- Kimberly (12 ans) : « Un élève de 8 ans m’a menacée avec un cutter dans la cour de l’école »
Le 8 décembre, une trentaine de jeunes membres de la Pastorale des jeunes du diocèse de Port-Louis et du Muslim Citizen Council (MCC) étaient réunis au centre Razack Mohamed de Phoenix pour un atelier de travail autour de la thématique Zero violans” Animé par Ayesha Joomun, présidente de l’aile féminine du MCC, cet exercice a aussi vu la participation du travailleur social et ancien ministre Sam Lauthan, du président du MCC, Haroon Durbass, ainsi que de membres de la Pastorale des jeunes, dont Pamela Bugwondeen et Rodney Coco.
De 14h30 à 16h30, la trentaine de jeunes issus de ces deux groupements sociaux ont réfléchi et exprimé leurs sentiments sur tous les types de violences dont ils entendent parler, mais aussi que certains parmi eux ont expérimentées. Ainsi, la toute jeune Kimberly (12 ans), élève en quatrième, a livré un témoignage bouleversant. « Mo ti pe zoue ek mo bann kamrad dan lakour lekol. Enn moman, enn garson dan trwaziem ek so bann kamrad inn koumans koz brit ek malmenn mo bann kamrad. Mo’nn avanse, mo’nn dir li aret fer sa, li pa gagn drwa koz koumsa ek azir koumsa. Li’nn araze, li vinn ar mwa, li dir mwa res trankil sinon li ena enn kuter ar li, li pou koup mwa ar sa. »
La jeune fille explique qu’elle s’est rendue auprès du Headmaster de l’école en question, « me li pa’nn fer naryen ». Elle avoue avoir été choquée : « J’ai eu très peur de cette attitude venant d’un garçon plus jeune que moi. »
D’autres jeunes, à l’instar de Rayhaan, ont aussi pris la parole. Le jeune homme a expliqué comment il était victime de maltraitances chez lui. « Je demande aux parents de ne pas frapper leurs enfants pour un oui ou pour un non. La violence engendre la violence, rien d’autre. Kan fer koumsa, zanfan-la osi vinn violan. Li pou ena tandans grandi ek servi laviolans dan so lavi. » Il conclura son intervention par un aveu : « Vous voulez un exemple ? Prenez mon propre cas. Je suis passé par là… »
« Sak zour, kouma nou alim nou telefonn, nou ouver enn zournal, ki nou trouve ? Ki nou tande ? Nek krim par isi, kout kouto, etc. Senn-la inn touy so madam, lotla so kamarad… Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans une telle atmosphère de terreur, de danger permanent. Ce n’est pas sain du tout pour nos jeunes de grandir dans un tel environnement », dira Ayesha Joomun.
Haroon Durbass abonde dans le même sens, soulignant : « Tant nos enfants que nos femmes ne sont donc pas à l’abri chez eux comme dans la rue. Nous ne pouvons pas laisser cette situation pourrir. Nous devons chacun apporter notre contribution pour changer la donne. »
Durant ses interventions régulières entre les différents travaux pratiques auxquelles la trentaine de jeunes a été soumise, Ayesha Joomun a prôné le respect mutuel. Elle explique : « je conçois que des petites punitions physiques doivent perdurer entre parents et enfants. Cependant, il faut travailler vers un équilibre, une entente mutuelle, afin que nos enfants grandissent dans un climat où ils peuvent s’épanouir et développer leurs talents et aptitudes de manière mature et responsable. »
Ayesha Joomun, Pamela Bugwondeen, assistante responsable de la Pastorale des jeunes du diocèse de Port-Louis, Haroon Durbass et Sam Lauthan ont encouragé « des comportements empreints de respect, de compréhension, d’amour et d’écoute ». Et cela, « tant au sein des familles que parmi les couples, les personnes qui travaillent ensemble, les jeunes à l’école… ».
Haroon Durbass indique que « le degré de violences, dans toutes les sphères de notre vie à Maurice, a pris ces derniers temps une tangente trop alarmante ». Il développe : « Nous avions déjà ces contacts établis entre le MCC et le diocèse afin de démarrer une série de rencontres et d’échanges, pour mieux préparer nos jeunes et les prévenir contre toutes les formes de violences existantes. »
L’intervenant ajoute qu’étant très proche du nouvel évêque de Port-Louis, Mgr Jean-Michaël Durhône, « qui a été un de mes élèves et avec qui j’ai toujours gardé contact, nous avons, même avant son ordination, ces projets de formation et de dialogue » pour les jeunes. « C’est dans ce sens que s’inscrit cet atelier. D’autres activités suivront, toujours dans le cadre de ce partenariat entre le MCC et le diocèse de Port-Louis. » Mgr Durhône souhaitait être présent et participer à l’atelier de vendredi, mais pris par certains engagements inattendus, il n’a pu faire le déplacement.
Ayesha Joomun est également d’avis que ce type d’échanges et de rencontres « va permettre à nos jeunes, qui sont notre avenir, de grandir en cultivant de bonnes valeurs et de vrais repères ». Elle reprend : « Avec la situation alarmante des cas de féminicide, des violences en tous genres qu’on entend dans les cours d’écoles et de collèges, nos jeunes vont penser que la violence est normale, et ainsi banaliser des comportements radicaux. Nous ne pouvons pas laisser cela arriver. »
Pour sa part, Rodney Coco, également de la Pastorale des jeunes du diocèse de Port-Louis, a conclu l’après-midi de travail avec un message d’espérance. « Nous avons vu aujourd’hui qu’avec une formation, où nos animateurs ont encouragé des attitudes empreintes d’amour, de compréhension, de respect, d’écoute et de tolérance, nos jeunes se sentent déjà un peu plus forts, bien accompagnés et armés d’outils qui leur permettront de dire non quand ils se retrouveront dans des circonstances parfois délicates. Bien entendu, ce n’est que le début d’un travail de longue haleine ! Mais c’est un bon départ. »
Sam Lauthan encourage l’empathie
Travailleur social infatigable intervenant auprès de nombreuses familles mauriciennes victimes de drogues, l’ancien ministre de la Sécurité sociale et assesseur de la Commission d’enquête Lam Shang Leen sur la drogue, Sam Lauthan, est intervenu à différentes reprises. Une première fois pour évoquer « les affres des drogues sur les jeunes » et « comment cette spirale infernale engendre une multitude de problèmes, qui, très souvent, se terminent fatalement, ou derrière les barreaux ».
Mais Sam Lauthan a surtout mis l’accent sur l’empathie. Usant d’un exercice qu’il pratique souvent dans ses interventions, l’homme a longuement interagi avec les jeunes présents au Razack Mohamed Centre pour les amener à réagir et comprendre l’importance de l’empathie dans leurs rapports avec les autres. « Se mettre à la place de l’autre, surtout dans un moment de colère, car ce sont dans de telles circonstances que très souvent nous cédons aux violences, verbales et physiques, est un travail très important que nous devons faire sur nous-mêmes. Il faut arriver à sortir de soi, dans de tels moments d’emportement, et se mettre à la place de l’autre. Je sais que c’est extrêmement difficile, voire inconcevable même pour certains. Mais nous devons faire cet effort. »
Sam Lauthan a raconté plusieurs anecdotes « de jeunes et de leurs parents pris dans l’enfer des drogues, de l’alcool et de toutes ces substances néfastes et nocives ». Mais surtout des drogues synthétiques, dit-il. « Et il y a aussi ces crimes sordides qui ravalent l’homme au rang de la bête ! Face à tout cela, nous devons résister, nous former et nous préparer à ne pas tomber dans ces pièges. »