Le 10 mars dernier, soit un peu plus de 40 ans depuis son installation dans le bâtiment qu’il a acquis, avec le terrain à Grand-Rivière-Nord-Ouest fin 1983, et qu’il partageait avec Lalit, Ledikasyon Pu Travayer (LPT) a remis la clé au nouveau propriétaire des lieux pour désormais s’installer dans un local qu’il loue à Moka. Dans une déclaration à Le-Mauricien, Alain Ah Vee, membre du comité de LPT et militant de Lalit, regrette qu’il ait été contraint de prendre la décision de partir avec les inondations successives qui les affectaient dans leurs travaux depuis quelque temps.
« Lane dernye, dan lespas kat mwa nounn gagn de inondasion, san konte bann lezot ti inondasion ki nounn gagne, ek avan, an 2013, ti ena flashflood. Nounn koumans gagn bann inondasion dan bann lane 2000. Tou sa rezion-la a risk e avek dereglema cklimatik, nou’nn pran ladesizion pou ale depi laba. Prosedir ti bien lon. Li’nn ratifie ver lafin lane dernye e lindi nou’nn remet lakle nouvo proprieter », confie Alain Ah Vee, qui ressent fortement la perte d’un nombre inestimable de documents lors de ces inondations.
Ainsi, tout le rez-de-chaussée du bâtiment était quasiment inutilisable du fait des risques qu’il comportait et les membres de LPT, de Lalit et d’autres syndicats qui s’y retrouvaient, occupaient l’étage supérieur pour leurs activités et réunions. Et ce, jusqu’à la semaine dernière. « Nous faisons nos réunions dans le nouveau local, à Moka, histoire de s’habituer aux lieux et à GRNO également », soutient-t-il.
Malgré le déménagement, rien n’a changé dans les activités de LPT et de Lalit, insiste-t-il. Outre, le nouveau centre de Moka, « les réunions ou autres activités ont lieux chez les membres, à tour de rôle », dit-il. Les deux formations ont répertorié et expédié les documents et autres publications chez leurs membres. « Nous en avons aussi fait dons de certains », souligne Alain Ah Vee, pour qui LPT revient dans « sitiasyon initial ki nou ti ete kan nou ti koumanse an 1976, se-a-dir san batima ». L’occasion pour lui de revenir sur les débuts de LPT.
LPT a vu le jour avec un objectif spécifique, celui de promouvoir l’alphabétisation dans les deux langues maternelles de la majorité des Mauriciens, soit le kreol et le bhojpuri. Pour se faire, il organisait des cours et, avec l’accroissement du nombre de participants, le besoin d’une imprimerie se faisait de plus en plus sentir. « O debi, nou ti pe ekrir nou bann materiel literasi ar lame », se souvient Alain Ah Vee.
Cers 1980, il décide de louer « une chambre rue Caudan, à Port-Louis, pour faire la mise en page des manuels et tout le travail de la prépresse ». Il ajoute : « Quand nous nous rendions en imprimerie pour imprimer nos livres, on nous décourageait. »
L’acquisition du terrain et du bâtiment à GRNO a lieu fin 1983. En 1984, grâce au don d’une imprimante offset Kord-64, équipement à la pointe de la technologie à l’époque, de l’organisation allemande Bread for the World, une caméra sophistiquée, d’Angleterre, et d’autres équipements, LPT ouvre son imprimerie et publie son premier dictionnaire bilingue créole/anglais. LPT établit alors une politique d’éditeur et ses principes. L’imprimerie est autogérée; elle imprime des documents venant de l’extérieur avec un tarif préférentiel lorsqu’il s’agit d’une publication dans la langue maternelle. Elle proscrit toute impression de document considéré communaliste, raciste et sexiste par le comité de rédaction. Les collectifs – syndicat, coopérative, comité de quartier – bénéficient aussi de tarifs préférentiels.
Avec le temps, l’espace s’est développé pour accueillir des activités syndicales, notamment avec Lalit et autres. « Linn vinn enn fwaye pou bann organizasion demokratik, bann syndika, koperativ, Muvman fam… »
Les lieux comprenaient en outre un centre de documentation de Lalit avec des archives thématiques, des coupures de presse, de 1970 à ce jour, une librairie élargie avec des publications de LPT, mais aussi des auteurs mauriciens. Ils ont aussi accueilli de nombreux événements et rencontres : groupe d’études, expositions, conférences, colloques, projections de film, soirées poésie et littérature… Alain Ah Vee rassure ses membres et les amis de LPT et Lalit : « Tou nou bann travay pe kontinye parey me li desantralize aster ! »