Infanticide sur fond de drogue synthétique — Un appel à l’action

Fallait-il un drame ignoble, qu’est le meurtre de Cataléa Nalathumbee, 18 mois, à Richelieu, mercredi dernier, pour rappeler que les séquelles des drogues synthétiques peuvent conduire à des actes aussi graves qu’un crime ? L’infanticide de Résidence Richelieu, qui s’est déroulé sur fond de drogue chimique, soulève, encore une fois, des questions urgentes sur la lutte contre celle-ci, la prise en charge des usagers de substances synthétiques et l’ampleur de leur impact sur la société.

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Le meurtre de Cataléa Nalathumbee, âgée de 18 mois, met en lumière la nécessité de renforcer les stratégies de prévention et d’intervention avant qu’il ne soit trop tard. La méthadone, souvent perçue comme un pilier dans la prise en charge des personnes dépendantes à l’héroïne et aux autres drogues injectables, a permis de transformer de nombreuses vies. Elle s’inscrit dans une approche de traitement de substitution, visant à réduire les risques associés à l’usage de drogues, tout en permettant à l’individu de se stabiliser et de se réinsérer socialement. Ce traitement, en se substituant à la drogue illicite, permet de diminuer les effets de sevrage et les risques de surdose, tout en offrant une voie vers la désintoxication progressive, sous surveillance médicale. Cependant, cette approche éprouvée trouve ses limites lorsqu’il s’agit de traiter les usagers de drogues synthétiques, souvent désignées sous le terme de « drogues chimiques ».

Les drogues synthétiques, telles que les nouvelles générations de stimulants ou les opioïdes de synthèse, représentent un défi majeur pour nos hôpitaux lorsqu’ils reçoivent des patients présentant des complications de santé. Le principal problème réside dans le fait qu’il n’existe pas de traitement de substitution spécifique pour ces drogues. Alors que la méthadone agit comme un substitut aux opiacés, permettant de soulager les symptômes de sevrage et d’éviter l’injection, les drogues synthétiques n’ont pas de remplaçants médicamenteux définis ou reconnus. Ces substances se caractérisant par une composition chimique extrêmement variable, il est difficile de mettre en place un traitement universel et adapté à chaque profil d’usager. Par ailleurs, les effets physiopathologiques qu’elles provoquent différant de ceux des drogues classiques, ce qui complique encore davantage leur prise en charge.

Dans le cas des usagers de drogues chimiques, l’approche thérapeutique repose souvent sur la gestion des symptômes aigus et la prévention des risques immédiats, comme les crises d’angoisse, les troubles psychotiques ou les overdoses. Le traitement de substitution reste inexistant, car les drogues synthétiques agissent sur des récepteurs et des mécanismes biologiques complexes et variés, qui échappent en grande partie aux médicaments existants. Face à ce manque de solutions concrètes, les usagers de drogues synthétiques se trouvent dans une position particulièrement vulnérable. L’absence de traitement de substitution augmente les risques de rechute, de complications psychologiques et physiques, et d’exposition à des pratiques de consommation dangereuses. La solution à ce problème complexe, disent les ONG qui travaillent avec des usagers de drogues, nécessite des recherches approfondies sur les effets des drogues chimiques et sur la mise au point de traitements adaptés, ainsi que l’élargissement des programmes de soins de substitution, afin de couvrir un spectre plus large des différentes formes de dépendance.

Selon Ashvin Gungaram, directeur de l’ONG AILES, engagée dans la prévention et l’accompagnement, « Maurice accuse un retard d’une quinzaine d’années dans la lutte contre les drogues synthétiques, un constat alarmant qui met en lumière la lenteur avec laquelle le pays a réagi face à un phénomène en constante évolution. » Dans plusieurs régions de l’île, on parle même d’une « explosion » de cette tendance. Alors que la consommation de drogues synthétiques connaît une croissance rapide à l’échelle mondiale, Maurice peine à mettre en place des stratégies efficaces pour faire face à ce fléau.

Le retard de Maurice dans cette lutte est d’autant plus frappant lorsqu’on le compare à d’autres pays qui, depuis une décennie, ont développé des politiques de prévention, des programmes de substitution, et des infrastructures adaptées à la prise en charge des usagers de drogues synthétiques. Dans ces pays, indique Ashwin Gungaram, des mesures ciblées ont été mises en place pour répondre aux spécificités de ces substances, en termes de composition chimique, d’effets sur l’organisme et de comportements des consommateurs. Il cite la décriminalisation du cannabis. Le pays semble avoir pris du retard, non seulement en termes de politiques publiques, mais aussi de l’éducation sur ces drogues.

