes, il reste un long chemin à parcourir avant que ce lieu mythique ne retrouve son lustre d’antan, mais ces visiteurs (au fait que des travaux de réhabilitation qui sont en cours) piaffent d’impatience de découvrir ce qu’il adviendra à l’issue de la première phase des travaux qui sera complétée – de même que la signalétique des 823 espèces présentes dans le jardin – en décembre prochain. « Mon équipe et moi faisons un travail colossal et nous attendons la fin de l’ouvrage avant de tirer des conclusions sur sa finalité, mais je suis très confiant qu’on aura les résultats escomptés. Je ne souhaite pas m’attarder sur les polémiques car chacun a droit à sa propre opinion », confie Jean-Claude Autrey, le botaniste et scientifique qui pilote ce projet de remise à neuf.

Le jardin de Pamplemousses retrouve des couleurs et il suffit, pour s’en convaincre, d’admirer l’inflorescence spectaculaire de la Rose de la montagne, originaire du Venezuela. Énorme et d’un rouge écarlate. Des  nombreuses variétés à fleurs spectaculaires, ornant le jardin près de la demeure de Mon Plaisir, avaient perdu de leur éclat depuis quelques années. Les anthuriums, bégonias et orchidées qui y sont cultivés rayonnent de nouveau. Les fleurs de lotus ont repris vie dans l’un des bassins qui regorge aussi des célèbres nénuphars provenant d’Amazonie. Envahie par du taro (brède songe), l’entrée du site a été nettoyée. Après avoir été négligée, la patine cuivrée du buste en étain de cet illustre personnage luit de nouveau à l’ombre des feuillages du jardin, au même titre que la statue de Bernardin de St. Pierre et l’Obélisque Liénard. Le portail en fer forgé (la grille victorienne), récompensé à l’exposition internationale de Crystal Palace en 1862 en Angleterre, était en piteux état, car partiellement rongé par la rouille. Il fait, enfin, l’objet d’un plan de réhabilitation. Les 40 allées du jardin, faisant plus de 8 km, ont été asphaltées. Les 12 kiosques ont été rénovés à leur état avec la conservation des toits de chaume. La demeure de Mon Plaisir a été restaurée. Idem pour le moulin à sucre datant de 1953.

Une tâche herculéenne

Tout sommairement résumé pour rappeler un fait irréfutable : une tâche herculéenne attendait le botaniste Jean-Claude Autrey et son équipe, et il faut être de mauvaise foi pour ne pas saluer le bon début de travail accompli par ce dernier depuis qu’il s’est donné comme objectif de sauver ce patrimoine inestimable voué à la disparition. Pour faire les choses en grand, les services d’un expert du prestigieux Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en France, qui compte 50 ans d’expérience en architecture des arbres, ont été retenus. Des séances de formation touchant à divers aspects (histoire, botanique, patrimoine) pour les guides du jardin, de concert avec l’Université de Maurice (UoM), ont aussi été mises sur pied.

Dans tous les cas, si la situation est encore loin d’être parfaite, surtout sur la périphérie de ce qui attire vraiment les visiteurs du jardin botanique, il est surtout attendu de patriotes du soutien, certes critique, mais constructif et non une mise en doute radicale d’un travail systématique. Ne pas reconnaître que le site du jardin est dans une phase dynamique et soutenue serait faire preuve de mauvaise foi, comme le témoignent les photos in situ, datées et enregistrées de nos internautes sur leurs sites ou réseaux sociaux, qui servent parfois d’illustrations. Entre autres.

Pour le reste, le questionnement de Serge Astruc sur nos pratiques journalistiques et les mettre en suspens avec celles de Mme Fakim est un peu fort de café, pour dire le moins. Ne serait-ce, au bout du compte, qu’un énième coup d’épée dans un bassin où les “birds of the same feather flock together !”

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