L’espoir renaît dans le secteur touristique avec la nomination de Richard Duval au poste de ministre du Tourisme et de celle de Sydney Pierre comme Junior Minister. Ces deux nominations sont accueillies avec enthousiasme par les opérateurs. « Nous espérons que sous la direction de Richard Duval, le secteur du tourisme connaîtra une dynamique nouvelle et positive. Le ministère du Tourisme joue un rôle fondamental dans la promotion de notre île, en veillant à un développement innovant, efficace, et respectueux des communautés locales ainsi que des ressources naturelles », explique Christian Lefèvre, qui compte 40 ans d’expérience dans le secteur, et s’exprimant en sa qualité de Managing Director de Coquille Bonheur et président de l’association Friends in Tourism.
Il dit souhaiter une « vision stratégique et audacieuse » afin de « revitaliser » le secteur touristique, véritable pilier de l’économie. « Dans un contexte mondial en constante évolution, il est essentiel de rétablir la compétitivité de Maurice en tant que destination phare », dit-il. Parmi les priorités : la connectivité aérienne qui est primordiale pour l’économie et le secteur touristique, et qui dépendent fortement de l’afflux de visiteurs internationaux.
« Il est essentiel de renforcer les accords de transport aérien avec des marchés stratégiques tels que l’Europe, l’Asie et l’Afrique, tout en attirant des compagnies aériennes prestigieuses. Des partenariats renforcés avec des transporteurs capables d’ajouter des fréquences ou de desservir de nouvelles routes permettront d’augmenter la capacité et la diversité des options pour les voyageurs », explique Christian Lefevre. Il est également crucial de diversifier les marchés sources.
Actuellement, Maurice repose principalement sur un petit nombre de pays, poursuit cet opérateur, ce qui expose le secteur aux fluctuations économiques de ces régions. « En élargissant les accords à de nouveaux marchés comme l’Inde, la Chine, l’Australie et l’Afrique de l’Est, Maurice pourra garantir un flux plus stable de visiteurs et résister aux chocs économiques. » Par ailleurs, des partenariats régionaux, notamment avec les pays voisins, dynamiseront la connectivité au sein de l’océan Indien et permettront de promouvoir la région comme une destination combinée, offrant de nouvelles perspectives commerciales et touristiques.
MK, le maillon faible
Deuxième priorité, indique le Managing Director de Coquille Bonheur, est Air Mauritius, qui est actuellement « le maillon faible » de l’industrie touristique alors qu’elle devrait en être une pièce maîtresse. « Il est urgent de stabiliser financièrement la compagnie et de renforcer sa compétitivité. En tant que vitrine de l’expérience mauricienne, Air Mauritius doit moderniser sa flotte, ajuster ses tarifs, et se concentrer sur une stratégie de satisfaction client », affirme-t-il.
Il met l’accent sur une collaboration public-privé nécessaire pour maintenir Air Mauritius en position de compétitivité face aux autres transporteurs régionaux. Il est également impératif de restaurer son image internationale et de mettre en place « une gestion de crise réactive pour transformer les expériences négatives en opportunités de fidélisation. » Investir dans de nouveaux avions ou renouveler partiellement la flotte réduira les coûts d’exploitation, poursuit-il, tout en offrant un service de qualité. Par ailleurs, l’alignement des tarifs sur les attentes des voyageurs et des offres promotionnelles ciblées permettra de trouver un équilibre entre rentabilité et accessibilité.
Séjours écologiques
Une autre priorité demeure la Mauritius Tourism Promotion Authority, qui doit s’adapter à un marché touristique en pleine mutation. « Une stratégie numérique plus poussée et des innovations dans les techniques de communication sont essentielles. Maurice pourrait se positionner comme une destination écoresponsable en mettant en avant ses initiatives environnementales et son soutien aux communautés locales », fait-il comprendre.
Il suggère aussi une collaboration avec les opérateurs locaux pour offrir des séjours écologiques et des activités respectueuses de l’environnement, ce qui renforcera l’image de Maurice en tant qu’île durable. Il s’agit également de promouvoir des expériences authentiques, en lien avec le patrimoine naturel et culturel, ce qui boostera également la visibilité des petits acteurs économiques locaux. La MTPA devrait ainsi s’engager activement pour répondre aux attentes des voyageurs modernes tout en affirmant la position de Maurice en tant que destination écoresponsable.
Concernant la Tourism Authority, autre organisme tombant sous le ministère du Tourisme, elle doit aller au-delà de son rôle traditionnel de régulation et accentuer le développement durable du tourisme. « En établissant des normes écologiques et sociales pour les hôtels, les transporteurs, les guides, et autres prestataires, la TA pourrait promouvoir des pratiques responsables et inciter les visiteurs à faire des choix durables. Il est également crucial que la TA assure la sécurité des touristes, notamment contre l’exploitation et les abus. Des initiatives de sensibilisation et des mécanismes de dénonciation sont des actions prioritaires dans ce domaine », indique Christian Lefèvre. Par ailleurs, il met en exergue que la TA devrait soutenir les petites entreprises locales, en particulier celles engagées dans des pratiques durables, à travers des subventions ou des programmes de financement. Cela favoriserait une croissance inclusive et respectueuse de l’environnement et de la culture locale.
Il poursuit que le nouveau ministre du Tourisme doit favoriser un développement touristique qui préserve l’environnement et vienne en aide à la société. Il est impératif de mettre en place des mesures concrètes pour protéger les écosystèmes, réguler la fréquentation des sites sensibles et encourager les initiatives locales et écoresponsables. « Le ministre devra adopter une approche inclusive en collaborant avec l’ensemble des acteurs du secteur – de l’hôtellerie aux petites entreprises, en passant par les autorités locales et les organisations de la société civile. Un tel engagement est fondamental pour redéfinir l’image de Maurice en tant que destination touristique durable et compétitive », confie-t-il.
Inclure les jeunes
Le désintérêt croissant des jeunes pour les métiers du tourisme est un sujet préoccupant qui mérite une réflexion approfondie, dit le Managing Director de Coquille Bonheur. Ce secteur repose historiquement sur le savoir-faire, l’hospitalité et l’identité culturelle locale.
« Pourtant, de plus en plus de jeunes hésitent à s’y engager, invoquant des conditions de travail jugées peu attractives et des perspectives de carrière limitées. Les horaires souvent irréguliers, les salaires perçus comme peu compétitifs et une faible reconnaissance sociale découragent les jeunes de considérer ces métiers comme des choix de carrière viables. »
Si l’importation de main-d’œuvre étrangère permet de combler un manque à court terme, elle ne contribue pas à valoriser le secteur pour les Mauriciens, ajoute-t-il. Au contraire, elle peut renforcer l’idée que ces emplois ne sont pas faits pour eux. Le tourisme repose sur une expérience authentique où les visiteurs cherchent à découvrir la culture et l’hospitalité locales ; et l’absence de travailleurs locaux « risque d’éroder cette authenticité. »