Elle a évacué le Nord de Gaza pour rejoindre Rafah, au Sud, supposément zone sécuritaire. Cependant, Israël y opère des bombardements. Elle a donc été de nouveau déplacée avec sa famille. « Qu’importe où nous allons, nous ne sommes pas en sécurité », déplore-t-elle. Pendant qu’elle écrit ce témoignage pour Le-Mauricien, cette Gazaouie confie que des tirs se font entendre autour d’elle. Elle transmet un audio déroutant. L’échange avec cette peintre originaire de la bande de Gaza est, de fait, court. Ses tableaux ont été utilisés pour soutenir la cause palestinienne à travers le monde. Depuis le 7 octobre, beaucoup de ses proches ont été tués. Son époux et elle ne sont guère en sécurité.
Le deuxième témoignage provient d’un Palestinien de la Cisjordanie. Cette zone sous occupation israélienne subit également la persécution quotidienne, témoigne-t-il. La surveillance s’est accrue. Tout signe de support à Gaza, même en ligne, est strictement réprimé. L’échange avec cette humanitaire se tient donc par intermédiaire. Difficile d’établir des lignes de communication dans une zone constamment épiée. Depuis la Cisjordanie, il plaide pour le respect des droits des hommes pour tous et pour que les tueries d’enfants cessent à Gaza.
Une peintre de Gaza : « Pendant que j’écris, les avions nous bombardent »
« Pendant que j’écris, ils mitraillent la région et les avions nous bombardent. (NdlR : elle envoie un audio d’une première salve de coups de feu d’une arme automatique. En arrière, une voix semble se lamenter. Des sirènes résonnent également au loin. Puis, une deuxième salve de coups de feu retentit. Une voix lance quelque chose, puis l’audio se coupe).
« Les avions sont au-dessus de nous. Des coups de feu sont tirés non loin. Les gens s’enfuient en emportant uniquement leur vêtement. C’est très effrayant.
« Je vis à Gaza depuis que je suis née. Je n’ai jamais traversé la frontière. Nous sommes
en mode survie et sommes éparpillés tout au long de la bande de Gaza. Certains sont au Nord, d’autres au Sud à Rafah. Certains ont été évacués des douzaines de fois, d’autres plus chanceux ne l’ont été que trois fois.
« Nos vies ont été gravement chamboulées par les attaques. Nous avons perdu nos maisons. Ma demeure familiale a été totalement détruite. L’appartement de ma mère a été brûlé. Elle se réfugie avec ma sœur dans une tente. Mon époux et moi ne parvenons à retourner dans notre région au Nord. Nous survivons sans électricité, gaz ménager et eau. Nous n’avons pas de vêtements convenables. Pour nous nourrir, nous consommons principalement des aliments en conserve.
« Ils ciblent les régions décrétées comme sécuritaires. La semaine dernière, nous avons perdu 10 membres de notre famille. Ils ont été massacrés et des parties de leurs corps ont été retrouvées éparpillées dans les rues. Ce même jour, nous avons dû évacuer Rafah et rejoindre Khan Yunis. La route était jonchée de débris. Il y avait aussi des voleurs. Cette nuit-là, j’ai fait une dépression nerveuse. Depuis, mon état de santé n’a cessé de se dégrader. Qu’importe où nous allons, nous ne sommes pas en sécurité .»
Un humanitaire de Cisjordanie : « J’ai le sentiment d’être de la chair sans importance aux yeux des leaders du monde »
« Je suis né en Cisjordanie et y vit depuis 30 ans. Les seules fois où j’ai quitté cette terre, c’était pour des études et le travail à l’extérieur. Ici aussi la situation a dramatiquement empiré depuis le 7 octobre. Je suis stressé, épuisé, désespéré… j’ai perdu beaucoup de mes amis. Par chance, ma famille se porte bien.
« Nous n’avons pas pu quitter la ville de peur que les colons ou les soldats nous attaquent. Les colons ont détruit notre ferme et ont brûlé nos récoltes, dont des champs d’oliviers. La persécution est telle que nous ne pouvons afficher notre soutien à Gaza sur les réseaux sociaux, voire même auprès de notre communauté. De plus, nous avons peur de transférer de l’argent à nos cousins à Gaza, car nous pouvons nous faire arrêter. Les Israéliens contrôlent tout, même les banques.
« Nos vies ont complètement changé. Mes pensées, ma manière de pensée, ma perspective de l’humanité, des lois internationales, des droits humains… tout a basculé. Le sentiment que j’ai d’être de la chair sans importance aux yeux des leaders du monde est dégoûtant. Je ne peux plus me concentrer au travail.
« Comme humanitaire et militant des droits de l’homme auprès d’une organisation internationale, je ressens comment notre travail est paralysé et n’a aucun impact quand les États-Unis sont impliqués, notamment dans le cas d’Israël. Même les Nations unies doivent faire attention en publiant des rapports. Je n’ai jamais questionné mon travail d’humanitaire jusqu’au début de la guerre à Gaza. La brutalité a impacté ma façon de considérer les choses, même les plus insignifiantes.
« Israël est comme le monstre de ce monde que personne ne peut arrêter. On le paie de nos vies. Nos enfants et nos proches sont tués tous les jours. Pour l’heure, je suis à l’abri. Auparavant, je jouais de la musique, faisais du sport, parlais avec mes amis de l’étranger. Maintenant, j’ai perdu tout cela. Je ne joue plus de musique et ne contacte plus mes amis à l’extérieur. Je sens qu’ils sont tous stressés par la guerre. J’essaie toutefois de faire un peu de sport.
« Je tiens à rappeler aux Palestiniens que nous sommes beaux… Nous sommes trop beaux pour être tués, trop beaux pour être exilés, trop beaux pour être ignorés. Nous subissons cette situation depuis tellement trop longtemps que le monde nous a oubliés. C’est l’une des plus grandes injustices qui nous est faite. La Déclaration universelle des droits de l’homme devrait être appliquée à nous tous, si nous sommes tous égaux. Elle ne devrait être une loi, mais une morale humaine.
« Je remercie le peuple mauricien pour tout. Je souhaite vous accueillir tous si vous venez visiter la Palestine, si vous désirez goûter à la cuisine de ma mère, déguster notre huile d’olive, vous promener parmi nos montagnes, admirer la beauté de notre peuple ; mais aussi, malheureusement, constater le système d’apartheid en longeant les frontières et les barrages. Vous y comprendrez l’inhumanité que nous affrontons quotidiennement à cause du régime israélien et des militaires.
« Au peuple israélien, ceci n’est pas une déclaration politique. Je vous demande d’être humain, de penser de manière humaine. Vous ne pouvez soutenir la machine à tuer des enfants et être fiers de cela. Des enfants sont des enfants qu’importe leur apparence, leur race, leur couleur – leur religion. Les enfants sont les créations les plus pures et représentent la plus parfaite image de l’humanité. En soi, ayez un autre regard. Les citoyens de ce monde ne vous mentiront pas. Regardez les manifestations partout sur terre qui demande la fin de la guerre. Soyez humains. »