Ashvin Gungaram explique qu’il est impératif que Maurice rattrape son retard en adoptant une approche globale et proactive dans la lutte contre les drogues synthétiques. Depuis ces dernières années, la société civile, précise ce dernier, n’a eu de cesse d’interpeller les autorités sur les ravages causés par les drogues synthétiques et l’ampleur croissante de leur trafic dans le pays. Malgré ces alertes répétées, les réponses institutionnelles peinent à se structurer de manière adéquate, laissant un vide face à cette menace grandissante. Les acteurs de la société civile, conscients des risques sanitaires et sociaux associés à ces substances, appellent à des actions concrètes pour endiguer ce fléau. Le directeur d’AILES souligne que face à l’ampleur du problème des drogues synthétiques, il est crucial que les autorités, les acteurs de la prévention et les ONG unissent leurs forces pour trouver des solutions conjointes. Selon lui, une approche collaborative est indispensable pour créer des stratégies efficaces qui répondent à la fois aux besoins des usagers et aux défis spécifiques liés à ces nouvelles substances.

Les ONG, de par leur proximité avec les populations vulnérables, jouent un rôle clé dans l’accompagnement, mais elles ne peuvent agir seules. Il est donc essentiel d’établir un partenariat solide avec les autorités publiques et les professionnels de santé afin de renforcer la prévention, améliorer les soins et offrir des alternatives de traitement adaptées aux usagers de drogues. Toutefois, en attendant la mise en place d’un plan d’action national pour combattre les drogues synthétiques, Ashwin Gungaram explique qu’il est nécessaire de trouver une solution temporaire pour répondre à l’urgence de la situation. Selon lui, il est crucial d’introduire un « exit drug » — une substance qui pourrait aider les usagers à sortir de l’emprise des drogues synthétiques, tout en minimisant les risques sanitaires. Il ne s’agirait pas d’une solution définitive, mais d’un moyen pour accompagner les usagers dans leur cheminement vers la désintoxication, tout en évitant les effets dévastateurs de la consommation incontrôlée.

En attendant un cadre légal et une stratégie nationale globale, cette mesure temporaire pourrait offrir une réponse pragmatique face à un problème qui touche déjà de nombreuses vies. En attendant, la prévention et l’accompagnement restent les meilleures armes face à ce phénomène en constante évolution. Il devient urgent d’intensifier les efforts pour comprendre ces nouvelles drogues et leur impact, afin de mieux accompagner les usagers dans leur parcours de soins et de réhabilitation.

Face à la présence inquiétante de substances — Résidence Richelieu suffoque !

Le présumé agresseur de la petite Cataléa Nalathumbee serait dépendant de la drogue synthétique. L’homme, Josian Sylvio Edmond, n’est pas un inconnu dans Cité Flamboyant (Richelieu), où vivait la petite victime. Depuis plusieurs mois, il s’était installé avec d’autres personnes, dont la jeune mère de la fillette, et celle-ci, dans un espace public à l’entrée de la cité. Ces derniers avaient aménagé, au vu et au su de tous, un coin qu’ils avaient barricadé avec des draps. L’addiction de Josian Sylvio Edmond n’est un secret pour personne. Cataléa Nalathumbee, sa mère et Josian Sylvio Edmond ont été accueillis par une habitante de Cité Flamboyant. Malheureusement, malgré sa dépendance aux drogues chimiques et son agressivité connue, il a eu accès à un enfant qui a fait les frais de sa colère barbare.

Cela fait des années que les drogues synthétiques font des ravages, à Richelieu et ailleurs. Au lendemain du décès tragique de la petite Cataléa Nalathumbee, la ministre de l’Égalité des Genres, Arianne Navarre-Marie, qui détient également le portefeuille des Enfants et est députée de Richelieu, a exprimé sa stupéfaction face aux dégâts causés par la drogue synthétique. « Pourtant, s’exclament des habitants de la localité, la ministre, principalement, et les députés David et Parapen, savent très bien quelle est la situation des drogues ici. La région n’est pas inconnue pour la ministre. Cela fait longtemps que nous subissons les ravages de la drogue, y compris synthétique. Zordi kestion ki nou pe poze se : ki pou fer ? » Mais devant une proposition de marche citoyenne à Richelieu-Petite Rivière, des résidents ont exprimé leurs désapprobations. C’est en toute discrétion que certains nous ont expliqué qu’ils étaient contre une marche antidrogue. « Se bann-la ki donn enn ti kas kan dimounn pa pe kapav fer enn lanterman. Zot ki vinn donn manze dimounn dan sant kan ena siklonn… Nou pa trouv depite lerla », expliquent-ils. Participer à une marche serait se mettre à dos les personnes impliquées dans le trafic de drogue dans la région.

Néanmoins, conscients que la drogue synthétique ne cesse de faire des dégâts dans des foyers, ils souhaitent que les autorités agissent et s’intéressent aux signes évidents de richesse inexpliquée. « Kouma lapolis pa trouv trafik ki pe fer anplin lazourne ? Dimounn per pou mars lor lari dan site « s’insurgent des résidents de Richelieu-Petite Rivière qui réclament des patrouilles régulières. Certains racontent comment des toxicomanes s’introduisent dans des maisons pour commettre des vols. « Enn madam ti rant dan enn lakaz pou kokin, li ti lor lefe simik. Li finn tir tou so linz lor li, li’nn komans danse », confie un habitant de la cité.

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